C’est toujours un peu étrange de se pencher sur un titre quasiment vingt ans après sa sortie, mais lorsqu’il s’agit d’un précurseur, c’est encore plus singulier. Il y a des airs de déjà vu, une espèce de nostaalgie en sens inverse pour tout joueur ayant déjà, dans le cas de Thief, joué à au moins un jeu d’infiltration à la première personne. Et même si l’exécution de toutes ces idées novatrices n’est pas toujours parfaite, la tentative réussie du regretté Looking Glass force le respect, et reste très accessible, malgré l’âge, face à des successeurs qui se sont manifestement bien servis.


Du coup, je n’ai pas pu m’empêcher de dresser des comparaisons avec Dishonored, l’un de mes coups de coeur les plus récents, qu’il s’agisse de sa direction artistique mêlant ancien et haute technologie – architecture médiévale et mécanismes à vapeur pour Thief, villes d’Europe de l’est et… « oilpunk » pour Dishonored – ou de l’atmosphère sinistre et incertaine omniprésente (et ce n’est pas seulement dû à la présence de zombis), ou même dans certains aspects du level design, réputé pour ses passages secrets et ses labyrinthes. La plus grosse différence entre les deux jeux étant que l’un se repose sur un système de « magie » pour varier les approches et apporter de la verticalité, tandis que l’autre propose des munitions alternatives pour l’arc.


Et ça ne se limite pas aux flèches empoisonnées : les flèches d’eau éteignent les torches (pratique, vu que le but du jeu consiste à rester dans l’ombre), d’autres permettent de produire une diversion sonore ou de faire exploser des brasiers, ET POUR ACHEVER L’TRAVAIL, d’autres permettent d’accrocher une corde sur une surface en bois. Ça n’a peut-petre l’air de rien, mais combiné au fait de pouvoir grimper des obstacles, ce simple ajout permet de donner de la verticalité aux niveaux, et un sentiment grisant de liberté. L’osmose, quoi. J’ai beau avoir adoré (et j’adore toujours) Deus Ex, tous les obstacles trop hauts de dix centimètres me rendaient fou (d’ailleurs, c’est valable pour les jeux récents aussi… coucou Skyrim).


Thief est également surprenant pour son ambiance. Certes, les animations datent. Certes, les niveaux eux-mêmes accusent l’âge (on est loin de la simulation de vie médiévale qui dépasse l’entendement), mais l’ambiance qui s’en dégage – nourrie de la même manière que System Shock 2, avec une bande son un peu difficile à décrire, à base de tonalités sourdes et méconnaissables et de sons surprenants, sans rythme bien défini, et où lorsqu’une pause s’impose, le souffle du vent vient combler le silence – est poignante. Il faut dire aussi que les cinématiques donnent le ton d’entrée de jeu, avec un bon petit texte religieux en vieil anglois, tout plein d’amour et d’espoir, et un thème qui pourrait très bien couvrir une incantation démoniaque.
Et le pire dans tout ça, c’est qu’on n’a pas seulement affaire à des gardes (qui marmonnent déjà pour bien se faire repérer et en se plaignant des rats), à des zombis (qui me mettent déjà mal à l’aise), à des araignées géantes ou que sais-je encore : il y a un certain point dans le jeu où le level design lui-même part vraiment en couilles, emportant avec lui le bestiaire et la bande son, avec une folie inspirée d’Alice au pays des merveilles particulièrement dérangeante.


Les niveaux de Thief ont effectivement de quoi marquer tant ils sont complexes, regorgeant de passages secrets, de surfaces à éviter (pour éviter de faire du bruit), d’angles alternatifs. Mais je ne pense pas qu’ils méritent leur réputation de labyrinthes, en dehors de quelques exceptions (la guilde des voleurs est particulièrement énervante à cause de son chaos, de ses portes à déverrouiller et de tout le backtracking nécessaire pour boucler l’objectif). La plupart des niveaux comportent des embranchements successifs, à deux ou trois niveaux de profondeur, mais on se repère généralement assez bien. N’importe quel habitant d’une ville de plus de trois personnes, ou un joueur de Minecraft, a déjà vu bien pire dans sa vie.


Le seul point où Thief m’a un peu déçu relève de l’aspect narratif : plutôt que de suivre une histoire, j’ai surtout eu l’impression d’enchaîner une série de missions déconnectées les unes des autres… en dehors de la fin du jeu.


Mais je m’en voudrais de terminer sur une conclusion en demie-teinte. Si vous êtes amateur du genre, foncez ! Du peu que j’en ai vu, le second opus est encore meilleur.

Makks
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le 28 juin 2016

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Makks

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