Like an ocean in a silver plane
Dire que j'ai été déçu par la première partie de Burial at Sea est un doux euphémisme : plus qu'une déception, c'en était presque une trahison face à mes attentes (certes peut-être démesurées) de fan. Irrational Games avait donc fort à faire pour relancer la machine après une telle catastrophe scénaristique à l'arrière-goût de déjà vu / déjà joué trop faussement complexe pour être honnête.
Et autant dire que quand je me suis lancé dans ce second épisode, son précédesseur fut instantanément oublié. Passé le rappel de Bioshock 1 qui fait resurgir des souvenirs géniaux, le jeu commence et là... Shut the fuck up and take my moneeey. J'aurais balancé mes 20€ de Season Pass juste pour ça je crois. Je ne vous en dirai évidemment rien, mais cette introduction est juste fabuleuse, à tous les points de vues. Artistiquement démentielle, musicalement plus qu'inspirée, éblouissante de magnificence et sans aucun intérêt ludique, mais bordel on, on... enfin voilà quoi. Une de mes plus belles expériences en termes d'introduction vidéoludique (la partie 1 était une excellente introduction vidéoludique aussi, mais pas dans le même sens).
On se retrouve donc à contrôler Elizabeth, et le jeu démarre plus ou moins juste après la fin de la première partie (à quelques constantes et variables prêts m'voyez). Sauf qu'on est en mauvaise posture, le méchant Atlas ayant décidé de nous tuer. Pour échapper à notre triste destin, une seule solution : aider Altas et sa bande de révolutionnaires à retourner à Rapture (rappel : ils sont dans une prison sous-marine quelques miles sous Rapture).
Elizabeth se lance donc dans une quête un peu insensée et qu'elle ne comprend pas vraiment, aidée par un Booker qui lui apparait de manière fantomatique mais qui n'est qu'un reflet de sa propre personnalité (no spoil, c'est dit dès le début). Bref, elle parle toute seule en croyant parler à Booker mais en sachant très bien qu'elle ne lui parle pas vraiment. Did I ever tell you the definition of insanity ?
En fait, à part sa fin que je trouve mitigée (j'en reparlerai), ce DLC fait absolument TOUT ce que j'en attendais avant la parution de la première partie.
Côté gameplay tout d'abord, celui d'Elizabeth est fortement axé sur l'infiltration. Comme la première partie, le jeu est vraiment hardcore en difficile, mais c'est cette fois pour la bonne cause : Elizabeth n'est pas une serial killeuse, et s'infiltre en assommant les chrôsomes ou en les endormant grâce à une arbalète et des munitions appropriées. On pourra néanmoins ramasser les armes des ennemis et transformer la demoiselle en Lara Croft Reboot 2013, mais personnellement j'ai terminé le jeu sans tuer personne. Et quelle tension, quelle jouissance dans l'infiltration ! A noter que celle-ci est diversifiée par la possibilité de se déplacer dans les conduits d'aération, et qu'un nouveau plasmide indispensable permet de se rendre invisible quelques secondes (pour regarder sous les jupes des dames, à la base). Et on a même une nouvelle arme (mais que je n'ai jamais utilisé, du coup o/). Ces phases m'ont beaucoup fait penser aux Batman Arkham, autant dire que y'a pire comme référence.
On traversera de plus de nombreux décors inédits et jamais vus à Rapture, pourtant vitaux au fonctionnement de la cité sous-marine, comme une université ou encore des annexes dédiées au plaisir sexuel (si, si). Le tout en un peu moins de 7h pour tout explorer et en comptant les échecs, ce qui me fait à titre personnel une douzaine d'heures au total, pour 20€ sans même compter Carnage Célèste je m'estime satisfait.
Le plus gros point noir de la partie 1 était sa narration, quasiment inexistante de tout le DLC, pour être vomie à la fin dans un gros truc bien dégueulasse. Et, indéniablement, Irrational Games n'a ici pas reproduit la même erreur, loin de là : la narration est juste parfaite. Elle m'a fait penser au jeu de base, dévoilant des mystères, quelques résolutions, puis de nouveaux obscurcissements... jusqu'à l'éclaircissement final.
Le jeu apporte ainsi de nombreux éléments de réponse et de détails sur les personnages de Fink et de Fitzroy, grosse lacune du jeu originelle. Et y'a vraiment du lourd, c'est loin d'être annexe. Et ne me demandez pas comment c'est possible d'avoir ce genre d'infos, croyez-moi vous voulez le découvrir. De même, les voxophones sont extrêmement intéressants et étoffent l(es)univers tout en comblant certains vides laissés par les épisodes précédents, avec une cohérence des fois épatante.
La narration est donc parfaitement étalée tout du long du DLC, entre la schizophrénie latente du personnage, les Lutece qui refont des apparitions totalement divines (ils font d'ailleurs des commentaires extraordinaires lors de certains game over), les flashback / flashforward, les personnages annexes et les révélations successives.
Enfin, ce second épisode se paye une bonne grosse dose de fan service, à un point complètement jizzant pour le fan : les deux villes sont désormais liées, ensemble et pour toujours, et je rigole encore de ce livre Pix'n Love sur Bioshock sorti peu avant la release d'Infinite et qui affirmait avec assurance : "nul doute que sans contrainte marketing, Bioshock Infinite se serait juste appelé Infinite". Ils doivent se sentir bien cons maintenant.
Tous ces points positifs pris en compte j'étais durant toute mon aventure honnêtement prêt à mettre 9. Le 8+1 du fanboy quoi, on connait tous ça. Sauf que vient la conclusion de la série. De la série, oui. Bioshock c'est fini, cette fois c'est certain. Irrational Games a fermé, la licence reste à Take Two, mais elle n'est plus exploitable autrement que pour quelques spin-off. Et tenter de conclure une telle saga, une des plus complètes et des plus complexes du jeu vidéo, c'est un peu du suicide. Alors quand la fin survint, c'est la déception. Bof. Puis la réflexion arrive. Et puis en fait, c'est pas mal. Bien même. Logique. La boucle est bouclée. Mais quelque chose me dérange : tout cela a-t-il réellement été pensé en amont, ou bien tous ces raccordements sont-ils là simplement là pour faire le lien, rajoutés à posteriori ? Le tout est trop cohérent pour ne pas avoir été pensé longtemps en amont dans la production, trop complexe dans sa cohérence pour sembler avoir pu être imaginé dès le départ.
Alors je ne sais pas. J'hésite, et ce problème de conception me dérange quand même. Ce qui est idiot, parce qu'au final, qu'est-ce qu'on s'en fout ? Pas une seule série vidéoludique n'a, à ma connaissance, en si peu d'épisodes construit un univers - des univers - d'une complexité qui n'a d'égale que sa cohérence, une narration toujours exemplaire et des idées artistiques toujours démentielles. Bioshock, c'est fini. Et la chanson du générique, "You Belong To Me", interprétée par Courtnee Draper (Elizabeth) est magnifique et terriblement bien choisie. Je l'écoute en boucle en écrivant cette critique et je me dis que putain, j'ai quand même terminé une saga de fou. De fou. Alors comment la prendre cette chanson ? Est-ce une ultime parade vaniteuse de Levine narguant Take Two ("c'est ma licence, je l'ai terminée, vous ne pouvez plus rien en faire, je vous ai bien eu - okay pour la peine on ferme ton studio - eh merde"), ou bien est-ce une ultime lettre d'amour aux joueurs, aux fans à qui est finalement destiné ce dernier épisode ? En ce qui me concerne, j'ai choisi. Et "la Vie en Rose", qui retentit peu avant le générique, semble me donner raison.
Alors doit-on faire cette extension ? Si l'on est fan, je crois avoir répondu. Si l'on aime Bioshock, sans aucun doute non plus. Il faudra se farcir une partie 1 fadasse, mais qui trouve ses réponses dans sa suite, et aurait donc gagnée à ne pas en être séparée. Et puis, on peut quand même voir des affiches vantant les mérites des performances sexuels des Big Daddy, c'est pas rien.
Alors puisqu'il me faut bien terminer cette critique, je vous laisse en musique. Adieu Bioshock. Et merci.
https://www.youtube.com/watch?v=J97hVdOZZ7U