Non content d'être un excellent jeu, le premier Divinity:Original Sin ne se voulait pas comme une énième tentative d'imiter le passé. Contrairement à des jeux comme Pillars of Eternity, par exemple, la création de Larian Studios est une main tendue vers l'avenir du C-RPG. Fort d'un succès critique et commercial, le studio belge décida, grâce à une campagne Kickstarter triomphante, d'offrir une suite aux joueurs. Et si, comme dit plus haut, DOS est une porte pour faire rentrer le C-RPG vers le futur, Divinity: Original Sin II est un portail tridimensionnel géant précipitant le genre dans les abimes de l'éternité.
J'exagère, bien sûr, mais il n'empêche que Divinity Original Sin II est un grand jeu, et je me risquerai même à utiliser le terme de chef d’œuvre. C'est un voyage merveilleux dans un monde sombre, une Iliade vidéoludique passionnante... L'une de ses premières qualités explicites est sans doute son intrigue, et au delà, son écriture. DOS II prend place dans le royaume de Rivellon (tout comme son prédécesseur) à un moment critique de son histoire. En effet, dans une ère médiéval/fantastique, Lucian le Divin, autrement dit l'avatar des Dieux sur terre est mort, et le Néant, sombre entité maléfique, corrompt peu à peu le monde. L'ordre établi, celui des Magisters, désignent alors pour responsable de ce fléau les Sourcelleurs, être normaux à l'exception prêt qu'ils sont investis d'une forme très puissante de magie, la Source, attirant les Anéants (monstres du Néant) en Rivellon. Pour ces motifs, ils sont condamnés à être incarcérés sur une île prison nommé Fort Joy, dans le but d'être purgé de leur Source. C'est dans ce contexte tendu que nous, joueur, débarquons dans ce monde sous l'apparence d'un Sourcelleur débarquant dans ce sinistre endroit de séquestration... Le prologue d'une histoire passionnante offrant son lot de révélations aux joueurs, faisant peu de cas d'un scénario prétexte à la "lui méchant tuer lui pour sauver monde nous gentil"... Mais si DOS II est aussi prenant et fascinant, c'est par la personnalisation de notre aventure. Car, et c'est là une grande nouveauté par rapport au premier épisode, nous pouvons choisir lors de notre création de personnages (puis plus tard durant nos divers recrutements pour notre équipe, au maximum composée de 4 membres) des "héros" pré-conçus, possédant leur propre scénario. Un scénario qui, en plus de rajouter en enjeu et en tension narrative à l'épopée, peut interférer avec les différentes quêtes (principales ou secondaires) et même avec les autres histoires de nos acolytes (pouvant amener à de violentes disputes au sein d'un groupe). En résulte une délicieuse impression que notre aventure dans DOS II est unique et personnelle...
Ce sentiment d'avoir une relation privilégiée avec le jeu se retrouve également dans les mécaniques plus "ludique" de l’œuvre de Larian Studios, et notamment durant ces combats. Déjà très bon dans le premier opus, ils se révèlent excellent dans cette suite. On garde le postulat de base, à savoir des affrontements au tour par tour avec des éléments (feu, eau, air, poison, terre) qui agissent les uns sur les autres, et on y rajoutent une tonne de combinaisons supplémentaires... Ainsi, aucune rixe ne ressemble à une autre et sont de véritables moments créatifs où notre imagination est bel et bien la seule limite. Afin d'illustrer un peu mieux ces propos, prenons l'exemple suivant. Une surface de feu se tient devant moi. Je peux la faire exploser en l'induisant d'huile, l'éteindre en utilisant un sort d'eau, la bénir (une nouvelle fonctionnalité du jeu, avec la malédiction) pour la rendre bénéfique à mes alliés ou la maudire pour infliger de lourds dommages à mes ennemis. Quatre propositions parmi tant d'autres qui, cumulées à tant d'autres font des combats de DOS II une source de plaisir folle...
Il y a également toutes ces fonctionnalités géniales et originales, faisant du monde dans lequel on évolue un véritable terrain d'expérimentation. Les Elfes peuvent manger les cadavres pour révéler les souvenirs de ces derniers, et acquérir parfois des renseignements précieux, voir même des compétences. Les Morts-Vivants (autre race du jeu) sont eux vulnérables aux soins, leur préférant une bonne flaque de poison revitalisante. Rajoutons à ça le système de craft (même s'il faut concéder que l'interface n'est pas toujours optimale), les spécificités inhérentes à chaque race/classe et la possibilité d'utiliser les compétences de combats hors des affrontements (pour déblayer un passage, soignant un PNJ mourant ou encore se frayer un chemin à travers une mer de flamme), et vous comprendrez que DOS II offre une abondance de possibilités au joueur, lui rendant, comme dit précédemment son aventure unique...
Mon amour pour le titre de Larian ne m'aveugle tout de même pas sur ces défauts. Oui, et même s'il y a une amélioration vis-à-vis du premier épisode, l'interface reste lourde, notamment vers la fin, où nos items se comptent par dizaines, voir par centaines, et le craft s'avère toujours assez secondaire, voir superficielle. Mais surtout, Divinity Original Sin II possède deux facheux problèmes. De un, l'équilibrage, parfois assez désastreux, me forçant par moment à devoir descendre d'un cran la difficulté tant les combats viraient au grand-guignolesque expéditif (en faveur bien sûr de mes opposants). De deux, le jeu semble faire une fixette particulière pour les paliers. Impossible d'essayer de voler à la tire tel PNJ tant que l'on a pas le niveau de compétence exigé, par exemple. Et inutile d'envisager d'affronter des ennemis d'un niveau supérieur au mien (même d'un seul), tant leur supériorité frôlera le ridicule. Certes, la montée en puissance se fait clairement ressentir, et pour le meilleur, mais il en résulte des moments assez frustrant...
Alors oui, la note affichée au côté de cette critique est loin d'être "objective". Mais qu'importe. Car DOS II incarne à merveille ce que j'aime dans le jeu vidéo : l'expérience de jeu (dont tous les éléments annexes, comme les graphismes, les mécaniques du jeu, l'histoire entre autres, en forme le tout). Voilà pourquoi le jeu de Larian est un chef d’œuvre. Mon aventure aux côtés de Lohse, Le Fauve, Ifan et Fane (les héros composant mon équipe) fut un voyage majestueux, fait de moments tantôt épique, tantôt intimiste. Une épopée magique dans un monde sombre et fascinant, dont j'étais et l'acteur, et le spectateur. Lorsque, au bout de quasiment 50 heures de jeu le générique de fin défila, je me remémora toutes les péripéties passés avec ce groupe, leur faisant du même coup mes adieux, avec un pincement au cœur. Mes acolytes dans Divinity Original Sin II n'étaient pas qu'une masse de statistiques et de compétences matérialisés sous la forme d'avatar pixelisé. Ils étaient, en réalité, de véritables compagnons de voyage...