Ça pourrait être une loi du jeu vidéo : les productions qui font leurs choux gras sur leur violence (réelle ou supposée) sont à fuir comme la peste car elles sont nazes.


Les éditeurs le savent : il n'y a pas de mauvaise publicité. À chaque fois qu'un jeu fait les gros titres car on y massacre machin ou qu'on y trucide bidule, ce sont des copies qui se vendent. Il n'y a pas de miracle : si le néophyte complet qui ne connaît absolument rien au milieu peut mordre à l'hameçon quand on lui explique qu'un jeu vidéo peut être responsable d'une tuerie dans un lycée, le connaisseur, lui, sait à quoi s'en tenir. Loin de fuir l'objet du scandale, il va tenter d'en savoir plus, et invariablement, il finit par l'acheter. On ne dupe pas le hardcore gamer en dénigrant son média préféré : en revanche, on peut le duper avec une production faussement edgy qui lui vend de nouvelles sensations repoussant toujours plus loin les limites de la morale. Tout comme on vend aux fans de cinéma de genre des films d'horreur plus gores que gores qui promettent de franchir toutes les limites en matière de nauséeux cradingue, et qui eux aussi, se révèlent être de véritables daubes.


C'est bien là le problème. Prenez Carmageddon par exemple, parfaite démonstration de la loi ci-dessus, qui a abondamment surfé sur toute l'encre qu'elle a fait couler. Au moment même de son achat, le gamer est fébrile : il tient un objet polémique, peut-être dangereux... La curiosité est à son comble lorsqu'il insère la galette dans la machine. Il a toujours des étoiles dans les yeux pendant les premières minutes de jeu, attendant cette expérience de jeu aux frontières du réel comme le Messie...


C'est là que le soufflé retombe. La douche froide. Comme disait un auteur philosophe, « lourd est le parpaing de la réalité sur la tartelette aux fraises de nos illusions ».


Car le résultat final, c'est quoi, concrètement ? Ben c'est un truc graphiquement assez moche, très moche même, avec un gameplay absolument infâme, un contenu plutôt limité et une direction artistique sans grande imagination. À ceux qui diraient « oui mais c'est facile à dire en 2024 », je répondrais qu'à la même époque sortait Gran Turismo... On découvre que la « violence » du titre se résume à jouer aux autos tamponneuses (enfin, si vous parvenez à maîtriser les chignoles) ou bien à écraser des piétons-zombies qui font une espèce de bouillie de pixels évoquant de la gélatine de framboise. On est contents. Trop foutraque pour être un bon jeu de voiture, trop bâclé pour être un bon défouloir, Carmageddon est au final une grosse dose de hype pour pas grand-chose. Un pas grand-chose dont on fait le tour en deux-trois jours grand maximum.


On peut multiplier les exemples. Postal 2 ? Un jeu de très mauvais goût, FPS torché et drôle seulement deux minutes après une soirée merguez trop arrosée. Manhunt ? Pas la meilleure production Rockstar, vraiment pas... Mortal Kombat ? Alors oui ok, y'a un côté nanard, c'est très (auto)parodique, mais sur le plan de la baston pure, ça casse pas trois pattes à un canard.


Certes, il y a de gros contre-exemples. Les GTA, par exemple. Mais ce sont des jeux qui en ont sérieusement sous le capot, tant sur le fond que sur la forme. Et eux (contrairement aux exemples cités ci-dessus) n'ont jamais eu leur mauvaise réputation comme seul argument markéting. Rockstar sait très bien qu'il vend un gameplay, une immersion, un sens du fun, voire une histoire, et pas juste une réputation sulfureuse qui dans bien des cas est parfaitement surfaite.


Bref, si un jeu attire votre attention mais qu'on en parle uniquement pour son côté 3xTr3ME, allez plutôt claquer votre pognon au resto ou dans une aprém acrobranche en famille. La notion même de scandale n'a de toute façon plus grand sens puisque si notre époque a une spécialité, c'est bien de pondre un drama stérile à chaque fois qu'un oiseau pète (sans ça, qu'est-ce qui alimenterait les conversations sur les réseaux sociaux ?). Il en résulte de grandes productions assez aseptisées par rapport à ce qui se faisait avant, les développeurs étant conscients que la moindre provoc, la moindre audace peut leur valoir un adjectif en « -phobe » ou un nom en « -isme ». Et le trop consensuel, le trop aseptisé, l'absence de prise de risque, c'est au moins autant l'assurance d'une daube que l'amoralité poussive.

C4r4mel
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le 21 déc. 2024

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