Heureusement que je suis d’un naturel patient.

Car la patience m’apparaît finalement comme le comportement à appliquer pour apprécier Cyberpunk 2077. La première fois que j’ai entendu parler de ce jeu, c’est en 2014 : j’attendais alors de pied ferme le 3ème jeu de la saga The Witcher. A partir de ce jour-là… un peu comme la lumière blanche à travers un prisme, l’aura de CP2077 allait se faire décomposer sur toutes les longueurs d’onde possible.

Jeu fantasmé.

Jeu ambitieux.

Jeu bancal.

Jeu décevant.

Jeu planté.

Jeu buggé.

Jeu trainé dans la boue.

Jeu boiteux.

Jeu réparé.

Jeu réhabilité.

Jeu ressuscité ?

De 2014 à 2024, je suis content d’avoir été patient. Il faut dire que des Witcher 3, OuterWilds, Darkest Dungeon, Pillars of Eternity, Tyranny, Into The Breach, Prey, Deep Rock Galactic et Baldur’s Gate 3 rendent l’attente satisfaisante. Et quand j’apprends la sortie de l’addon Phantom Liberty puis l’annonce du développement d’un futur sequel… je comprends que c’est enfin le moment de m’y mettre.

Donc… que vaut ce Cyberpunk 2077 du haut de sa version Phantom Liberty 2.12 ? Et bien il était temps que je le découvre… car il est pas du tout là où je pensais l’attendre depuis 10 ans.

La première chose qui m’a frappé dans ce jeu, c’est que ça n’est pas un RPG. Oui… d’accord y a des mécaniques de gameplay de RPG avec l’arbre de compétence… mais j’appelle plus ça un SPG : Skill Play Game. Non, Cyberpunk 2077 n’est pas un RPG dans le sens qu’il ne faut pas s’attendre à un jeu avec des embranchement scénaristiques avec des choix cornéliens et gargantuesques.

Et… de la part de CD Projekt Red… ben… c’est foutrement culotté !

Eux qui se sont fait connaître par ça, pendant toute la trilogie The Witcher (au point d’avoir surpassé, en leurs temps, les jeux de Bioware ou de Obsidian) on aurait pu s’attendre à ce que le studio polonais applique son moddus operandi dans ce monde futuriste.

En ben non…

Cyberpunk 2077 est ce que j’appellerai un « Vibe Game ». Vous savez ? Ce jeu « expérience à ressentir et non à décortiquer ». Un peu comme ce que les films comme Tenet ou Miami Vice prétendraient.

Car voilà… j’ai pris un pied monstrueux dans ce jeu. Une pure sensation planante, où la fluidité du gameplay et de la narration (presque) sans transition est véritablement la ganache du titre. Ce qui est dingue… c’est que Witcher 2 et 3 laissait déjà entrapercevoir cette mouvance narrative : il n’était pas rare de piloter Geralt de Riv pour le faire suivre un PNJ tout en écoutant leurs dialogues. Pour Cyberpunk 2077, c’est véritablement la consécration de ce procédé narratif… en proposant de pouvoir piloter le dialogue PENDANT la phase de jeu.

J’ai tout particulièrement été bluffé lors de la première scène de bar de l’afterlife. Une simple scène… où alors que je discute avec le personnage de Jacky, la barmaid vient m’apporter une bière. Et alors que je m’apprête à la boire tandis que Jacky attend une réponse de ma part à une de ses questions, un homme de main, que je ‘navais pas vu venir viens nous interrompre pour nous annoncer que Dexter, le fixer que l’on vient voir, est disposé à nous rencontrer. Un truc tout simplement jamais vu… où ma grille de choix de dialogue se surchage en possibilité entre boire une bière, répondre à jacky ou alors quitter le bar pour suivre l’inconnu. C’est bien simple : on ne sait plus où donner de la tête.

Alors certes, les illusions de choix de dialogue n’en sont pas : tous les chemins de réplique mènent au choix binaire résumable par « La quête… je la fais ou je la fais pas ? » (évidemment qu’on la fait… je suis venu pour y jouer)

Mais malgré cela… force est de constater que le dynamisme du procédé est grisant et immersif au possible. Pour ainsi dire, je n’ai eu aucun problème à rentrer dans le jeu. Un jeu qui pourtant aurait tout eu pour me déplaire.

En effet : c’est un FPS / GTA Like.

Comment dire… je ne suis pas un fan de ces genres là. Et tout particulièrement le GTA Like. Alors certes, j’aime les monde ouvert… mais le gameplay proposant promenade en ville, car jacking, baston contre les flics entre missions… mes souvenirs y a 20 ans de GTA 3 ne m’avaient pas transcendé. Et aucune image de GTA 4 ou de GTA 5 (ou du récent teaser de GTA 6) ne m’ont séduit. Il faut dire que le côté « jouez la délinquance urbaine comme si vous y étiez »… c’était pas ma cam’.

Et bien avec Cyberpunk 2077, CD Projekt Red m’a en quelque sorte tendu un get-apent. Au lieu de tomber sur un RPG narratif à la Witcher dans un futur Cyberpunk… c’est un GTA narratif avec arbre de compétence dans un futur Cyberpunk.

Et j’ai adoré. Littéralement adoré. Pourquoi ? La réponse se trouve dans le titre du jeu : c’est du Cyberpunk.

Et sur ce plan… Cyberpunk 2077 est un pur joyaux régressif de tous les penchants de ce sous-genre de la SF.

Akira, Bladerunner, Juge Dredd, Robocop, Total Recall, Matrix, Tron, Dark City, New York 1997 (pour le DLC Phantom Liberty) et surtout… surtout… la BD Transmetropolitain et le film Johnny Mnemonic. LISEZ TRANSMETROPOLITAIN ET REGARDEZ JOHNNY MNEMONIC (les game designer ont FORCEMENT lu ce comics et regardé ce film). De tout ça, la ville de Night City est l’incroyable synthèse. Et c’en est stupéfiant !

Car oui… Cyberpunk 2077 ne serait pas Cyberpunk 2077 sans sa ville.

Putain.

La ville.

Par où commencer ?

Ben en fait… je sais pas car on ne sait plus où donner de la tête.

Ce flot d’information visuelle et auditive qui vous arrive en pleine poire dés vos premiers pas dans la rue est un sentiment assez indéfinissable. On est comme saturé d’informations. Un type vous parle, puis un autre, puis un flic vous regarde, puis un spot TV vous balance un « HELLO NIGHT CITY ! », et puis votre téléphone sonne et quelqu’un que vous n’avez jamais vu avant vous demande de lui rendre un service, et une fusillade entre deux gang commence à vingt mètres de vous, et une publicité porno qui hurle « Goutez l’amoooouuuur !!! » et puis une voiture s’arrête devant vous et on vous demande de monter dedans… vous vous y engouffrez, fermez la porte… BULLE… SILENCE… ENFIN… et vous découvrez votre fixer assis à côté de vous sur le point de vos confier votre première mission.

Voilà à quoi ressemble votre première minute dans Night City.

En temps normal (dans la réalité)… une telle agression sensorielle serait insupportable. Mais dans Cyberpunk 2077, c’est extraordinairement grisant et foutrement bien vu pour vous faire ressentir l’excès de ce futur complètement détraqué.

A un moment, V, notre personnage le dit avec ces mots : « On ne connaît jamais vraiment Night City » et c’est vrai… après 150 heures de jeu… c’est vrai… j’ai toujours l’impression d’y découvrir un point de vue, une ruelle que je croyais avoir vu, une route que je croyais avoir empreintée… ben non. Night City arrive étonnamment à donner cette impression de paraître nouvelle à chaque regard qu’on lui lance.

On s’y sent comme un animal en pleine jungle high tech.

Et comme tout animal, il s’agit de savoir comment y évoluer… et là encore CD Project RED a fait du grand art.

En effet, le gameplay est tout simplement merveilleux au point que j’affirme haut et fort qu’il s’agit du meilleur gameplay que le studio ait enfin pondu à ce jour depuis Witcher 1. La sensation de jeu lors des combats est absolument grisante, aussi bien dans la manipulation des couteau de combat, du katana que dans les flingues. Je m’y suis vraiment senti comme un cyberninja du futur… bien ridicule dit comme ça… mais le ressenti y est.

Même les piratages (qui font office de « pouvoir magique ») sont très amusant à utiliser, tout particulièrement celui ordonant à sa cible de se suicider. Se retrouver cerné de cinq adversaires puis les obliger à se tirer une balle dans la tempe… on se sent presque invincible. Et j’ajouterai des moments formidables de course poursuite en voiture, dans lesquels j’adorais ressentir le volant tout en mitraillant à traver le parbrise arrière…

Puis la MaxTac arrive… et alors là ça devient la guerre dans les ruelles…

Non vraiment… c’est GRISANT comme jamais… grisant à m’en faire oublier les gameplay demon-merdico-soul-like bien merdique de Witcher 2 et Witcher 3.

CDPR a opté pour le FPS fluide et agile à la Arkane Studio (à la Dishonored et Prey)… et c’est une réussite. Et ce qui est particulièrement réussi, c'est que l'arborescence de compétence encourage vraiment le joueur à tester un peu tous les styles de combats... surtout lorsque viennent les boss.

Mais la cerise sur le gâteau survient, je pense, au grand final du DLC Phantom Liberty… je ne m’attendais pas à voir ça… mais l’hommage appuyé à Alien Isolation (oui oui… vous avez bien lu) est juste sublime. Le jeu de Creative Assembly m’avait littéralement soufflé… et voir un jeu soufflant comme Cyberpunk 2077 proposer le temps d’une mission un gameplay « clin d’oeil » à ce jeu… c’est beau.

Je voudrais épiloguer sur l’Histoire du jeu, franchement rondement mené… mais je préfère ne pas le faire, car ça serait vous gâcher le meilleur du jeu. Tout ce que je peux dire, c’est que j’ai une fois de plus retrouvé l’excellence narrative de CDPR qui font de véritable merveilles. Toutes les missions sont aprticulièrement cool… mais je mentionnerais peut-être trois d’entres elles qui m’ont fasciné.

L’une impliquant un couple de politiciens… une mission assez incroyable par ce qu’on y découvre progressivement. Une autre du DLC s’appellant « Un espion dans la jungle » que j’ai trouvé tout bonnement excellente impliquant deux agents secrets brésiliens… et aussi toutes les mission avec Panam dans les Badlands… parce que oui, ces missions sont absolument géniales… et rajoutent un côté très Mad Max.

Et je félicite également le titre sur les conclusions possibles… toutes avec leurs lots de revers. On est pas dans Witcher 3 avec une bonne fin, une mauvaise fin et une fin grise… pour CP2077, le studio a retrouvé sa vibe Witcher 1 et 2 avec des fins VRAIMENT discuttables (mention spéciale à la fin « La Tour » accessible vie le DLC… celle-ci n’arrive pas à me sortir de la tête)

J’ai l’impression d’avoir sorti toutes les références SF possibles et imaginables… mais peut-être que c’est là le grand brio du titre de CDPR… avoir réussi à référencer toutes ces œuvres et fait de Cyberpunk 2077 LA GRANDE SYNTHESE de la SF... comme Hyperion l'avait fait autrefois.

Zefurin
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le 24 mai 2024

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