Dans sa quête de progrès insatiable, l’humain a toujours cherché à se transcender et atteindre un statut de grandeur, tout comme ce joueur plongé dans le monde cauchemardesque de Bloodborne contraint d’élever sans cesse son niveau pour assouvir son désir de succès. Plus qu’une simple quête initiatique, l’aventure propose un véritable apprentissage dont les enseignements ne seront jamais donnés textuellement mais devront être tirés à force de réflexion sur sa propre expérience. Un pèlerinage mystique au sein d’un univers gothique fascinant, à l’ambiance horrifique pesante, et où les secrets sont encore plus nombreux que les églises qui les protègent. A la recherche de guérison, le héros devra composer avec les maux d’un monde bien plus malade que lui, où le remède qu’il convoite tant ne tombera pas facilement entre ses mains. Car si viser la lune ne vous fais pas peur, la découverte de la vérité ésotérique se mérite et il faudra verser sang et larme pour entrevoir la lumière dans un monde ou la nuit ne semble jamais prendre fin.
Dans ce but deux voies d’accès, celle du sang ou de la lucidité, matière grasse contre matière grise, sujet de discorde et de débat éternel parmi les plus grands penseurs s’étant déjà penchés sur la question. Le sang comme symbole de vitalité, hélas corrompu par une soif sans fin et devenu porteur de fléau. Mais assumer sa bestialité fait partie du contrat, car au fond, qui du chasseur ou du chassé est le véritable monstre ? Vivre l’aventure à sang pour sang, surmonter ses peurs, céder à ses plus bas instincts pour survivre et jouir du plaisir de la chair en son sens le plus brut. Un nettoyage grandeur nature qui laissera des traces aussi bien sur les sols des ruelles de Yharnam que dans votre esprit.
Esprit qui devra être cultivé, car la force seule ne sera pas suffisante. Un œil pour symbole, celui de la clairvoyance, vertu essentielle pour s’orienter dans un monde labyrinthique et unifié ou level et narrative design sont portés à leur acmé. Utiliser sa lucidité, comprendre et analyser son environnement pour réduire les situations les plus tortueuses en travail d’artisan, face à des monstres toujours plus sordides et des boss toujours plus Grands, la solution existe toujours. L'œil en représentation du cosmos, nous sommes là, les pieds plantés dans le sol, mais se pourrait-il que le cosmos soit tout proche, juste au-dessus de nos têtes?
Une fois l’ultime barrière brisée, une fois le visible et l’invisible réunifié, le cauchemar et la réalité confondus, le monde montrera son vrai visage. Un visage torturé et vulnérable, à l’image de ces êtres supérieurs, pourvu de mépris envers une humanité insignifiante leur vouant culte et fascination, mais cachant au fond d’eux jalousie et envie de notre pouvoir de procréation. Une ironie cinglante, clé de voûte d’un scénario dégoulinant d’humour noir grimé en sadisme, ne nous rassurant à aucun moment sur l’état mental des développeurs de from software. Au bout du compte, le dilemme perdure, et quand certains préférons se contenter de joies primaires en envisageant l’aventure comme un massacre de monstres sanguinolent, d’autres tenterons une approche plus éclairée au risque de sombrer définitivement dans la folie.