Temps de jeu : 30 heures
Mon quatrième Donkey Kong Country
Test rédigé pour Le Red Blog [#9]
Revenu sur le devant de la scène du platformer avec Returns sur Wii en 2010, il aura fallu attendre quatre ans pour que Donkey Kong Country s’offre un nouvel épisode, toujours signé Retro Studios. Un opus « more of the same » ou qui rafraichit véritablement la formule ? Une chose est sûre : le primate le plus célèbre de l’histoire du jeu vidéo nous a réchauffé le cœur !
Libérés, délivrés
Cette nouvelle aventure du gorille le plus célèbre du jeu vidéo mènera le joueur d’île en île pour repousser l’invasion des Givrés et le froid glacial qui règne sur les contrées de Donkey Kong. En effet, il est ici question d’explorer un archipel, offrant de fait de nouveaux environnements, souvent surprenants vis-à-vis du passif de la série. Face aux Givrés, une armée de vikings composée de pingouins, morses et autres ours polaires, le roi des primates pourra compter une fois de plus sur le petit Diddy, mais aussi – surprise – sur la jeune Dixie Kong et le vieux râleur Cranky Kong. La version Nintendo Switch permet quant à elle d’incarner Funky Kong, lequel s’assimile plus ou moins au mode facile. En effet, le plus californien de la famille possède cinq cœurs en lieu et place de deux, plane lentement lors de sa retombée après un potentiel double saut, peut marcher sur les pics à l’aide de sa planche, ou rouler – et vriller dans l’eau – indéfiniment.
Absolument somptueux pour tous les sens, Donkey Kong Country: Tropical Freeze bénéficie d’une direction artistique folle. Outre des textures et un affichage affinés sur la version Nintendo Switch, le jeu est bourré d’environnements et de styles variés. On y retrouve évidemment les sublimes niveaux tout en ombres chinoises, déjà présents dans Returns, mais rien de comparable au véritable festival proposé par le niveau 3-1 ; au rythme de sonorités africaines, auxquelles toutes les animations du décor et des obstacles semblent s’accorder, le joueur évolue au sein d’un simili carnaval où s’enchevêtrent bustes de girafes en papier et baobabs dansants. On retiendra également le monde très coloré de la Jungle juteuse, où sont mixées – vous l’avez ? – les thématiques d’usine et de fruits, ou celui des Cimes automnales, lequel mêle moulins à vent, montgolfières et forêts de bouleaux. Le joueur s’étonnera également de l’intégration de nouveaux effets de caméra et de mises-en-scène encore jamais vues dans la franchise. Le jeu y gagne en dynamisme et en immersion, en dépit d’une certaine lisibilité quand l’action le demande.
L’Arène des neiges
Comment ne pas parler de la bande-son du jeu lorsqu’on aborde les qualités artistiques de ce Donkey Kong Country: Tropical Freeze ? Composée par le talentueux David Wise, celle-ci mêle nouvelles pistes et retours, toutes aussi réussies les unes que les autres. Les genres et les ambiances visités y sont variés, mais toutes réussissent le tour de force de réunir un nombre hallucinant d’instruments et de mélodies différentes, le résultat final offrant un ensemble limpide et plein de surprises. Flûtes, tam-tams, grattes et cuivres s’entrecroisent dans des morceaux qui ne cessent de se réinventer au travers d’une qualité rare. S’il fallait vraiment chercher la petite bête sur l’enrobage du jeu, on se plaindrait certainement des les écrans de chargement qui rament ou du quatrième monde, bien moins réussi et varié visuellement que ses compères ; rien de gravissime ceci dit, l’aspect technique, sonore et graphique étant dans le haut du panier des jeux de plates-formes. Sur Nintendo Switch, seul le mode portable manquera parfois de lisibilité, la faute aux effets de caméra et autre dézooms moins adaptés en nomade que sur téléviseur.
Côté gameplay, là aussi, rien ou presque n’est à redire. La physique lourde et les nombreux contrôles sont majoritairement similaires à ce que proposait Returns quatre ans plus tôt, à savoir la possibilité de rouler ou sauter sur un ennemi pour le vaincre (certains portent des casques à pointes ou tendent une lance), de taper au sol pour les étourdir ou activer des mécanismes, d’attraper lianes, parois herbeuses, monstres sonnés ou tonneaux divers avec la gâchette dédiée, ainsi que de monter sur le dos de Rambi le rhinocéros pour tout défoncer sur son passage. Toutefois, exit la mécanique de souffle pour dénicher trésors ou s’ouvrir des passages bloqués. En contrepartie, Donkey Kong et un de ses alliés pourront, s’il ont rempli au préalable une jauge en forme de banane (laquelle demande la collecte de cent de ces fruits), réaliser une technique spéciale ; tous les ennemis affichés à l’écran disparaissent et sont remplacés par des objets (ballons, cœurs, etc.). Les phases en chariots et en tonneaux-fusées sont également de retour, pour le meilleur et pour le sel.
Bien frais pour toi
Salés, certains le seront. Non pas qu’il soit particulièrement difficile, Donkey Kong Country: Tropical Freeze propose un challenge croissant et qui surprendra les néophytes ou les moins bons. Reste que le titre est en cela bien moins dur que l’opus Returns, ce qui décevra les amateurs de résistance ou dudit épisode de la Wii. C’est surtout dans ses nombreux passages retors que le titre rebutera les moins patients, obligeant parfois le joueur à mourir au moins une fois face aux surprises qui se dresseront sur son chemin ; des plates-formes qu’il est nécessaire de rejoindre, mais qui apparaissent à la dernière seconde et derrière vous, vous prenant de cours et vous obligeant à vous jeter dans un précipice pour retenter votre chance. Il faut dire que le soft de Retro Studio est – plus encore que son aîné – un jeu pensé pour le speedrun. En résulte un flow constant de sauts et de roulades qu’il faudra enchaîner sans hésitation ; une fois pris en main, le titre dévoile alors un bijou d’ingéniosité, le level design étant réglé au poil de fesse près.
Que les plus fragiles ne s’en prive toutefois pas, car outre le mode facile en la présence de Funky Kong sur Nintendo Switch, Tropical Freeze offre également de nombreuses phases d’exploration. On retrouve toujours les lettres K-O-N-G à récupérer d’une traite, mais également les pièces puzzles dont le nombre varie selon les niveaux. Si la majeure partie d’entre elles sont facilement trouvables, les autres seront parfois bien plus vicieuses ou ardues à dénicher. Les salles secrètes où le joueur doit récupérer toutes les bananes dans le temps imparti pour débloquer ladite pièce sont plus variées et mieux fichues que dans Returns, mais donnent aussi l’impression d’être malheureusement plus nombreuses. En cumulant ces pièces de puzzle, il sera possible de débloquer des bonus tels que des dioramas, des musiques ou des artworks du jeu. Enfin, les pièces jaunes quant à elles peuvent être échangées contre des vies et des cœurs supplémentaires ou des protections aux chutes mortelles. Mine de rien, les moins expérimentés en auront bien besoin.
Le Fun qui Kong
La version Nintendo Switch dispose de temps de chargements deux fois moins longs que sur Wii U, lesquels se révélaient particulièrement frustrants quand on enchaînait les morts stupides. Pas de nouveaux niveaux et toujours le même mode de coopération locale ; sympathique mais moins adapté que celui d’un New Super Mario Bros., la faute à sa difficulté générale. On regrettera également la non présence des autres animaux de la série, comme la grenouille ou l’espadon. Qu’importe, les phases sous-marines sont elles de retour et, fort heureusement, toujours bien au-dessus de la concurrence dans le domaine ; l’exploration y gagne en profondeur, en variété et en taille d’échelle. De même pour les affrontements de boss, bien moins basiques que ceux de son aîné, bien que plus longs. S’ils ne se révèlent toujours pas comme les passages les plus grisants de l’aventure, ils ont au moins le mérite de proposer des patterns moins classiques ou redondants que ceux de Returns. Enfin, signalons la présence de warp zone planquées dans certains niveaux ; les traverser débloquera la possibilité de jouer à des niveaux annexes.
Conclusion
Donkey Kong Country: Tropical Freeze est la digne suite de Returns, à savoir un opus aux qualités artistiques ahurissantes, au gameplay quasi parfait et au level design soigné. Plus qu’une digne suite, c’est surtout la concrétisation de tout ce qui se fait de mieux dans le genre du platformer, érigeant le titre de Retro Studios en nouveau mètre-étalon du genre, rien que ça ! S’il fallait trouver quelque chose à redire à cette nouvelle aventure du primate à cravate, ce serait sur son léger manque d’ajouts majeurs dans son gameplay, ou la durée de vie inférieure à Returns. Avec six mondes contre huit pour ce dernier, comptez environs huit heures pour finir en ligne droite, quinze pour le 100 % et trente pour le 200 %. Toutefois, ces petits défauts n’entacheront en rien l’expérience du jeu, lequel se révèle comme une réalisation emplie de virtuosité et un game design à la générosité débordante. Absolument culte.