Il y a des jeux qu'on attend plus que d'autres... Il y en a également dont on sait avant de lancer l'installation que l'on est acquis à leur cause. C'est un peu l'effet que me fait cet Original Sin 2; le 1 étant un de mes jeux préférés toutes époques confondues. Les 20 heures passées sur l'alpha m'avait déjà pré-convaincu et j'attendais le mois de septembre, pour la première fois de ma vie, avec une joie totale.
Balayons directement les questions inutiles, oui Original sin 2 est un (très) bon jeu et, oui, il reprend sans sourciller tout ce qui représentait les grandes qualités du premier. Ici, par contre, finis les traque-sources amnésiques lancés sur une enquête de meurtre amenant un complot d'ordre quasi divin. C'est sur un navire le conduisant à un ghetto que votre ensourceleur vivra le début de son aventure. C'est condamné pour sa faculté à utiliser la source et entouré de magisters ne rechignant pas à la torture que vous ferez vos premières armes et recruterez vos futurs compagnon de voyage. Et quel voyage... Jamais la trop répétée phrase 'Le voyage est plus beau que la destination' n'aura eu tant d'écho, tant l'aventure semble s'essouffler dans ces derniers moments et occulter petit à petit le brio incroyable de ses débuts, mais nous y reviendrons.
On se trouve ici devant une oeuvre d'une générosité abyssale, les 3 grands actes qui composent le jeu tiendront le joueur assidu occupé pendant au minimum une centaine d'heures; l'aventurier téméraire qui voudra écumer tout l'annexe n'est, lui, pas prêt de revoir la lumière du jour. le premier acte et son île-prison donne le ton et y passer 20 heures semble être la petite moyenne. Ce premier acte d'ailleurs est, à mon sens, le meilleur. Votre frêle équipe à peine composée, il vous faudra en découdre avec les 'rouges' et trouver un chemin pour vous échapper de fort-joie (en français dans le texte). On redécouvre avec plaisir les écoles de magies déjà connues (pyro, hydro, géo, aéro, etc) auxquelles se joignent de nouvelles (invocation, métamorphe, etc) et le plaisir jamais mis en doute de combiner le tout sur nos fières et aimées troupes pour botter les fesses un peu trop fachos de nos geôliers. Si les premiers affrontements ne sont pas des parties de plaisir, c'est bien de là que vient toute la satisfaction ressentie de survivre à des ennemis un poil plus haut niveau avec notre necro-métamorphe seul en vie. On se place, on joue sur la verticalité, on gère habilement les résistances physiques et magiques de nos opposants et surtout, on jubile à chaque victoire remportée aux forceps. l'acte 1 s'achevant sur un combat final bien musclé (et intéressant), on n'attend qu'une chose: la suite! Que ce soit toutefois précisé, NON, ce n'est pas trop difficile (du moins en classique) comme pourrait être tentés de vous le faire croire des personnes ayant passé 5 heures sur le titre. C'est justement la partie la mieux équilibrée de tout le jeu précédant le retour de vieux démons qu'on croyait disparus.
L'acte 2 et Flottebois (ouais, bon, je sais, Driftwood) nous place derechef sur une carte immense débordant littéralement d'objectifs à accomplir... Larian a peut-être oublié qu'il n'est pas nécessaire de sacrifier ce qui est beau au profit de ce qui est précieux. On se sent un peu paumé au milieu de tous ces pnj/animaux nous proposant des tonnes de trucs à faire pour des tonnes de raisons déboulant sur des tonnes de choix et des tonnes de récompenses. On se retrouve un peu comme le convive affamé à l'annonce d'un repas finissant repus et peut-être gavé... On découvre aussi un vrai problème du jeu; si les cartes sont bien ouvertes et nous laisse aller n'importe où, Divinity est régi par la règle immuable du niveau de nos adversaires. Si à l'Est des niveaux 15 tapent un peu fort sur le crâne et maculent de sang la belle robe verte de votre mage, ceux du Sud proposeront un level 11 plus réaliste et recommandable. On progresse donc par étapes et on sent un peu trop cet ordre établi dans lequel les évènements sont censés se passer. Le vilain loup 14 et la folle sorcière 16 brûlant sur sa croix attendront que nos forces correspondent et périront sans difficulté dès que ce sera le cas... Cette fausse liberté masque à peine le fait que notre équipe devient rapidement bien trop forte et les possibilités du système de jeu nous transforment (comme dans le premier) en redoutables machines de guerres ne laissant que (necro)flammes, poisons et corps dans leur sillage. Oui, les armures physiques et magiques atténuent le syndrôme ouverture météore "into" jet de poison "into" win, mais ça ne solutionne pas le problème en profondeur. Les points de source limitent l'utilisation des plus gros sorts, mais en amenant les joueurs à ne presque pas les utiliser, hormis sur la fin, parce que trop chers et dispensables...
Le dernier acte sera du même acabit et, après nous avoir fait arpenter une île sans nom pas très intéressante, relèvera un peu le niveau en nous permettant d'explorer la ville de Arx et ses intrigues souterraines... Avant de s'achever sur un combat final raté ou trop simple ou trop compliqué (au choix). Cette sensation de lourdeur traverse, par moment, l'histoire également sous fond de conflits divins-éternels-anéants s'égarant dans des longueurs parfaitement écrites, certes, mais inutiles. Une histoire simple gagnera toujours a être dite simplement.
Par contre, chapeau bas pour l'ensemble du doublage et surtout pour ce narrateur, meilleur MJ, jamais vu dans un jeu de rôle sur pc. L'ambiance, elle aussi, est remarquable, Original Sin 2 n'est pas une baffe graphique, mais ces détails et l'atmosphère qui s'en dégage marquent durablement. Un mystère subsiste cependant, certaines critiques disent le jeu coloré et léger... Ah bon? Je ne comprends si on fait référence à la torture, aux charniers, aux meurtres aux millions de personnes décimées par le voile mortel, au racisme latent ou autre... Oui, les écureuils vénèrent encore le roi des glands et des jouets mécaniques facétieux vous transformeront en vaches, mais la dominante du jeu est tout de même plus noire (et cela ne veut pas juste dire caves et squelettes qui pendent hein)... C'est dit.
Divinity Original sin2 est bourré de qualité: les compagnons sont mémorables et tous bien écrits, les thèmes musicaux (même si moins marquants) restent de qualité et collent à l'ambiance, le début du jeu est une épiphanie pour rôliste et vous aurez du contenu et de la rejouabilité à ne plus savoir qu'en faire (à nuancer tout de même par le fait que vous finirez probablement par posséder tous les sorts sur l'ensemble de votre équipe et que les archétypes de départ ne servent pas à grand chose), la coop est géniale et le plaisir de dépouiller le monde entier toujours aussi solide. Mais Larian a peut-être péché par excès, à trop vouloir en faire, on oublie parfois l'essentiel et l'on se sent un peu noyé; il reste de vieux écueils comme un journal de quête ayant sa volonté propre (ah bon? j'ai passé un marché avec Alexander que j'ai tué et re-tué?) et parfois illisible, des énigmes basées sur la perception à coup de "spotted something" assez éculées, des petits bugs ici et là (Gareth pourquoi es-tu mort, là, au milieu du sanctuaire elfique alors que nous venons de parler dans le bateau???) et l'inventaire qui redéfinit le terme 'bordel'. On n'en est pas moins devant un jeu incroyable, allégorie de romans fleuves, riche d'une galerie de personnages hallucinantes de moments épiques et tragiques, à qui on se sent presque coupable de reprocher ses excès...