J'avais à l'origine acheté le jeu pour le mode multi, et de ce côté là, rien à redire. C'est très bien conçu, on sent que l'expérience acquise à travers plus de 15 ans a bien été mise à profit, et à la fois y'a pas mal de nouveaux petits éléments qui apportent un peu de fraîcheur. J'ai principalement joué au multi "classique" et moins au mode battle royale ("Warzone"), mais du peu que j'ai vu on retrouve les codes du genre avec quelques nouvelles idées et une très chouette map qui permet au jeu de se distinguer de ses compétiteurs dans la catégorie des battle royale "réalistes" (à savoir PUBG ou Ring of Elysium).
Mais bon bref tout ça tout le monde en a déjà parlé. Causons plutôt de la campagne solo : perso j'étais assez intrigué par le sujet (la guerre en Syrie, mêlée à d'autres conflits régionaux comme l'Afghanistan). Voilà un conflit intéressant où on pourrait faire un scénario complexe et subtile, avec une bonne exploration didactique de la région et des origines du conflit.
Ou alors, on pourrait réécrire l'histoire pour innocenter les US, mettre tout le blame sur les Russes, cacher les Kurdes sous le tapis et faire passer quelques messages de droite. Oui, voilà, on a qu'à faire ça.
Alors bon c'est un jeu, donc faut bien rajouter des terroristes yalla yalla cinglés à massacrer par centaines, et dans l'intérêt de pas avoir le même décor tout le long on se retrouve à voyager dans toute l'Eurasie à plus ou moins bon escient, ok. Mais quand même, cette histoire : la Russie se retrouve accusée de tout les maux de la région. Ils envahissent et occupent le pays ! Ils gazent des enfants ! Ils font des exécutions publiques ! Essentiellement tout ce que Daesh a fait, dans ce jeu, c'est les Russes. Et attention, je parle pas de, genre, un groupe terroriste Russe ou autre organization paramilitaire : non, ici on parle vraiment de la Russie avec un grand R, l'état fédéral qui, apparemment, fait des crimes de guerre à n'en plus finir.
Qu'on soit clair, dans la vraie vie les Russes sont effectivement impliqués dans le conflit en Syrie, et bien entendu ont été accusés de moultes bavures contre la population civile – c'est particulièrement vrai si on pense que le jeu s'inspire du conflit entre l'URSS et l'Afghanistan où, de fait, les soviétiques ont été accusés d'utiliser des armes chimiques. Mais vous savez qui d'autre est régulièrement accusé de bombarder des village, hôpitaux et autres cibles non-militaires ? Et ce de façon beaucoup plus récente ? Les États-Unis. Est-ce qu'on en parle dans le jeu ? Non, bien sûr que non. Encore mieux : au bout de littéralement 5 minutes de jeu, vous vous retrouvez à ordonner un bombardement au phosphore blanc sur un camp ennemi. Ensuite on voit les gens brûler vifs etc, ce qui rappelle beaucoup Spec Ops: The Line, seulement contrairement à ce dernier, le jeu ne semble absolument pas critiquer l'action. Le ton général c'est plus "haha, énorme" que "réfléchissez à ce que vous venez de faire".
Le jeu place un niveau dans un événement qui a vraiment existé : la Highway of Death. C'était en 1991 à la fin de la première guerre du Golfe, où des avions Américains et Britanniques (et Français !) ont décimé une colonne de véhicules transportant des soldats Irakiens hors de combat revenant du Koweït (ainsi que, possiblement, des réfugiés et autre non-combattants). C'était pas jojo et ça a été justement critiqué à l'époque, donc c'est assez intéressant que ce soit inclus dans le jeu, sauf que ici, d'après Infinity Ward... c'est les Russes qui font fait le coup. Là on sort de la propagande et on entre carrément dans le domaine du révisionnisme.
Parlons maintenant des Kurdes, ou heu, pardon, des "Urziks". Oui car malgré le fait que le jeu utilise le vrai nom de tous les autres pays impliqués, ainsi qu'une vraie mappemonde plaçant clairement l'action au Kurdistan, le jeu utilise ce faux nom pour les représenter. On peut spéculer sur le pourquoi du comment. Pression turque ? Tentative de ne pas littéralement ancrer le jeu dans le conflit Syrien afin d'être d'avantage libre sur l'histoire ? Dans tous les cas, c'est pas cool et ça contribue à minimiser la lutte de ce peuple qui mériterait d'être médiatisée largement plus qu'elle ne l'est actuellement.
À la tête des Kurdes ont trouve Farah Karim, la commandante de la milice avec lequel les protagonistes collaborent. D'ailleurs on a aussi droit à une femme à la tête de la CIA, et une autre femme qui est générale des Marines (et de plus, certains ennemis sont des femmes). Call of Duty grand jeu féministe : en 2020, les femmes aussi peuvent faire des crimes de guerre ????????
Niveau politique en générale, c'est très réac. Une des premières missions c'est une attaque terroriste à Londres, inspirées donc de faits réels (même si c'est plus Bataclanesque niveau ampleur de l'attaque). À la fin, un des soldats lance un sermon, face caméra, sur le fait qu'on limite trop l'armée, que y'a trop de règles, que leurs mains sont liées et que c'est à cause de ça que les terroristes gagnent, car on a le droit de rien faire ! Bien entendu, le jeu n'apporte aucun autre son de cloche, ni ne tente de donner la moindre crédibilité aux arguments des terroristes (à savoir qu'ils en ont marre que des forces étrangères, Russes comme Américains, envahissent leur pays et vienne les oppresser chez eux. Pour ce qui est des Russes, comme vu, la critique est faite, mais pour les US, aucune examination, tout va bien).
En dehors de tous ces éléments douteux, la campagne est cool. Les missions sont variées (et dieu sait que c'est pas facile d'innover dans le domaine des FPS solo), les décors sont chouettes, le sound design excellent, le jeu est très beau particulièrement avec le ray tracing activé (par contre va vraiment falloir faire quelques chose pour la performance de cette techno, même avec ma RTX 2080 je tombait occasionnellement à 20 FPS). Si on s'attarde pas trop sur l'histoire, et si on a l'estomac pour encaisser les multiples scènes de massacre de civils (j'aimerai rencontrer quelqu'un qui m'aime autant que la série des Modern Warfare aime les séquences où des innocents se font trucider), on passe un bon moment.