Curse of the Dead Gods est un roguelite avec un gameplay d'action qui est difficile à ne pas comparer à la bombe du jeu indé sorti l'année précédente, Hades. Pour ce qui est de la boucle principale de gameplay, c'est à dire le combat vu du dessus où il faut nettoyer des salles remplies de monstres, j'accepte cette comparaison, et encore, non sans réserves. Pour le reste, je ne peux pas vraiment la laisser passer, et il est temps pour moi d'essayer d'effacer ces préjugés.
Sans non plus me prendre pour une référence, je pense qu'il n'est pas exagéré pour moi de dire que j'ai une bonne vision d'ensemble sur le genre rogue-like/rogue-lite. On retrouve très souvent dans ce genre de jeux, des pans entiers de game design directement importés d'autres licences à succès. Le plus évident de nos jours, c'est les deck-builders. Tous ou presques, au grand dam des joueurs, sont des repompes de Slay the Spire avec quelques changements mineurs ou un gimmick par-ci par-là. Heureusement il existe des jeux qui s'éloignent de la formule, comme Monster Train ou Nowhere Prophet, mais ça ne fait pas légion. Même problème avec tous les jeux inspirés de Binding of Isaac, qui même si ils n'ont pas le même gameplay central sont décalqués en terme de game design. Et pour moi, Curse of the Dead Gods fait vraiment partie de ces jeux qui apportent une vraie fraicheur sur un genre envahi par les copies de copies.
Premièrement, le découpage des donjons peut paraitre assez artificiel pour allonger la durée de vie, mais il permet surtout de répartir la sensation de victoire sans nécessité d'atteindre la fin du donjon complet dès le début, ce qui serait extrêmement dur pour un novice. L'idée, c'est qu'il existe 3 types de donjons avec 3 niveaux chacun, mais pour commencer vous avez seulement accès à une version de chaque type de donjon qui comporte 1 seul niveau. Même ça, c'est déjà un petit challenge non négligeable ! On débloque donc ces différents niveaux progressivement, et à la fin on peut tenter le donjon ultime : 3 niveaux avec un type au hasard pour chaque niveau, et après tout ça, le boss final. Et croyez-moi, même en connaissant les 3x3 niveaux par coeur, c'est vraiment, vraiment pas facile !
Si il y a bien un jeu qui a inspiré Curse of the Dead Gods cependant, c'est aisément Darkest Dungeon, car la mécanique de corruption est très similaire à la jauge de santé mentale de DD. A chaque fois que vous accumulez 100 Corruption, vous recevez une malédiction qui va impacter le gameplay du reste de la run (il existe des moyens de les annuler, cependant). Là où DD était très punitif et qu'il y avait simplement une probabilité d'avoir un bonus plutôt qu'un malus, ici l'équilibrage est savamment lissé : chaque malédiction est soit bénigne, soit compensée par un effet bénéfique. Par exemple, une malédiction peut faire en sorte que l'argent lâché par les ennemis disparaisse au bout de quelques secondes... mais si vous le ramassez à temps, vous gagnerez plus d'argent que si vous n'aviez pas cette malédiction. Evidemment difficile de faire un équilibrage parfait pour autant, donc on regrettera la présence à la fois de malédictions tellement anecdotiques qu'on les oublie, et d'autres qui à l'inverse sabotent complètement le fun et dont on essaye de se débarrasser le plus vite possible.
Parmi les points forts qui font l'identité du jeu, je mettrais le doigt sur le système des 3 statistiques qu'on monte en priorité naturellement : difficile d'en trouver une plus utile que les autres, et le fait de voir les nombres augmenter est toujours aussi satisfaisant, même en sachant que ça ne durera qu'une tentative et même après des dizaines de parties. Le système d'armes est aussi plutôt sympathique : une position avec deux armes, et une position avec une arme lourde. Dans la position avec deux armes, chaque arme se récupère séparément et on peut expérimenter plein de combinaisons entre arme primaire et arme secondaire. Cette position repose sur la nécessité d'utiliser les deux alternativement le plus efficacement possible, ce qui en fait une fantastique source de curiosité. Cependant elle n'est pas inépuisable, et au bout d'un moment, on commence à avoir ses préférences. Et comme il n'y a pas non plus des myriades de types d'armes différents, on passe pas mal de temps à essayer de retrouver une configuration avec laquelle on est à l'aise.
La difficulté est globalement assez élevée, voire même phénoménale quand on arrive aux défis débloqués après avoir fini le mode normal (sur lesquels je me suis arrêté, tout simplement parce que c'est trop éprouvant pour moi) mais somme toute assez inégale. Certes, la progression des différentes profondeurs de donjon font en sorte qu'on soit aidé pour l'apprentissage des mécaniques, mais le jeu peut tout aussi bien se montrer cruel à n'importe quel moment. Dans des situations de panique, ou juste dans des configurations de monstres et de pièges trop désavantageuses, on peut subitement transformer une tentative brillamment exécutée en une catastrophe dont la fin prématurée approche rapidement, et ce en l'espace d'une seule pièce du donjon sur plusieurs dizaines à franchir. Plus on avance, et moins les erreurs sont pardonnées, et croyez-moi, le jeu a la main lourde sur les punitions... Ce qui implique souvent d'être extrêmement concentré pour chaque mouvement, chaque ennemi, le tout sur plusieurs dizaines de minutes, voire une bonne heure pour les plus longues. Autant dire qu'il faut régulièrement faire contrôler sa tension.
Cela dit, punitif ne veut pas dire démoralisant ici. Le jeu est quand même généreusement gratifiant quand vous arrivez à le dominer, par le biais de moult armes alternatives à débloquer, ou autres combinaisons d'armes et artefacts (pouvoirs passifs) qui changent du tout au tout votre style de jeu et surtout le plaisir que vous pouvez en dégager. Sur ce point là, je trouve que le jeu s'éloigne beaucoup de son homologue pour lesquels les gens ont la comparaison trop facile, Hades. Ce dernier brille beaucoup plus dans son parti pris esthétique et narratif, là où Curse of the Dead Gods s'affirme en challenge permanent, diaboliquement bien confectionné par ses développeurs lyonnais.
En quelques mots : ce n'est pas parce que vous avez fait le tour d'Hades que vous ne pourriez pas non plus adorer celui-ci, alors faites moi confiance et laissez-vous tenter !