L'attente pour ce AI fut longue. D'abord annoncé sous le mystérieux de "project psync", durant la GDC 2017. Pendant de longs mois, c'est le silence radio. Quelques rares interventions d'Uchikoshi sur twitter avec des fans déterminés permettent de spéculer sur la nature du jeu. Un court teaser mystérieux apparaît ensuite, AI est toujours aussi intriguant. Finalement la sortie du jeu est prévue pour 2019, avec un report entre deux.
La communication chaotique n'a pas aidé le jeu à se faire connaître, entre des bandes d'annonces incompréhensibles, du twitter qu'avec les plus gros fans. Spike Chunsoft a aussi son rôle la dedans. Plusieurs mois avant la sortie du jeu(je dirais vers mars/avril/mai 2019) une chaine en l'honneur d'Iris est ouverte pour faire de la pub. Si à posteriori l'idée est bonne(je reviendrais dessus), la communication à base de vtuber n'est pas la plus pertinente.
Le chemin vers AI aura été long. Pour beaucoup dont moi, c'était son projet ultime. Spike Chunsoft produit son jeu le plus cher, les cinematiques sont beaucoup mieux que dans ZTD, c'est son dernier projet chez Chunsoft. Malgré un style très reconnaissable, AI reste surprenant, le jeu qui vient clôturer avec brio une partie de la carrière du Monsieur.
Le jeu commence très brutalement, avec dès le départ, la découverte du cadavre d'une jeune femme, Shoko, sur un manège, avec un oeil en moins. AI suivra l'enquête du détective Date et son assistante Aiba(le meilleur duo) pour résoudre ce mystère. Pour ce faire, ils ont accès au psync, une technique qui permet de rentrer dans l'esprit des gens.
AI se présente donc comme une enquête. Date et Aiba passent de lieux en lieux pour trouver des indices. Autant dire que c'est très réussi. C'est l'occasion pour eux de découvrir toute une gallerie de personnages hauts en couleurs, tous différents par leur personnalité, leurs design ou un gimmick qui les rends uniques. Que ça soit Moma le yakuza fan de A-set, So le politicien vicelard, Mayumia vieille dame gentille ou la Boss de Date, ils dégagent une énergie unique. Aussi, Date et Aiba sont amenées à interagir avec eux dans des cadres précis, toujours caractérisés par une ambiance, une musique et un design particuliers. AI, c'est donc un jeu qui nous fait bouger dans pleins d'endroits, avec pleins de persos, sans jamais perdre ses joueurs. C'est encore mieux dans le cadre d'une enquête ou ces éléments sont amenés à s'interconnecter progressivement. La dessus, AI est brillant, des connexions insoupçonnées se dessinent. C'est la qu'on voit l'intérêt de prendre le temps de présenter les lieux et les persos, tout devient iconique à l'intérieur du jeu, chaque lieux prends un sens dans l'histoire. L'enquête est très dynamique, les allers-retours se multiplient, les déductions fusent, le suspense s'intensifie, il devient très dur de s'arrêter dans cette enquête ultra addictive. Le tout est donc soutenu par un rythmé exemplaire, le jeu sait quand il faut prendre le temps de présenter, faire discuter les persos pour l'enquête/leur développement, pour balancer un gros truc inattendu ou le suspense monte. Malgré ce qui semble être une structure, le jeu reste imprévisible et multiplie les surprises. La plus évidente d'entre elle concerne l'ours....
J'ai particulièrement apprécié les passages de la voiture ou Date et Aiba, discutent et décident du prochain lieu ou se rendre. C'est dans ce genre de moments qu'AI rend crédible son duo principal, à travers la complicité qui s'en dégage. Ce ne sont pas des robots, ils ressentent des émotions et aiment se taquiner. Par dessus tout, cela renforce l'aspect d'enquête du jeu. Ça fait plaisir de voir les deux persos discuter de la suite, s'accrocher au moindre éléments insignifiant pour après, faire des hypothèses, dessiner des liens entre les éléments. À de nombreuses fois, le jeu prends son temps pour ces scènes. C'est à ce moment la qu'on a vraiment l'impression d'être spectateur d'une enquête. Puis cette musique bon sang https://youtu.be/KhS681ljKxk
Pour rester sur l'aspect enquête, il est temps de parler des somnium, cette excellente trouvaille narrative. C'est le moment ou le jeu exprime toute sa créativité. Ces séquences consistent à trouver les bonnes interactions pour progresser dans l'esprit de la personne. Souvent ces séquences se déroulent dans un cadre complètement surréalistes, symbolisant le subconscient de la personne psync. Elles racontent des choses sur son plan, autant pour l'enquête que le développement du perso. Tous les somniums sont lunaires. Chacun défient les lois de la logique en proposant des raisonnements stupéfiants et personnels qui sortent de l'ordinaire. Ils ont tous leur patte graphique. L'idée de rêve est vraiment poussé, des éléments quelconques, insignifiants ou importants sont mis au centre, et il faut faire des interactions qui "sortent du sol". Quoi de mieux pour illustrer le rêve et le subconscient que de sortir du sol des séquences hallucinatoires qui donnent un sentiment de proximité ?
L'enquête que le jeu propose apparaît alors comme plus unique étant donné que les somnium se trouvent être l'outil principal pour cela. Le concept va encore plus loin car les choix se réalisent sans qu'on le sache réellement dans les somniums. Le jeu se permet d'avoir des somniums d'anthologie qui permettent de dévoiler la véritable nature des personnages dans des séquences très émouvantes. Franchement ce concept est une ode à la créativité, surtout qu'Uchikoshi va au bout, en proposant des trucs toujours plus fubar et surprenant.
Le jeu n'est donc pas linéaire, il propose des routes, chacune se concentrant sur un perso, sur des éléments précis que les autres ne couvrent pas ou différemment. Respect à Uchikoshi pour avoir fait plusieurs timeline qui se complètent si bien, sans se répéter une seule fois. Vu le monsieur on aurait pu s'attendre a une justification hyper solide pour les routes, hélas elles n'ont qu'un intérêt narratif. Mais bon, c'est pas grave ici, ça relève plus d'une attente de fan qu'un réel défaut.
Autant dire que le jeu est hyper varié, il dose bien le sérieux, les retarderies, la violence, le suspense, les moments intimistes qui servent juste à faire vivre les persos. Mais le plus surprenant dans tout ça, c'est la capacité du jeu à émouvoir à plusieurs reprises, c'est la dernière des choses à laquelle je m'attendais en lançant ce jeu. Le jeu se révèle être très touchant dès qu'il parle des relations (familiales) entre les gens. Je ne m'étendrais pas plus la dessus car il faudrait longuement spoil, ce que j'ai la flemme de faire depuis mon mobile. Je dirais juste que finalement, le jeu se concentre sur les relations entre les persos. Date est celui qui gravite autour de cela, il agit comme un "père" pour Mizuki, Iris et Ota. Il s'en suit des séquences intimistes ou les persos nouent des relations, ou l'on apprends des choses sur leurs situations familiales. C'est vraiment réussi. Ce qui permet à cette de tenir aussi bien, c'est son casting de qualité. Je me suis rendu compte de ça tres facilement à la fin (quand on revoit tous les persos)....
Pour finir, comment parler d'Uchikoshi sans évoquer la capacité à créer un mystère addictif ? J'en ai parlé tout le long via l'enquête que le jeu propose, je souhaite ajouter quelques mots ici. Si le jeu à cette capacité à être addictif, c'est parce qu'il arrive toujours à placer du foreshadowing, une information précieuse ou un retournement de situation qui vient relancer l'enquête. Le jeu distille tout en finesse ses foreshadowing et ses concepts, ce qui permet au joueur d'être sur le même plan que Date et Aiba. Tout au long, il y'aura des phases d'interrogatoires qui viendront changer votre regard sur votre perso. Il en résulte un jeu ou n'importe qui pourrait être le coupable, ce qui est très habile et pertinent en y repensant.
Finalement, le jeu est imprévisible dans son déroulement par les très nombreuses surprises qui viennent remettre le tout en question, mais ne l'est pas tant que ça sur ses réponses ; puisque le tout est assez foreshadowé. Du coup, on arrive à avoir une réponse partielle en réfléchissant, ou bien savoir vers quoi le jeu tends. Il en résulte une réponse satisfaisante car elle donne sens à tous les détails. On nage, mais il n'empêche qu'avant de lancer la true end, le jeu a donné tous les éléments qu'il faut.
Ce qui incarne le mieux tout ce que je viens de décrire en haut est la route de Mizuki, qui se concentre sur sa relation avec Date. La route possède son lot d'événements imprévisibles. Elle propose de belles tranches de rires. On prends conscience à quel point Date et Mizuki tiennent l'un à l'autre, la route mettant en scène leur complicité dans des scènes comme celles au sanctuaire. Finalement tout culmine dans un somnium très émouvant....
AI: The Somnium Files est un thriller noir sous fond de SF qui vaut le coup d'oeil, par son côté unique et la personnalité que le jeu dégage. C'est un titre extrêmement attachant qui fait plaisir à voir dans le paysage actuel. Hélas le jeu est un gros bide, personne n'en parle. J'espère avec cet avis vous avoir donné un bon aperçu de ce jeu.