C'est parfois dans les méandres de Steam que l'on trouve les plus beaux joyaux. Surtout si vous êtes à la recherche d'un joyau sombre et terrifiant. Un jeu qui, selon l'écran d'avertissement qui apparait au lancement : "est violent et gore, et peut causer peur, dépression, crise cardiaque et suicide". A la manière des survival-horror classiques de la PS1 qui "contiennent de nombreuses scènes de violences", nous voilà donc prévénu.
Cry of Fear est à l'origine un mod de Half-life qui, après quatre années de développement, sorti en 2012. Un an plus tard, le jeu est proposé gratuitement sur la plate-forme de Valve dans une version stand-alone qui est à ma connaissance le meilleur moyen, si ce n'est l'unique, d'y jouer aujourd'hui.
Développé par les suédois de la Team Psykskallar, formée à l'occasion de ce projet, Cry of Fear est un FPS d'horreur psychologique qui se veut être un véritable hommage à l'âge d'or du survival-horror. Entièrement réalisé sur le moteur graphique GoldSrc, les graphismes sont forcément daté, même à l’époque de sa sorti en 2012 /2013. Le choix d’utiliser le moteur graphique du premier Half-life, qui je le rappel est sorti en 1998, s’explique simplement par le fait que les deux programmeurs principaux du jeu ont préféré travailler avec des outils qu’ils maîtrisaient et dont ils connaissaient les limites. Un parti pris intéressant, surtout lorsqu’on voit ce qu’ils ont réussis à tirer d’une technologie vieillissante, c’est assez impressionnant. Et puis les choix artistiques rattrapent l’aspect un peu vétuste du titre, malgré que certains assets soient un peu trop réutilisés (sûrement une des limitations du moteur).
Côté gameplay, on retrouve les contrôles ainsi que les sensations de déplacements et de tir propres à Half-life, plutôt rapide donc avec toujours ce côté "glissant", ce qui est assez agréable dans un jeu d’horreur où d’habitude les personnages sont souvent lent à diriger. Par contre, les phases de plate-formes peuvent parfois être à la limite du calvaire à cause de la bonne vieille mécanique du "crouch-jumping" (sauter et se baisser en même temps) qui montre ici ses limites. Quelques problèmes sur la hitbox des ennemis sont aussi à noter, ainsi que de nombreux bugs. Vu qu’il s’agit d’un projet indépendant, Cry of Fear n’a bien évidemment pas le même niveau de finition qu’un jeu à gros budget. L’ensemble reste solide et tout à fait jouable en étant complaisant sur les quelques défauts.
L’aspect survival est poussé à fond avec des munitions et des objets de soins qui se font rare, et un inventaire très étriqué qui demandera au joueur de bien gérer ses ressources. La possibilité de faire du « dual-welding », donc d’utiliser deux objets en même temps dans chaque main, une fois maîtrisé, peut vraiment sauver la vie. Beaucoup d’environnement sont très sombres et combiner une source de lumière avec une arme de poing ou un couteau devient vite obligatoire si l’on ne veut pas se faire trucider à l'aveugle. Malheureusement, il est impossible de recharger son arme dans cette configuration, et c’est là qu’il faut savoir jouer avec les trois touches programmables d’accès rapide, pour repasser rapidement sur l’arme, quitte à se retrouver dans le noir complet le temps d’un rechargement… D’ailleurs le jeu gère les chargeurs de manière réaliste, donc si vous recharger votre arme trop tôt, vous perdrez les munitions restantes du chargeur. Certains rageront face à ces mécaniques qui pourraient être jugé comme hardcore, mais les habitués des jeux d’horreur sauront s’adapter. Cela renforce également les mécanismes horrifique du titre.
Cry of Fear a bien révisé ses classiques, et on peut dire que le jeu réussi à installer la peur avec un certain brio. Ce n’est pas toujours parfait, mais certains passages s’avèrent être de grand moments de flippe, bien que cela dépende toujours de chacun. Malgré quelques rares jumpscares un peu fastoche, même si bougrement efficaces, le reste est beaucoup plus subtil, le jeu prenant le temps de travailler son ambiance sur la durée. Un simple choix d’effet sonore réussit parfois à faire la différence et le jeu ne se contente pas juste de faire apparaître des ennemis dans notre dos (même s’il ne s’en prive pas, le salaud).
Les influences sont très nombreuses. La principale étant Silent Hill, vous comprenez donc pourquoi j’aime ce jeu. Sur les jeux de Konami, les suédois ont calqué la progression et level-design de leur jeu, à base d’exploration de lieux, recherches d’indices et d’objets, le tout dans un ensemble qui se veut emboîté de manière cohérente. Une intermittence de passages en ville sera ponctuée par des moments de fouille plus approfondies dans des lieux clos. On retrouve donc par exemple l’immeuble d’habitation, où il va falloir visiter les différents appartements pour se frayer un chemin, qui rappel forcément le premier "donjon" (au sens vidéoludique du terme) de Silent Hill 2. D’autre clin d’œils , sont les passages dans le "monde du cauchemar" qui interviennent à certains moments, mais dans un style peut-être plus proche de ce qu’en a fait Silent Hill Downpour. Ça m’a aussi un peu rappelé les cauchemars de Max Payne.
Il existe aussi de nombreuses références à des œuvres plus cinématographiques Texas Chainsaw Massacre est une référence évidente, mais on pourrait également cité Jacob’s Ladder ou des films d’horreur japonais comme Ring… Tout un programme.
Le bestiaire est varié et se veut dans un style assez gore et très dérangeant. Comme dans tout bon jeu d’horreur psychologique qui se respecte, l’origine des monstres a une signification en rapport avec la psyché du personnage. J’éviterai de trop m’attarder sur les détails pour ne pas gâcher le plaisir de la découverte, mais sur cet aspect c’est encore une fois digne d’un Silent Hill.
Et c’est donc sur cette base que se construit le scénario de Cry of Fear, un jeu qui traite mine de rien de thèmes sensible comme la dépression ou le suicide. A travers de multiples fins disponibles, on aura donc plusieurs regards sur la situation et peut-être que plusieurs parties seront nécessaire à ceux qui souhaiteront comprendre l’histoire dans sa totalité.
L’horreur psychologique est toujours selon moi l’approche que je trouve la plus intéressante quand il s’agit de faire une œuvre horrifique. Dans le jeu-vidéo, cela prend un sens encore plus complexe que seul le gameplay ou le level-design, des élément bien propre au médium, peuvent retranscrire. Voir donc ce jeu se prêter à l’exercice d’une manière aussi réussi a vraiment été pour moi une excellente surprise. J’écris cette critique suite à ma seconde partie, la première datant de la sortie du jeu, et je dois dire que Cry of Fear a encore pour moi une place spéciale dans le panorama des jeux d’horreurs. Surtout si on le compare aux autres FPS horrifiques, il est clairement au dessus, sans oublier qu’il s’agit d’un simple mod…
Un remake est d’ailleurs en préparation, qui fut d’abord prévu sur le moteur Source, mais a été ensuite changé au profit de l’Unreal Engine 4. En espérant que ce projet voit le jour et réussisse à proposer une version de Cry of Fear qui repousse les limitations du moteur actuel, et corrige les quelques soucis de design et autre bugs qui un peu trop fréquent.
Pour ceux qui sont à la recherche d’expériences horrifiques et sauront faire l’impasse sur les différents défauts que j’ai évoqué plus haut, je ne saurais que vous conseiller d’aller essayer Cry of Fear dès que possible.