Kotaro Uchikoshi, le génialissime créateur des Zero Escape (et d'autres trucs que j'ai pas regardé, en toute transparence) est de retour pour une toute nouvelle license. Après la conclusion de sa précédente trilogie, je souhaitais le voir sortir de ses sentiers battus et nous sortir un tout nouveau concept. Quand AI : The Somnium Files (sous son nom de code psync) a été officiellement révélé, j'étais hypé comme jamais. Verdict ?
Version courte : Un très bon jeu avec quelques lacunes.
Version longue : Un très bon jeu avec des lacunes directement importées de Zero Escape. Le problème du jeu selon moi, c'est que Uchikoshi s'est rendu totalement dépendant de la "formule" inventée pour ZE. Si vous avez joué à ces jeux, vous comprendrez tout de suite ce que je veux dire au bout de quelques heures passées sur AI. Cette technique de narration a beaucoup d'intérêts pour le créateur : possibilité de complexifier l'histoire à souhait, propice à de moult twists et prolongation de la durée de vie sans changer la chronologie des événements. Et c'est exactement ce que Uchikoshi fait de nouveau dans AI : TSF.
Mais dire que ce jeu est une copie de ZE est faux. Dans un premier temps, on sort complètement du huis clos pour se transporter dans un contexte d'enquête policière. Ici, plus d'artifices ni de confinement, et cela porte ses fruits. Un des points forts du jeu, c'est le casting. Dans les jeux ZE, la majorité des personnages font office de personnages fonction. Ils ne sont pas nécessairement attachants ou développés, parce qu'ils servent principalement de point d'ancrage pour faire avancer l'histoire. Ici, le parti est pris du choix inverse : la quasi totalité des personnages sont marquants, et possèdent un relief indiscutable. Cela ne se fait pas pour autant au détriment du mystère, qui reste le coeur du jeu.
Cet "échange" implique un changement de perception quant à la marque de fabrique du créateur : le plot twist. Evidemment, le jeu en contient et pas en quantité négligeable. Cependant, là où un jeu ZE prend toute son importance dedans, ce n'est pas la leçon à retenir ici. Le mystère est principalement là pour faire avancer les relations entre les personnages et non pas "juste" un prétexte à plot twist.
Pour ce qui est de la forme du jeu, Uchikoshi joue également à domicile. Là où l'intrigue était entrecoupée d'espace rooms, cette tâche est confiée aux "Psync", phases dans lesquelles on doit explorer les rêves des personnages clés de l'histoire. Ces phases se présentent comme des puzzles abstraits à l'intérêt extrêmement variable : ils peuvent être amusants, fascinants, intelligents ou juste complètement incompréhensibles. En tout cas, on a moins l'impression d'avoir affaire à un "filler" comme ça pouvait être le cas dans les ZE, car ici les "Psync" sont avant tout intégrés à l'histoire et servent de pistes pour déterminer la vérité sur plusieurs incidents.
Partie spoiler de la critique (à ne lire sous aucun prétexte si vous n'avez pas encore fini le jeu)
Comme je le disais précédemment, Uchikoshi est très attaché à sa formule Zero Escape, et ça a provoqué de nombreux dérapages. Dans les jeux ZE, quand un personnage se souvient d'informations provenant d'une autre timeline, bien qu'évidemment irréaliste, cet élément est complètement justifié et cohérent car il est expliqué et posé dans la génèse du récit. Ici, il réutilise le même concept, mais sans aucune justification. Même pas la moindre excuse pseudo-scientifique : c'est tout simplement de la... sorcellerie ???
Même après que tous les fils qui relient les personnages soient mis en évidence, on se rend compte qu'il existe encore un gros paquet de coincidences douteuses. Sacrée coincidence que Falco soit tombé sur Hitomi au temple, non ? Sacrée coincidence que Date se soit lié d'amitié avec Renju, non ? Sacrée coincidence que Pewter aie une relation avec Renju, non ? C'est le genre de coincidences qui se révèlent ne pas en être dans un jeu comme ZE, parce que tous les candidats sont sélectionnés à la main dans un contexte de huis clos bien ficelé par le mastermind. Malheureusement, cela se translate très mal dans une enquête policière à plus haute échelle, et le jeu en paye le prix avec une suspension de l'incrédulité brisée par moments.
Pour conclure, je dirais que AI : The Somnium Files est un excellent jeu, avec en plus l'avantage d'être concentré dans un seul opus au lieu d'être étendu sur 3 volets. Je le recommande d'abord évidemment aux vétérans du style ZE/Danganronpa et compagnie, mais aussi à tous ceux qui ne connaissent pas le "paysage mystéro-ludique japonais" comme j'aime l'appeler. C'est une excellente entrée en matière dans cette catégorie de jeux atypiques et fascinants qui a le mérite de ne pas laisser sur sa faim après une petite vingtaine d'heures de jeu, le tout sans longueurs notables.