Reboot occidental de la licence Devil May Cry, DMC aura été un jeu attendu avec beaucoup d'appréhensions. Ninja Theory pouvait-il redonner un souffle salvateur à la série? Avait-il les capacités pour livrer un jeu correct? Qu'est-ce que c'était que cette entorse aux designs des héros de la licence à la sauce jeune rebelle? J'avoue moi-même avoir été très dubitatif quant à ce clone de la série, néanmoins la curiosité et la démo sortie peu de temps avant l'arrivée du jeu me donnèrent l'envie de lui laisser une chance. Alors, pari réussi pour ce reboot? Comme Dante est à la fois démon et ange, ma réponse sera oui et non.
Soyons clair tout de même dès le début: le jeu est de bonne qualité, propose un bon challenge, et exploser du démon à tour de lames est toujours aussi jouissif. De manière générale, Ninja Theory a prouvé ses capacités à concevoir un jeu tout à fait correct, et même plus.
Côté gameplay, Dante se manie agréablement. Il dispose d'un large panel de compétence, des armes entre lesquelles il est facile avec un peu d'entraînement de passer pour enchaîner des combos dévastateurs pour renvoyer à la poussière les groupes d'ennemis qui oseraient se mettre en travers de sa route. Les armes elles-mêmes reprennent pas mal de mouvements vus dans les précédents opus, cependant l'ajout des grapins apporte un plus indéniable au charcutage de démons. En phase de plateforme, ces même grapins apportent leur pierre au cheminement dans les niveaux, encore que leur utilisation à outrance est parfois redondante et un peu trop facile. Le pire reste encore le mode démoniaque qui est un joli ratage sur tous les points. L'apparence de Dante n'est pas vraiment recherchée, et tout ce que cela provoque se résume à faire voler les ennemis quelques secondes le temps de placer quelques combos aériens. On est loin du sentiment de puissance que provoquaient les transformations dans les autres opus... Enfin, la caméra se fait un peu capricieuse tant pendant les combats que durant les phases de plateformes, et il n'est pas rare de tomber du niveau à cause d'un problème de visibilité.
Du côté des démons, les ennemis sont variés, et disposent comme on peut attendre de ce type de jeu de capacités et points faibles qui leur sont propres. Le fait que certains soient plus sensibles aux armes démoniaques ou angélique rend les combats un peu plus ardus quand ces deux types d'adversaires surgissent en même temps, et la maîtrise du switch devient essentielle. Leurs designs sont riches, et bien que je n'étais pas convaincus par leur apparence au départ que je jugeais peu mémorable, au fur et à mesure l'apparence et la fourberie de certains ennemis resteront gravés dans les mémoires. Les sorcières, les tanks, les épéistes masqués ou encore les fauves sont de sacrés raclures! Les boss et leurs affrontement sont beaucoup moins réussis en revanche. Pour le plupart le fonctionnement est le même: faire baisser la jauge de vie jusqu'à un certain point pour faire apparaître une zone accrochable et déclencher le grapin. Mundus est d'ailleurs non seulement raté du point de vue du design, mais dispose en plus de mouvements déjà vus et revus qui rend le combat navrant. On est loin de l'incarnation du premier DMC et la lutte épique qui s'en suivait. Au moins le boss final est là pour relever le niveau, même si là aussi la difficulté n'est pas vraiment au rendez-vous (pour précision, j'ai fait ma première partie en mode Nephilim).
Graphiquement, on sent que le studio s'est donné beaucoup de mal pour livrer un jeu qui a autant de gueule que son héros. Les environnements sont à ce titre un franche réussite, renouvelant sans cesse la surprise, et tous dégagent une ambiance terrible. Les évènements de niveau ont un rendu excellent, on se sent vraiment pris au piège par les niveaux dans certains cas. Si le level design en couloir est omniprésent au cours du jeu, il s'estompe beaucoup sur les derniers niveaux, et par ailleurs il faudra fouiller un peu pour trouver les clés et les âmes enchaînées de chaque stage.
Le rendu graphique, bien que de bonne qualité, pêche toutefois sur le rendu des ombres qui s'étalent en escaliers bien dégueulasses sur les personnages et les objets, et viennent gâcher un peu le plaisir visuel. Par ailleurs, l'optimisation de tout ça est passée un peu à la trappe, ce qui donne de temps en temps des pertes de framerate, bien que mineures.
Enfin il faut bien parler du sujet qui fâche, le look des personnages. Pour ma part je suis clairement déçu par l'ensemble. Dante a une tête de hooligan, Virgil ressemble à un fils à papa, Mundus est un gros chef d'entreprise sans rien de divin, sa maîtresse a la tête d'une vieille prostituée refaite de partout, Phinéas je me demande encore à quoi il sert mais son apparence est clairement pas raccord avec le reste du casting... Reste Kat qui a une bonne tête pour une nouvelle, mais son rôle est tellement mineur...
C'est d'ailleurs le plus gros problème de ce DMC. Tous ses personnages sont ridicules tellement les stéréotypes sont gros, et Ninja Theory devrait vraiment investir dans des scénaristes digne de cette profession. Certes on ne s'attendait pas à du lourd, mais là il y a un pas de franchi vers le gouffre. L'histoire se pare d'une pseudo critique du monde moderne et de ses vices (richesse, consommation, sexe...), et tous ses personnages en pâtissent. Le divin Mundus devient un maître de la finance crasse, quant aux héros, il me font furieusement penser à un groupe d'étudiants idéalistes et niais. Où est passé le Dante je-m'en-foutiste et narquois? Depuis quand Virgil est une tapette qui ne sort même pas son katana du fourreau pour prendre ce qu'il veut? Et Kat qui ne sert vraiment pas à grand chose à part tagguer les murs avec ses symboles magiques... Vraiment l'occidentalisation de la licence a passé les héros à la moulinette psychologique, et c'est fort dommage.
Et ce ne sont pas les dialogues qui vont relever le niveau. Les textes sont blindés de phrases clichés pour garder faire genre, à côté desquelles sont rédigées un flot de grossièretés pour faire mature. À vouloir se la jouer public adulte only, Ninja Theory démontre seulement son incapacité à faire un scénario intéressant pour des personnages qui le seraient tout autant.
En outre, la mise en scène frôle souvent la catastrophe dans DMC. On se retrouve avec des séquences débiles dont on a clairement rien à faire, et qui font sourire par leur aspect cliché. Il manque de plus tout ces moments épiques des précédents opus, ces scènes qui mettaient les personnages en valeurs et les plaçaient au-dessus du commun des mortels par leur caractère et leur habileté. Du spectaculaire en somme! DMC essaye maladroitement de remplir cette case, mais c'est totalement risible tellement c'est mal fait.
En conclusion, il y a du bon et du mauvais dans DMC. Certes le jeu en vaut la peine pour toute sa partie interactive, néanmoins les moments où le joueur devient spectateur ne sont vraiment pas glorieux, la faute à des maladresses de mise en scène et à un scénario très dispensable. Il reste toutefois une bonne acquisition pour qui a envie de se défouler avec le fils refait de Sparda.