Disclaimer : cette critique ne porte pas tant sur cette itération en particulier de la Dread X Collection, que sur l'ensemble des anthologies proposées jusqu'ici par la DreadXP. Né en 2020 et enchaînant rapidement les parutions à un rythme pluri-annuel, ce concept de game jam (développement artisanal et en temps limité) de jeux d'horreur à petit budget a rapidement connu un petit succès, au point de développer son expansion plusieurs fois par an et de joindre de nombreux développeurs à sa cause. Au sommet d'entre eux, on peut sans doute citer David Szymanski, connu pour avoir développé le FPS Dusk, plus ou moins devenu ambassadeur de la marque jusqu'à être propulsé directeur artistique sur la quatrième anthologie, mais beaucoup d'autres développeurs indépendants jouissant d'une petite notoriété dans leur domaine se sont également invités à la fête, certains y restant fidèles et en profitant pour affiner leur art d'itération en itération. Si la plupart des noms restent inconnus du grand public (j'avoue que même un fan de survival horror comme moi a eu l'impression de découvrir tout le monde), les Dread X Collection ont su, au fil des épisodes, mûrir de vraies propositions originales autour de l'idée générale de "jeu d'horreur". Pas seulement de survival horror, donc : le seul pré-requis des jeux est d'avoir une composante horrifique dominante. On trouve donc, dans la grosse cinquantaine de jeux sortis jusqu'ici toutes anthologies confondues, un peu de tous les genres, dont beaucoup sont même des hybridations entre plusieurs genres. Il y a même finalement assez peu de survival horror au sens strict, et le genre le plus représenté pourrait être le FPS, même si là encore, la dimension shoot est rarement prépondérante et se met régulièrement en retrait derrière d'autres mécaniques (infiltration, exploration, puzzles...).


Si j'écris cette critique, c'est que non seulement les Dread X Collection sont injustement inconnues au vu du peu d'évaluations qu'elles récoltent sur Steam, mais qu'en plus, il se pourrait bien qu'elles s'arrêtent purement et simplement, comme en témoigne un développeur en réponse à l'une des évaluations de la cinquième collection, expliquant que le niveau de qualité a tellement grimpé d'épisode en épisode qu'il devient difficile de continuer à surprendre et à satisfaire les joueurs sans trahir le concept de développement artisanal (qui est un peu à la base de la série). Il faut dire qu'au bout de 50 jeux, le filon peut donner l'impression d'avoir été épuisé, même si, pour ma part, je ne demande qu'une chose : du rab. Du rab, parce que putain, qu'est-ce que c'est bon, en fait. La thématique horreur étant globalement désertée sur Steam à l'exception d'une poignée de (chouettes) AAA et de bennes entières d'usines à hurlements médiocres pour streamers Twitch, j'ai éprouvé un plaisir infini à parcourir (et poncer) chacune des 5 anthologies sorties depuis 2020, qui, si elles ne se valent pas toutes, témoignent tout de même d'une sacrée hauteur de vue et d'un talent incontestable de la part de la plupart des développeurs. A l'heure actuelle, deux des jeux sont même sortis en format complet à plein tarif et je ne suis même pas surpris tant ils étaient d'une excellence manifeste ; d'ailleurs, pour donner une idée de l'originalité des propositions qu'on peut trouver dans les Dread X Collections, ces deux jeux sont un dating sim de démon lovecraftien et un Wario-Ware like à thématique Halloween, et sont rapidement devenus très reconnus dans leurs domaines respectifs (il est vrai, peu concurrentiels).


Si la toute première Dread X Collection a pris un incontestable coup de vieux avec une majorité de jeux cassés et un concept qui se cherchait alors visiblement, je dirais que toutes les Collections suivantes à partir de la deuxième sont indispensables pour tout fan de jeux d'horreur (même si la 5 est moins bien notée que les autres, ce que j'avoue ne pas vraiment comprendre car elle m'a personnellement donné la petite claque réglementaire). Chaque collection comporte sa propre "killer app", le jeu qui justifie à lui seul le ticket d'entrée de 8 euros demandé : même si les citations pourront varier fortement selon les joueurs, il s'agira pour moi d'un Darkwood-like sur la Lune en vue top-down pour la 2, d'une sorte de jardin Chao de Sonic Adventure en mode Lovecraft pour la 3, d'un simulateur d'exorcisme dans les graphismes du premier Alone in the Dark pour la 4, et d'une visite de musée maudit guidée à l'oreillette par un ASMR cauchemardesque pour la 5. Globalement, il y en a pour tous les publics, avec une représentation égale entre des jeux aux gameplays et à la présentation scolaire mais efficace (mini-immersive sim, jeu de chasse, puzzle game...), et d'autres témoignant d'une plus profonde envie de radicalité, dans lesquels se retrouvent abolis tous les repères et toutes les règles habituels des jeux vidéo "classiques" (voir par exemple Gallerie de l'épisode 5 ou Rose of Meat de l'épisode 4, qui présentent l'inconvénient d'être totalement interdits aux épileptiques en contrepartie d'un design génialement dément). Pour le reste, difficile de rendre justice au très grand nombre de petits jeux proposant une chouette expérience, souvent franchement originale, mais tentons quand même : on trouvera pêle-mêle un simulateur de vendeur de glaces dans un parc d'attractions désaffecté, un autre de développeur de jeu vidéo en plein crunch commençant à avoir des hallucinations, un autre encore de joueur de jeu vidéo (!) qui, vu à la première personne, risque de sombrer dans la folie à chaque clignement d'oeil devant sa console, encore un de bibliothécaire devant se plonger dans un livre tout en restant attentif à un monstre rôdant dans les rayons autour de lui, un Game & Watch parasité par des bugs de plus en plus effrayants, un point and click d'enfant organisant sa soirée Halloween dans une maison dotée d'une conscience propre... Je pourrais continuer pendant encore des pages, mais il faut bien s'arrêter.


Ce qu'il faut surtout retenir est que l'ensemble des anthologies, à 8 euros l'unité, revient à 40 euros le tout. Pour plus de 50 jeux donc, dont facilement les trois quarts sont vraiment bons, et au moins la moitié, franchement excellente. Pour le prix, c'est imbattable. Ca permet également de soutenir une infinité de développeurs indépendants très talentueux, dont la plupart semble n'attendre qu'un coup de pouce pour exploser sur la scène indépedante et venir enfin remplir les rayonnages d'un genre moribond. Il faudrait également parler du souci croissant des développeurs à proposer des expériences bien finies, avec la présence systématique (à partir de la deuxième anthologie) d'un hub central en forme de jeu à part disposant de sa propre scénarisation. Souligner, de nouveau, l'épatante variété des expériences proposées. Et sans doute tirer son chapeau aux compétences spécifiques de certains développeurs, qui se distinguent par la maîtrise d'un élément en particulier : le graphisme pour les uns, le sound design pour les autres, les systèmes de jeu complets pour d'autres encore, certains mettant même le paquet sur les trois à la fois. Vraiment, difficile de se sentir floué, et plus difficile encore de ne pas voir dans ces formidables anthologies un moyen d'expression essentiel pour des créateurs bourrés de talent, pour lesquels mon principal espoir est désormais qu'ils s'épanouissent en format long et viennent nous délivrer des Five Nights at Freddy's dont Steam et Youtube nous abreuvent à l'entonnoir depuis trop d'années. D'ailleurs, voir autant de créateurs talentueux s'exprimer dans ces Dread X Collections en mouchant sans souci les têtes de gondole du genre pose largement question sur la manière dont les plates-formes permettent aux créateurs indépendants de s'épanouir aujourd'hui.

boulingrin87
8
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le 9 sept. 2022

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Seb C.

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