Quelle étrange créature que ce Call of Cthulhu. Tout droit sorti du studio français Cyanide (qui avait déjà accouché d'un RPG Game of Thrones que tout le monde a déjà oublié), cette adaptation de l'univers de H.P. Lovecraft se veut être un mélange d'enquête et de RPG. Et s'il est en apparence, la magie ne fait guère illusion dès lors que l'on gratte un peu la peinture. Mais approchons de la bête, même si la folie nous guette.
On va commencer par ce qui saute rapidement au visage : le jeu fait techniquement daté. Je suis un peu tombé de ma chaise quand j'ai appris qu'il était sorti en 2018 (on a eu droit à God of War, RDR2 ou Detroit cette même année). Et si un vrai effort a été fait au niveau de l'ambiance (jeux de lumière, effet de distorsion, etc.), on regrettera les décors factices et la modélisation des personnages qui semblent venir des temps anciens (d'ailleurs Cyanide, évitez les gros plans sur les visages...).
Mais bon... technique mise de côté, qu'est ce qu'on nous propose ? Le joueur incarne le détective privé Edward Pierce (archétype de l'ancien soldat barbu et adepte des fonds de bouteille) enquêtant sur un mystérieux incendie ayant eu lieu sur une île reculée de Blackwater. Bien entendu, tout va aller de mal en pis pour notre cher Edward qui va se retrouver mêlé à une histoire de tableaux maudits et de complots surnaturels autour de rites ancestraux. Tout un programme.
On nous propose rapidement de répartir des points de personnages dans différentes compétences (investigation, force, éloquence, etc.) et nous découvrons que notre détective dispose d'une barre de santé mentale.
Et honnêtement, le démarrage est plutôt convaincant. Ces fameux points et la barre de mentale m'ont rappelé les (trop) longues parties JDR que je faisais étant plus jeunes et je me suis rapidement impliqué dans l'histoire. D'autant que le jeu propose plusieurs approches durant les premiers chapitres, histoire de valoriser les aptitudes que vous avez choisies.
Le souci c'est que plus on avance dans l'enquête et plus on se rend compte que tous ce système n'est qu'un joli écran de fumée. On comprend rapidement que seuls deux compétences comptent (TOC pour trouver les objets et Investigation pour crocheter les serrures) et que le reste nous permet juste d'avoir quelques choix de dialogues différents (ces derniers débouchants toujours sur le même résultat... donc c'est complètement factuel). Pour vous dire j'ai terminé le jeu avec 14 PP en stock tellement je ne voyais aucun intérêt à les dispatcher.
Quant à la barre de santé mentale, elle est elle aussi un bien beau mirage. Notre personnage peut être confronté à différents chocs émotionnels qui feront chuter la dite barre. Sauf que 80% de ces chocs sont obligatoires et donc quoi qu'il arrive, on terminera forcément le jeu avec un santé mentale basse.
C'est sans doute là le grand drame de Call of Cthulhu : c'est un simple jeu narratif déguisé en jeu d'enquête. Si on enlève tout l'aspect customisation du personnage, on réalise que même sans l'histoire se déroulera exactement de la même façon. On donne tout juste l'impression au joueur d'avoir un impact illusoire sur le récit. Et perso je trouve ça un peu culotté.
Parce qu'en soit, si le jeu avait choisi d'être un simple jeu narratif, je n'aurais sans doute rien dit. Car le tout se suit. C'est un peu scolaire et fortement dispensable, mais c'est pas non plus désagréable à parcourir.
Et c'est là que je me dis que Cyandine a raté le coche. Il aurait pu être intéressant de proposer un progression moins dirigiste qui reflète les choix du joueur (incarné un détective bourru qui fait parler ses poings ou un érudit d'occultisme qui plonge peu à peu dans la folie) et ainsi donner un vrai sens à la personnalisation et à cette fameuse barre de mentale. Était-ce l'intention de base et le studio a juste manqué de temps et de moyen ? Mystère.
En bref, Call of Cthulhu n'est pas un étron vidéoludique mais sa faible prise de risque le classe directement parmi le florilège des jeux dispensables. Handicapé par sa technique et incapable d'inclure le joueur dans sa progression, il me laisse avec le souvenir de quelques scènes d'éclat (le passage dans la galerie d'art) et d'un potentiel gâché. Donc comme souvent : dommage.