Dead Space 2 : Une suite digne de ce nom
EA est connu pour ses inspirations restrictives visant les pirates et autres profiteurs : Project 10$ en tête. Mais en 2008, l'éditeur américain est sorti de son sillon pour insuffler un peu de fraicheur à nos rayonnages. Mirror's Edge et Dead Space furent le fruit de cette volonté créative. Saluées par la presse, les joueurs ont néanmoins transformé ces tentatives en dommages collatéraux d'une fin d'année extrêmement riche de grands titres. Néanmoins, Electronic Arts sent un potentiel et redonne sa chance à l'une de ces nouvelle IP, Dead Space, et l'installe petit à petit dans la tête des joueurs par le biais du Saint Graal (quand bien utilisé) transmédia : film d'animation, comics, jeu Wii et dématérialisé. Le chantier d'un second chapitre est toujours un exercice périlleux, surtout après un échec commercial. Faut-il changer la formule ? La faire évoluer ? Voyons voir comment Visceral Game a abordé le problème.
L'éditeur n'est pas dupe, l'une des raison majeure de l'échec de Dead Space premier du nom est son placement hasardeux dans le calendrier 2008. Il y a encore 3 ans, tout le monde s'accordait à dire qu'une sortie en fin d'année était le moyen parfait pour s'assurer de bonnes ventes. Unanimement établie, cette pratique créa un bouchon assez énorme lors des fêtes de Noël. Comme on apprend jamais mieux que des bourdes qu'on réalise soi-même, EA et l'ensemble des éditeurs étalent à présent leurs sorties sur toute l'année. Dead Space 2 se place donc en tête des hits 2011, en janvier. La seconde raison des faibles ventes de Dead Space 1 est le manque de communication. On dit que sur le budget d'un titre AAA l'ensemble du plan marketing en concentre 50%, je ne sais pas si EA suit ce bruit de couloir, mais Dead Space 2 est autrement plus soutenu que son ainé. Enfin, et c'est sans aucun doute le plus important, la formule du jeu. Ce second chapitre reprend à la lettre les fondations du premier, preuve que EA mise encore sur cette recette action-horreur, et la pense gagnante. Ce laïus sur le contexte était long, mais la démarche et le parcours de cette IP est aussi essentiel que son contenu, car plus qu'une simple licence, c'est une Saga qu'essaye d'installer EA et ils sont très bien partis !
Cette formule donc, est la même que celle de Dead Space 1, mais en plus aboutie et mieux maitrisée. Nous sommes toujours face à un survival-horror qui balaye le prisme de l'horreur dans sa globalité. Seul, confiné dans une station spatiale, votre cœur, et celui du héros Isaac, se soulèvera à chaque détour de couloir, à chaque coin sombre, à chaque fois qu'un Nécromorph peut vous sauter au visage. Efficaces, les "BOUH effects", surprennent toujours, d'autant que le jeu ne vous laisse jamais tranquille, même aux abords des points de sauvegardes. L'atmosphère spatiale, favorable à un malaise claustrophobique, est ici sublimement couplée à une terreur psychologique. Dans Dead Space 2, on dépasse l'horreur à la Resident Evil, où monstres difformes et autre zombies tentent de vous démembrer. Ici, la terreur prend une autre dimension, plus « proche » d'un Silent Hill. L'ambition d'intégrer une épaisseur spirituelle était entraperçue à la conclusion du premier opus (la mort de Nicole, le Monolithe), cette strate est donc, dans Dead Space 2, plus affirmée. Visions, voix sourdes et lancinantes, inscriptions étranges sur les murs, les amateurs de l'excellent Eternal Darkness sur Game Cube peuvent aisément voir à quoi je fais référence. Niveau flippe, Dead Space 2 est une réussite, jonglant de toutes les pratiques du genre avec maestria.
Les craintes d'assister à la mutation de Dead Space en gros jeu d'action qui tache ne sont plus à avoir. Faut dire que le premier chapitre donnait amplement l'occasion de blaster à tout va, sa suite est dans la même veine. Quelques retouches viennent même agrémenter l'expérience : les passages en gravité zéro sont enfin maniable et le pouvoir de télékinésie trouve une vraie utilité. L'action se révèle tout aussi fluide que le rythme globale du jeu. Le plus gros point noir de Dead Space 1 était sa découpe franche, quasiment scindé en niveaux, masquant les chargements par des voyages en train de l'espace. Visceral Game a gommé cette tare, lui faisant même un clin d'œil dans cette aventure. Les péripéties d'Isaac Clarke tiennent à présent d'un seul bloc. Notre bon héros n'a, bien évidemment, pas de chance et on évitera pas la succession de problèmes l'éloignant de son objectif, mais vraiment rien de grave, car l'intrigue s'articule autour d'un scénario simple mais palpable : on sait où on va et pourquoi. Le jeu n'est donc pas qu'une fuite entrecoupée d'obstacles complètements accessoires. Dead Space 2 a adopté la mesure parfaite, cadencé au niveau prés (les trois dernier chapitres sont un brin trop bourrin à mon goût). Plus varié dans ses environnements et efficient dans son déroulement, le titre ne laisse pas le joueur respirer une seule seconde. Certains d'entre vous pourront néanmoins, apporter quelque réserves sur le héros, plus bavard. Isaac affiche, en effet, un vrai caractère, laissant derrière lui un mutisme propre au jeu vidéo. Personnellement, cela ne m'a absolument pas dérangé.
Dead Space 2 reprend tout l'héritage de son ainé paru en 2008, et respecte les sources d'inspiration de ce premier épisode jusque dans ses moindres détails. Nous avions déjà réalisé un article sur l'impact qu'avait eu BioShock sur le jeu de Visceral Game et plus globalement sur le monde vidéoludique. Cette seconde itération suit donc le sillage qu'avait creusé Ken Levine sur toute l'industrie vidéoludique. La narration se déroule au fil de documents trouvés. Ne stoppant jamais le cour du jeu, ces messages délivreront, à ceux qui le veulent, moult informations sur l'origine du Monolithe ou sur les anciens occupant de Méduse, le terrain de jeu de Dead Space 2. Une façon de raconter les histoires à deux vitesses, s'adaptant à chacun et parfaitement intégrée au monde dans lequel on évolue, qui dans Dead Space est immensément riche. Le nombre de détail à l'écran est toujours aussi ahurissant et plus que la performance graphique, c'est le souci de la bonne retranscription des éléments du décor qui est remarquable. Un legs que l'on doit encore à BioShock. L'immersion s'en trouve décuplée, l'univers devient tangible et la peur s'invite ainsi plus facilement. La qualité de Dead Space 2 trouve un écho dans les rapprochements que nous pouvons établir avec l'œuvre de 2K Marin, le titre étant excellent, les parallèles sont multiples : un héros dans une cité isolée couplé à un milieu hostile (Rapture et l'eau pour l'un, Méduse et l'espace pour l'autre), pseudo propagande aux murs, une voix autocrate vous sommant de déguerpir, la narration, le souci des détails, le piratage, etc. Enfin, comme tous les gros hits du moment (dont BioShock 2), Dead Space 2 s'arme d'un mode multijoueur. N'ayant pas encore joué à ce dernier, je ne peux vous livrer mon avis. Peut-être la semaine prochaine, dans un petit test dédié.
Nofrag avait réalisé un test de BioShock 2 assez culotté, mais ô combien significatif. Ce test se résumait à une simple phrase écrite en boucle : « C'est la même chose que le premier en moins réussi ». J'aurais très bien pu faire le même coup sur Dead Space 2 avec ce verdict : « C'est la même chose que le premier en bien mieux ». Mais j'ai préféré distendre la réflexion et citer toutes les qualités de ce titre. Pour résumer mon sentiment et pour poursuivre dans les comparaisons, je dirais que Dead Space 2 est l'Uncharted des survival-horror : sur-vitaminé, efficace et jouissif. Dead Space 1 avait bousculé les codes de l'horreur et avait fait rougir de honte le cador Resident Evil 5 avant même sa sortie, Dead Space 2 récidive et devient le nouvel étalon du genre.