Ça y est, c'est foutu, Steam affiche 11h de jeu de plus qu'hier, c'est donc une évidence : je ne ferais pas de critique de Cities Skylines.
Ceci n'est pas une critique
Au bout d'un certain temps passé sur un même jeu, ce qui est flagrant tend à disparaître et des petits détails semblent alors gigantesques. Comment faire le test honnête d'un jeu lorsque tout ce qui nous obsède en le lançant c'est "comment gagner 2 secondes sur ce niveau" ou "quel est le meilleur item pour maximiser le DPS de ce perso". Ou encore "quel degré d'inclinaison aura la courbe de mon boulevard sensée optimiser le trafic". Rien d’excitant pour le néophyte alors que le maire virtuel chevronné aura les yeux qui brillent à la simple évocation d'un échangeur auto-routier à seize voies. Je conçois d'ailleurs tout à fait qu'on puisse ne pas s'intéresser à Cities: Skylines, quoi de plus normal après tout, puisque les développeurs s'acharnent à promouvoir leur jeu en tant que simple "city builder", alors que ce que propose en réalité Colossal Order, ce n'est rien de moins que de peindre la vie dans toute la beauté de son abstraction. Et je le prouve.
Ceci n'est pas un city builder
On commence en traçant des routes avec une grâce déconcertante avec les 3 modes de tracé très biens foutus : on ébauche quelques contours, on dessine quelques traits. Puis, on répond aux demandes déjà croissantes que sont les résidences, les commerces et les industries : on choisi donc littéralement la forme et la taille de son pinceau pour poser les couleurs (presque) primaires correspondantes. Enfin, on observe la vie jaillir de notre esquisse, charmeuse, fougueuse, imprévisible. En érigeant des ponts, en creusant des tunnels, en plaçant des bâtiments publics et en modernisant les routes, l'esthète pourra à loisir ajouter de la perspective, améliorer ses points de fuite et travailler ses lignes de forces. Si vous ne me croyez toujours pas, voyez plutôt ce qu'a fait mon pote Vassily Kandinsky quand il a joué à Cities Skylines pas plus tard que la semaine dernière (regardez bien jusqu'à la fin).
La critique vidéoludique est unique en cela qu'elle atteint sa limite si l'on joue trop longtemps (à moins d'une improbable fulgurance en plein flow state rédigée arraché avec l'ost en boucle). M'étant complètement abandonné à C:S la nuit dernière, j'ai atteint le point de non retour. Il m'est donc impossible d'en parler sans passer pour un fou. Il ne me reste plus qu'à retourner me laisser bercer par le doux brouhaha ouaté de la vie urbaine en contemplant avec un plaisir inattendu l'élégance hypnotique de la circulation.