Deux ans après le naufrage, je me décide, sous les encouragements ennuyeux d'un ami, de me faire Cyberpunk 2077. "Tu verras, il est moins buggé, et c'est CD Projekt, c'est du lourd comme The Witcher". Putain mon con, tu sais me prendre par les sentiments. Voyons ce que ce jeu, qui a défrayé la chronique et effrayé les configs les plus puissantes, avait sous son capot métallisé.
Bah, en fait pas grand-chose. Pour un fait rare dans une critique, je ne trouve pas énormément de choses à dire sur ce jeu, si ce n'est une certaine lassitude ? Comme si le jeu, à chaque instant de l'aventure, se contentait du minimum, en faisant percevoir, ici et là, des éléments de majesté. On perçoit sous les craquelures ce qu'aurait pu être Cyberpunk 2077, ce qu'aurait dû être Cyberpunk 2077. On se retrouve avec un drôle de prototype, pas franchement nul, pas franchement convaincant non plus.
En général, si je joue à un RPG, c'est pour l'histoire. Ici, elle m'en a touché une sans faire bouger l'autre. Déjà, parce que le jeu se permet des critiques anarchistes à tout bout de champ, sans que cela soit bien écrit. J'avais l'impression de frôler le "nous vivons dans une société" par moment. Aussi parce que le personnage de Keanu Reeves est chiant. Ouais, il est relou. De un, parce que c'est Keanu Reeves putain, l'idole d'internet, regardez-le avec sa bouille trop mignonne ! Bah non, ça fonctionne pas sur moi. J'adore Matrix, j'aime bien John Wick, mais je trouve pas que Keanu soit un bon acteur. Heureusement que le doublage français relève un peu le niveau, mais il reste sa gueule. Je vois pas Johnny Silverhand, je vois Keanu Reeves. Arrête de me parler Keanu Reeves, j'arrive pas m'immerger dans l'univers. C'est d'ailleurs l'une des critiques principales que je fais au jeu, et à la société vidéoludique dans son ensemble. Je n'arrive pas à voir un personnage de jeu vidéo s'animer devant moi quand c'est un acteur modélisé. Ça me sort du truc.
Bon, et secondo parce qu'il est vraiment chiant. Le délire rebelle punk, ça va 5 minutes. Son personnage n'évolue qu'assez peu, devenant un peu moins, certes, un connard égoïste et plutôt un mec qui se soucie de vous... mais qui demeure un être capricieux, et beuglant, le torse poil devant les néons fumants à cause de la pluie leur tombant dessus "C'EST DANS UNE SOCIÉTÉ DANS LAQUELLE NOUS VIVONS !".
Et puis plus franchement, si je joue à un jeu Cyberpunk, c'est aussi pour les questions éthiques. Je m'attendais à une critique du consumérisme acharné, à la problématique que posent les augmentations sur le corps, comme le faisait le parfait, l'incroyable Deus Ex. Ici, nada, c'est toujours les méchants corpocréates contre le punk moyen et ça vole pas plus haut.
Si l'histoire principale est assez insipide, je peux en dire presque autant des quêtes secondaires, qui ne laissent pas un souvenir impérissable, mis à part 2 ou 3. On est plus par moments sur de la merde Ubisoft en mode "Tuer le gros gaillard qui est un sac à PV" que des moments de fulgurances scénaristiques. Triste et honteux, quand des années plus tôt, le même studio nous pondait des quêtes du genre "Tuer le gros Lychen", où l'on se retrouvait peu à peu dans un drame familial aux implications perturbantes.
Aussi pour un RPG, ce qui m'importe, c'est les choix. Et Cyberpunk 2077 souffre du même syndrome que les AAA "RPGs" modernes : l'illusion du choix. On choisit beaucoup, sans qu'on ait vraiment l'impression que notre histoire en soit chamboulée, sauf à la fin bien sûr, où l'on se retrouve à choisir parmi une liste prédéfinie de possibilités celle qui nous conviendrait le plus (comprenez la fin qu'on veut avoir). Encore une fois dommage.
Si l'histoire laisse à désirer, il reste le monde, qui dans le jeu vidéo, est souvent une histoire à lui tout seul également. Nightcity est impressionnante, les buildings sont massifs, ça grouille de véhicules mais la ville semble... morte. Je n'arrive pas à mettre un pourquoi dessus, si ce n'est que les passants sont des péons sans vie. Comparé aux villes des GTA, Nightcity fait pâle figure.
Et c'est sans doute ça qui me dérange dans ce Cyberpunk, cette habituelle comparaison à GTA, que je me dois aussi de faire. Car le jeu dégage cette impression de pas tout à fait jouer à un jeu CDProjekt, et de pas tout à fait jouer à un GTA. Le jeu a le cul augmenté entre deux chaises, sans oser délaisser un peu l'un pour embrasser l'autre.
J'ai commencé ma critique en notant le jeu 6. En fait, c'est plutôt 5. Qui décrit un "mouais" las, déçu de tout ce qui avait été promis. J'avais été prudent lors des trailers de gameplay, voyant les features du jeu retirées les unes après les autres (la caméra à la 3e personne, les appartements devenant non customisables, la backstory de V qui se résume à une cinématique de 30 secondes) et dans l'ensemble, j'avais plutôt vu juste. Cyberpunk 2077 est à l'image du monde qu'il critique, en la personne de ses riches corpocréates qui promeuvent une bonne image, armés d'augmentations en carbone, resplendissantes devant le péon moyen. Mais grattez un peu sous la surface, inspectez ce qui se cache sous ces apparats et vous découvrirez un être, qui s'il s'était contenté de rester simple, de ne pas promettre tout et n'importe quoi, qui s'il s'était resté fidèle à ce qu'il savait faire sans en faire des caisses, aurait été sans nul doute une bien plus belle personne.