BioShock Infinite
7.5
BioShock Infinite

Jeu de Irrational Games et 2K Games (2013PlayStation 3)

J'ai pas mal cogité ces dernières 24 heures, après avoir bouclé BioShock Infinite, et ici encore, les mains sur le clavier, bien au chaud sous la couette, encore pas mal de choses se bousculent dans ma tête.

Est-il (encore) nécessaire d'écrire quelque chose sur ce jeu ? Telle est la question à laquelle j'essaye désespérément de répondre depuis la nuit dernière. Oui, vous allez me dire, je mène une vie passionnante (et j'aime vous en faire profiter), mais la réflexion soulève une interrogation bien plus intéressante. Peut-on encore parler de jeu vidéo comme on le faisait autrefois ? Je veux dire, un peu en mode guide d'achat, en se contentant d'énumérer les points importants, et de décrire les aspects jugés les plus pertinents par et pour le lectorat. Est-ce que c'est beau ? Est-ce que c'est long ? Est-ce que c'est jouable ? Mieux encore, est-ce que l'on s'y amuse ?

Je me rends compte que je n'ai pas de réponse satisfaisante à apporter à ces questions pour BioShock Infinite, car rien de tout cela ne m'a réellement marqué ici. Attention, ce n'est pas péjoratif, le titre est beau, très beau même sur ses effets de lumière, le feeling des combats est punchy à souhait, ce qui rend le tout très plaisant à jouer, et l'aventure est particulièrement bien variée/rythmée pour ne pas ressentir le moindre ennui à un seul instant. Vu sous cet angle, BSI ressemble à n'importe quel blockbuster AAA léché mais sans grande surprise, généralement affublé de la note de 8/10 par votre serviteur (parce que je n'aime pas trop m'embêter avec ce genre de considération).

Pendant une bonne partie de l'aventure, je gardais cette note dans un coin de ma tête, pas comme une sanction mais presque, car si le petit nouveau envoie du bois, on ne peut pas s'empêcher de le comparer à son illustre aîné, et de remarquer que là encore tout n'est pas maîtrisé à 100%. Ne me demandez pas d'écrire un truc rationnel, il est 23h et j'ai eu une journée éreintante. Contentez-vous simplement de mon ressenti sur le sujet : j'ai passé beaucoup de temps à comparer BioShock Infinite à BioShock, ce que j'estime être une belle grosse connerie avec le recul, mais une connerie inévitable. On y retrouve cette idée de combat en free form pas toujours bien appréhendée, cette ville hors des cartes dirigée par des êtres mégalomaniaques, dans laquelle on arrive sans trop savoir ni comment, ni pourquoi, ces ficelles scénaristiques pas identiques mais en tout cas très similaires au premier abord... Bref, à tort ou à raison, beaucoup d'éléments vous rappelleront le périple rapturien lors de vos errances à Columbia.

Le truc, c'est que BSI est bien plus intelligent que cela. Je pourrais vous expliquer pourquoi, mais je préfère résumer grossièrement tout le bien que je pensais de Portal 2 il y a maintenant 2 ans (putain, déjà) : plus qu'une suite, c'est un épisode-canon, qui ne s'abaisse pas à régurgiter une check-list 2.0 de tout ce qui a fait le succès du précédent opus et vit sur ses propres bases. C'est la raison pour laquelle BioShock 2 s'est mangé les dents sur le trottoir, et BioShock Infinite ressemble davantage à une vraie suite que l'épisode qui était censé être la vraie suite (il est 23h30, vous n'êtes plus obligés de me suivre dans mes raisonnements fumeux) : le nouvel univers ne ressemble à rien de ce que l'on a pu connaître auparavant, et pourtant une sensation de familiarité assez tenace s'en dégage car les références sont choisies avec parcimonie ; le titre ne s'étouffe pas lui-même avec des renvois excessifs et inutiles aux précédents épisodes ; la ville de Columbia possède un vrai charme s'imposant naturellement dès les premières heures de jeu et permettant d'éviter le syndrome "Rapture dans les nuages", j'en passe, et des meilleures.

Le problème, c'est que contrairement à Portal 2, on ne perçoit pas ces éléments tout de suite, ce qui occasionne forcément ce petit moment de flottement après deux-trois heures de jeu, où l'on se dit "oui c'est très bon mais ce n'est pas non plus le truc génial que tout le monde me vend". Bien sûr que non, mais pas de panique, ça va venir. Ça ne vient pas forcément au même moment/endroit pour tout le monde, mais quand ça arrive ça fait le même effet que les deux doigts dans la prise. Et il faut attendre ce déclic pour que beaucoup de choses nous remontent à la gueule et que la richesse et l'intelligence du titre soient enfin perçues à leur juste valeur. Dommage qu'il faille attendre un peu avant de s'en rendre compte ? Oui et non, car je ne sais pas pour vous, mais moi j'aime bien sortir d'un jeu/livre/film en ayant l'impression d'avoir été tiré par le bout du nez en permanence, pendant que les vrais évènements se déroulaient dans mon dos, là où je n'avais pas pensé à regarder initialement. Ici, c'est particulièrement bien foutu.

Forcément, BioShock jouait beaucoup sur cet effet-là, notamment en milieu de partie avec un évènement marquant, mais tout cela lui a coûté un troisième acte un peu fade et une conclusion vraiment pas terrible du tout. Infinite retient avec application la leçon laissée par son aîné, et ce n'est que lorsque l'on y joue que l'on perçoit toute la réussite du procédé, tant tout paraît calculé au millimètre. Non seulement c'est excellent, mais comme pour beaucoup de grands jeux ça donne envie d'y revenir immédiatement après les dernières lignes du générique.

Voilà donc pourquoi j'ai envie de mettre 9 et pas 8 à ce jeu, parce qu'il commence à se faire décidément très tard et que je n'ai de toute façon jamais eu d'argument à poser sur la table. Un (très) bon jeu parlera à tout le monde, grâce à des qualités formelles irréprochables, un jeu mémorable comme BioShock Infinite n'aura même pas besoin de tout cela (même si c'est un plus appréciable), car il aura su faire vibrer les bonnes cordes au bout moment. Voilà pourquoi je ne peux pas parler de ce jeu comme je parlerais de Tomb Raider, Deus Ex: HR, Dishonored ou Batman Arkham City par exemple, parce qu'il y a ce point supplémentaire qui ne s'explique pas, mais se vit et se ressent en mettant un baume incroyable au coeur.

Infinite pourrait être un "simple" shooter qu'il en resterait malgré tout très bon, malgré quelques défauts mineurs mais pas dommageables pour autant ; là où il rafle la mise c'est qu'il arrive à transformer une belle balade à Disneyland en véritable tourbillon émotionnel pour les plus méritants, et moi personnellement j'en redemande. Ne passez pas à côté, mais essayez tout de même de finir tous vos jeux en attente avant, car tout vous paraîtra plus fade après avoir visité les cieux de Columbia.

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le 4 avr. 2013

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HarmonySly

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