Bulletstorm, un subtil défouloir
Bulletstorm, c'est un titre subtil, chapeauté par des poètes : supervisé par Epic (Gears of War) et développé par People Can Fly (Painkiller). Littéralement propulsé dans une sombre histoire de vengeance et de chasse à l'homme, Bulletstorm est un FPS qui ne brille évidemment pas par sa trame scénaristique. Néanmoins, le titre va plus loin que le simple blockbuster hollywoodien. Petite précision, ce test va se pencher uniquement sur le mode solo, car le multi, nécessite du temps pour être apprécier et surtout, j'aime pas ça.
Même si l'humour et le chara design des personnages est discutable (et qui rappelel le GoW d'Epic), j'ai tout de même accroché à l'ambiance de Bulletstorm. La direction artistique donne le ton. Très originale dans ses inspirations, elle est variée et mélange nombre de genres avec pour thème central le post-apocalyptique. Mais ici pas de gris ni de désolation déprimante : les décors s'effondrent, certes, mais la gamme de couleur appliquée et les effets spéciaux utilisés rendent jouasse l'habitué des atmosphères moroses.
Mais ce qui m'a vraiment enfoncé dans mon fauteuil, c'est le rythme effréné de l'aventure et les scènes démesurées qui la parcourt. Car en terme de grandiloquence, d'effets outranciers et de situations improbables, Bulletstorm se pose sérieusement là. Rien d'étonnant donc à se retrouver au milieu d'un barrage qui explose ou d'être poursuivi par une roue de douze milles mètres de haut. Les objectifs sont variés et s'enchaînent à une cadence soutenue. Happé par le souffle de l'action, il ne vous faudra que peu de temps pour terminer la campagne solo. Une fulgurance dû à son intérêt, mais aussi et surtout à sa durée de vie, qu'on qualifiera de courte (5-6 heures grand max).
Pour appuyer un peu plus cette sensation de rapidité, Bulletstorm se plie à la mode du tout scripté, sans toute fois tomber dans les travers de Call of Duty : Black Ops (quoi que, pour la fin...). Néanmoins, je ne peux que vous conseiller la lecture de l'article de Memento sur le sujet, qui résume bien le mal qui plane au dessus des productions du genre. De plus, pour bien nous forcer à aller dans le sens voulu par les développeurs, le titre nous ampute d'une capacité pourtant utile dans un FPS : le saut. Le chemin est donc balisé, impossible pour vous de passer une margelle ou de tenter un saut en contrebas non prévu par le scénario. Si être tenu par la main vous répugne au plus haut point, ne fermez pas tout de suite la page, car Bulletstorm vous ouvre une fenêtre vers la liberté par le biais de son gameplay. Une contradiction singulière, mais que j'ai personnellement trouvé palpitante. Explications.
Dans Bulletstorm, pour occire ses opposants, la meilleur méthode n'est pas forcement celle que l'on croit au premier abord. En effet, armé d'armes étonnantes, d'une capacité à mettre un gros coup de pied (avec possibilité de glissade, très utile) et d'un étrange fouet permettant d'interagir de diverses façons avec l'environnement, le héros, Gray, dispose aussi d'un panel de possibilités énorme à sa disposition pour dessouder ses ennemis. A tel point, qu'un tableau répertorie toutes les façons de tuer (les skillshots) et le nombre de points associés pour chacune d'entre-elles – points qui vous permettront par la suite d'acheter des munitions et autres améliorations. Mais libre à vous de combiner ces différentes approches. Avec la pratique, les joutes gagneront en variété et n'auront pour seule limite que votre imagination à mixer les dispositifs donnés. De plus, Bulletstorm ne propose pas de vrai mode de couverture (enfin, on peut se baisser, youpi), fait étrange quand on sait que c'est Gears of War qui a démocratisé la chose. Mais cette prise position est là pour favoriser le rythme, pour que le joueur aille de l'avant et se creuse les méninges pour trouver des solutions tout autour de lui, au sein même des décors.
Comme pour Vanquish (beat'm all de PlatinumGames), Bulletstorm offre un éventail de possibilités étoffées, mais rien ne vous oblige à les utiliser. Dans ce cas de figure, le titre se résumera à un FPS classique, chiant et rébarbatif. On ne parlera pas de responsabilité du joueur, mais presque ! Car il faut faire un réel effort pour jouer de façon variée. J'ai eu le même sentiment pour Vanquish, où, si le joueur ne va pas dans le sens du personnage, de son tempérament et surtout de ses capacités, on se retrouve avec un titre terne et en contradiction avec les ambitions initiales des créateurs. Poser la question différemment et savoir si c'est le gameplay qui est mal équilibré est une autre façon de voir les choses, à laquelle je n'adhère pas. Je pense sincèrement que ces choix sont voulus, que cette liberté laissée aux joueurs d'utiliser ou non, les outils qu'on lui propose est volontaire. Même au risque de rendre les jeux plus mauvais qu'ils ne le sont réellement (sujet déjà abordé dans le test d'Alpha Protocol).
Bulletstorm est un jeu à deux faces. La première est ultra bourrine : les décapitations sont légion et le sang n'est pas suggéré. De plus l'humour est quand même bien gras. Par contre la seconde est plus subtile et liée au gameplay. En se donnant un peu de mal, il est réellement possible d'aller par delà le simple défouloir. Décomplexé et plein de contradictions, je trouve que Bulletstorm dévoile un caractère bien trempé. Le jeu de People Can Fly pose aussi une jolie interrogation, à savoir : le rôle du joueur dans l'appréciation d'une œuvre. A l'opposé du cinéma, de la littérature ou de n'importe quel autre moyen d'expression artistique, le jeu vidéo trouve, lui, sa singularité dans l'interaction. S'il y a échange d'informations, c'est bien que l'auditoire d'un jeu porte aussi sa responsabilité et son rôle à jouer...