NARRATION
Histoire : ★★★☆☆
Jason Brody, jeune touriste californien, était seulement venu en Thaïlande pour profiter de ses plages, ses bars et ses activités extrêmes... Mais après un saut en parachute à l’aveugle, ses vacances ont malheureusement tourné au cauchemar : capturé sur une île du Pacifique par des trafiquants d’esclaves, Jason va seulement réussir à s’échapper en y laissant la vie de son frère, assassiné sous ses yeux par Vaas Montenegro, le psychotique lieutenant de ses ravisseurs. Après avoir été recueilli par les autochtones Rakyats, qui voient en lui un héros mythique appelé à les libérer du joug des pirates, Jason va vite se découvrir un don et une certaine appétence pour la guerre et la violence : parti d’abord libérer ses amis, sa vendetta va rapidement se transformer en vengeance, puis en djihad pour la libération d’un peuple dont les coutumes guerrières le fascinent et qu’il envie. Mais à y laisser son âme dans cette guérilla contre Vaas, Jason ne risque-t-il pas de devenir le reflet de celui qu’il abjure ?
Sous ses airs de thriller hollywoodien un peu idiot, Far Cry 3 propose une histoire plus profonde qu’il n’y paraît. Sa parodie du mythe du white savior, dont on retrouve d’ailleurs quelques parallèles avec Dune et sa critique du messianisme, sa réflexion sur le fait de rendre la violence fun (dont le jeu se fait lui-même la satire), ainsi que sa mise en scène de la folie, tout cela donne à la descente en enfer de Jason Brody un petit air d’Apocalypse Now qui n’est pas pour nous déplaire…
Personnages : ★★★★☆
Si le héros Jason Brody, comme l’ensemble de ses petits camarades, est plutôt bien doublé et plus sympathique que son air de tête-à-claques laisse à penser, les véritables stars des Far Cry auront toujours été leurs antagonistes, Vaas en tête bien sûr ; ce psychopathe charismatique terrifie autant qu’il hypnotise, et ses rares apparitions auront marqué bien des joueurs, à tel point que beaucoup le considère aujourd’hui comme l’un des meilleurs méchants de l’histoire du jeu-vidéo. Les autres adversaires de Jason, bien que moins marquants, valent aussi le détour, à l’image du pervers Buck ou de l’esclavagiste Hoyt Volker.
Univers : ★★★☆☆
La culture des Rakyats et le lore de Rook Islands auraient peut-être gagné à être plus étoffés, mais ce n’est ici pas l’objectif principal du jeu. On pourra toutefois s’amuser à arpenter l’archipel à la recherche de son passé, entre ruines anciennes et vestiges de la Seconde guerre mondiale, où les missives de soldats japonais pourront parfois être exhumées… L’île dispose aussi d’une faune variée et bien animée pour l’époque : tigres, buffles, léopards, tapirs, dragons de Komodo, etc…
JEU
Game Design : ★★★★☆
En étant un peu cynique, on pourrait affirmer que Far Cry 3 est à l’origine du Mal, puisqu’il a inspiré à Ubisoft une décennie d’open-worlds aux game designs aseptisés et ultra-génériques. Pourtant, même aujourd’hui ses mécaniques de jeu demeurent plaisantes et cohérentes en elles-mêmes : l’arbre de compétences tatoué, le fait de devoir chasser pour améliorer son équipement, le craft de seringues à base de plantes locales, la libération progressive de l’île, la révélation de la carte par sabotage des tours radio… Tous ces ressorts aujourd’hui si usités entrent en parfaite résonnance avec la situation d’un Jason devant avant tout survivre, tel Robinson Crusoé, en apprivoisant la nature sauvage de l’île. Quel dommage que ces mécanismes aient été par la suite si dénaturés et surutilisés…
Gameplay : ★★★★★
S’il y a bien une chose qu’on ne peut pas retirer à la série Far Cry, c’est son gameplay fun et jouissif, tant dans ses phases de shoot, que d’exploration ou d’infiltration. Les sensations de tirs ainsi que le recul des armes, renforcés par l’impact des déflagrations, étaient déjà au poil en 2012, et Jason a de plus la possibilité de courir, sauter, escalader, nager, conduire des véhicules… Un plaisir de jeu immédiat et jubilatoire, sans prise de tête.
Level Design : ★★★★☆
Pour un jeu en open-world, Far Cry 3 s’en sort plutôt bien sur la conception de son monde ouvert : séparé en deux îles principales, dont la seconde se débloque plus tard dans l’aventure, Rook Islands présente une topographie escarpée, alternant ravins abruptes, plages de sable fin, forêts tropicales et rivières infestées de crocodiles. Ces îles volcaniques sont aussi jalonnées de tours radio (tiens tiens…) proposant d’étonnantes et pas si mal phases de puzzles/plateformes, mais aussi de nombreux camps dont Ubisoft maîtrise parfaitement le level design, un peu trop d’ailleurs, au vu de leur surutilisation depuis dix ans... A noter enfin que certaines missions bénéficient de niveaux originalement conçus, à la Uncharted : un temple ancien à explorer, un hôtel en flammes, un cargo en train de couler…
PERSONNALITÉ
Direction artistique : ★★★☆☆
Une direction artistique réaliste et très classique, dont les performances techniques ont aujourd’hui quelque peu pali. Far Cry 3 a toutefois le mérite de nous faire voyager sur un archipel en apparence paradisiaque, dont les paysages, la faune et l’architecture mélangent des influences d’Asie du Sud-Est (Cambodge, Thaïlande…), et d’autres d’îles du Pacifique (Papouasie-Nouvelle-Guinée, Hawaï…).
Ambiance : ★★★☆☆
L’immersion sur les plages de Rook Islands est globalement réussie mais en rien inoubliable. Le sound design est du niveau d’un AAA, même si aucune ambiance ne se détache en particulier. Rien de bien dommageable cependant.
Musiques : ★★★☆☆
Quelques belles musiques de Brian Tyler restent en mémoire (Falling Into a Dream, le thème principal I’m Sorry ainsi que Further, sa version finale accompagnée de violons) mais le reste de la bande originale est malheureusement plus anecdotique. A noter toutefois certaines chansons bien sympathiques, que l’on peut entendre à la radio ou dans certaines missions (Ukulele Girl et Make It Bun Dem, je pense à vous).
Marquant le début d’une génération de clones en mondes ouverts, Far Cry 3 demeure peut-être le meilleur jeu Ubisoft de la décennie, en tout cas le plus maîtrisé de la série. Au contraire de nombre de ses cousins, la plongée dans la folie de Jason Brody dispose d’une histoire plus profonde qu’à première vue, portée par un méchant emblématique et rythmée de missions originales et variées, aux fusillades jouissives et au level design parfois inventif. Far Cry 3 ne tombe pas non plus dans le piège de la durée de vie excessive, puisqu’il est tout à fait possible de profiter de l’aventure principale en une quinzaine d’heures seulement, comme quoi il n’est pas nécessaire d’en faire toujours plus pour aboutir à un très bon jeu...