Fahrenheit est un avant tout une tentative d'aborder différemment le jeu vidéo : un film interactif sans gameplay, où la narration et la mise en scène priment sur le reste. C'est exactement comme Heavy Rain qui sera développé par la même équipe 5 ans plus tard.

La progression du jeu est intéressante grâce à la présence de 3 personnages principaux. D'un côté, on incarne Lucas, un fugitif après un meurtre qu'il a commis involontairement, et de l'autre, Carla et Tyler, 2 inspecteurs en charge de cet affaire. Le joueur fait donc avancer les 2 aspects du crime en même temps. Lucas proposera des situations propres à un criminel, à savoir se cacher, fuir, effacer les preuves ou gérer une conversation pour ne pas réveiller les soupçons. Avec les 2 policiers, on résout l'enquête en récoltant des preuves et indices.
D'un point de vue mise en scène donc, le jeu réussit plutôt bien son pari. On restera longtemps devant son écran pour découvrir la suite de l'histoire.

Cependant, là où on aurait pu avoir un très bon jeu, on se retrouve avec juste un jeu expérimental sympa sans plus, tout ça à cause des erreurs fatales causées par Quantic Dreams.

Tout d'abord, l'histoire qui devait être un des plus gros points forts du jeu se révèle au final assez décevante. Le début est passionnant mais ça part rapidement dans un trip fantastique hors sujet, avec des assemblements de gros clichés : des légendes mayas, le rituel de sacrifices, la petite fille au regard morbide, des conspirations secrètes qui gouvernent le monde, des IA qui se soulèvent contre l'humanité...
Plus on avance dans le jeu, plus ça devient du grand n'importe quoi. Le héros commence à éviter des balles, voler et faire du kung fu dans l'air façon Matrix. En 3 lettres, WTF.
De plus, contrairement à ce qu'on aurait pu s'attendre, l'histoire avance de manière linéaire, et nos choix n'auront quasiment aucune conséquence sur la suite.

L'autre gros problème de Fahrenheit est son absence de game design. Je sais que c'est volontaire, mais franchement, personne aurait crier au scandale si on avait à la place un "vrai" jeu.

Déjà, le premier élément qui coupe complètement l'immersion, c'est le déplacement du perso qui est un véritable "pain in the ass". Un déplacement fluide et bien pensé comme dans n'importe quel bon FPS ou TPS aurait faciliter l'immersion en plus d'être confortable pour le joueur, alors que dans Fahrenheit, on contrôle les persos comme des camions à ordure avec les pneus crevés. Les caméras ne nous aident pas non plus.

En dehors du déplacement, la totalité des actions du jeu se fait via des QTE. En gros, on peut les qualifier en 3 catégories :
- Ceux où il faut marteler 2 touches très vite. Sans doute les plus faciles, mais aussi ceux où on a l'air le plus mongolien devant son écran.
- Ceux où il faut maintenir la souris enfoncée et reproduire une forme. Ces formes n'ont généralement aucun rapport avec l'action effectuée par le perso.
- Enfin, ceux où il faut appuyer successivement sur les boutons affichés à l'écran, ce qui représente le 80% des activités du jeu. Encore si c'était un peu varié, mais non, quelque soit l'action que vous faites, des plus banales (jouer de la musique) aux plus extraordinaires (affronter des insectes géantes), on doit juste faire des haut, droite, droite, haut, bas, gauche, bas, droite, gauche...
Sérieusement, ils ne s'étaient pas rendu compte que c'était pourri lors du développement ? Ces QTE ne donnent pas vraiment l'impression d'effectuer les actions, et surtout, ils sont d'un chiant à en crever. C'est une véritable punition infligée aux joueurs.

Une autre idée intéressante mais mal exploitée : les personnages ont un indicateur de leur état psychologique plutôt qu'une barre de vie. La barre se remplit ou se vide suite aux différents événements, et en se vidant, les personnages tombent en dépression et peuvent même finir par se suicider. Sur papier c'est sympa, sauf qu'en pratique c'est plutôt maladroit, au point de nous proposer des situations grotesques. Comme quand notre perso tombe dans la folie et finit en asile seulement parce qu'il a croisé un clochard qui lui faisait de la peine dans la rue. C'est mignon.

Graphiquement, le résultat est en dent de scie. Les personnages ont une modélisation potables, c'est surtout leurs animations en motion capture qui les rendent plus vivants. Les décors par contre sont pour la plupart fades et plats, à cause d'une absence évidente d'éclairage. C'est indigne de 2005, quand on pense à ce que les graphistes de Max Payne (2001) ou Mafia (2002) avaient réussi à faire avec un peu d'éclairage précalculée. De plus, autant certains décors ont bénéficié de quelques détails sympas, d'autres sont carrément vides et sans âme. Les niveaux dans la base militaire par exemple, on dirait un jeu Davilex sans exagérer.

Reste un doublage de qualité, et une BO sympa sans être exceptionnelle.

Fahrenheit est donc une approche particulière du jeu vidéo, avec une mise en scène travaillée et une narration bien construite. Malheureusement, on s'en détache rapidement à cause de son histoire qui part en sucette et des QTE sans intérêt, le degré 0 du divertissement.

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le 28 déc. 2011

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ThoRCX

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