A choisir entre deux maux, je préfère ne pas choisir du tout.

NARRATION
Histoire : ★★★★★
L’empire de Nilfgaard vient d’envahir le royaume de Témérie, et lorgne désormais sur la couronne du roi fou Radovid en Rédanie. Au milieu de ces terres ravagées par la guerre, le sorceleur Geralt de Riv se met en quête de l’amour oubliée de sa vie, la magicienne Yennefer de Vengerberg. Celle-ci s’est récemment ralliée à l’empereur Emhyr en espérant retrouver l’héritière perdue du trône, la jeune Cirilla, qu’elle et Geralt avaient autrefois recueillie et élevée comme leur propre fille... Mais Ciri est aussi l’enfant de Sang Ancien, celle dont la prophétie annoncerait qu’elle pourrait sauver le monde… Ce pourquoi, attiré par les pouvoirs immenses de la jeune femme, un groupe de cavaliers spectraux, la Chasse Sauvage, la poursuit depuis toujours… Et qui de mieux pour mettre fin à cette menace, que le plus illustre des tueurs de monstres en personne ? Ainsi semble se terminer la légende du célèbre Geralt de Riv…

Personnages : ★★★★★
Pour les connaisseurs de la saga d’Andrzej Sapkowski, ce ne sera pas une surprise si les personnages de The Witcher 3 s’avéreront si réussis : au fil des recueils de nouvelles et des cinq romans principaux (sans compter les précédents jeux de CD Projekt), Geralt de Riv est en effet devenu l’un des héros les plus charismatiques du genre fantasy. Quant à ses nombreux compagnons, ils sont tout aussi attachants : Yennefer, la femme fatale mais envoûtante, Triss, à la personnalité aussi enflammée que ses cheveux, Jaskier, qui constitue l’une des nombreuses touches humoristiques du jeu, Vesemir, le vieux mentor plein de sagesse, Zoltan, le nain bourru mais fidèle, Lambert, le sorceleur cynique et désabusé… Et c’est sans compter les autres rencontres inédites de ce dernier épisode, qui auront tout autant marqué les esprits : le Baron Sanglant, les Moires de Torséchine, le Petit Bâtard, etc… Enfin, comment ne pas citer Ciri elle-même, celle pour qui l’on ressentira le plus d’affection, presqu’autant que Geralt envers sa propre fille… Une galerie de personnalités incroyable qui nous emmènera jusqu’au bout de cette passionnante épopée qu’est The Witcher 3: Wild Hunt !

Univers : ★★★★★
Bien aidé par la richesse de sa source littéraire, l’univers du Sorceleur – teinté du folklore slave cher à son auteur polonais – est dépeint ici avec brio. Pour les plus novices, celui-ci se situe à mi-chemin entre Game of Thrones (pour ses intrigues politiques et ses personnages non-manichéens) et Le Seigneur des Anneaux, avec ses magies, ses peuples et ses créatures diverses et variées : elfes, nains, magiciens, dragons… Les développeurs de CD Projekt se sont ainsi appliqués à rendre hommage à l’ensemble de la saga, en particulier au détour des fameuses quêtes annexes qui auront, en leur temps, révolutionné la narration en monde ouvert. Ces histoires secondaires, au même titre que le scénario principal, constituent en effet le cœur de l’expérience : chacune y est remarquablement écrite et nous embarquera sur des chemins souvent inattendus, prenant-là un malin plaisir à nous mettre face à l’un des dilemmes moraux de la série. Un conseil, attardez-vous au moins sur les missions en lien avec les personnalités rencontrées dans la trame principale : il s’agit souvent des meilleures, sans compter que leur accomplissement pourrait bien influer sur l’histoire entre Geralt et Ciri, ainsi que sur sa conclusion…

JEU
Game Design : ★★★★☆
Pour résumer, le game design de The Witcher 3: Wild Hunt se divise en quatre phases de jeu bien distinctes : exploration, dialogues, enquêtes et combats. Et même si l’exploration est au final très banale, ce sera plus au niveau des trois points suivants qu’il faudra rechercher tout l’intérêt du titre ; les dialogues demanderont d’opter pour certains choix qui impacteront directement l’aventure, quant aux affrontements, ils exigeront d’être convenablement préparés, d’où la nécessité de s’imprégner des différentes mécaniques RPG : montée en niveaux, connaissance des points faibles de l’adversaire, amélioration de l’équipement, craft de potions… Enfin, et avant d’avoir été déclinée dans de nombreux open-worlds (la vision d’aigle dans les récents Assassin’s Creed, le focus dans Horizon: Zero Dawn…), la recherche d’indices à base de sens de sorceleur était perçue comme très originale, tout en réussissant à intégrer encore davantage la narration au gameplay.

Gameplay : ★★★☆☆
Sans être forcément un point fort, la maniabilité de Geralt reste plutôt agréable, du moins lorsqu’il s’agira de courir ou de sauter ; les déplacements du cheval seront, quant à eux, pour le moins plus approximatifs… Lorsqu’il lui faudra dégainer, le style de Geralt s’adaptera à la nature de son adversaire (« silver for monsters, steel for humans ») : les duels face aux soldats nécessiteront ainsi parades et maîtrise des timings, quant aux créatures, elles demanderont plutôt d’esquiver, voire d’effectuer quelques roulades. Notons enfin que Geralt pourra également compter sur ses cinq « signes de sorceleur » lors des combats : Quen, établissant un bouclier protecteur autour de lui, Yrden, qui placera un piège ralentissant ses ennemis, Axii, pour les étourdir, Aard, pour les renverser, et enfin Igni, le pouvoir de pyrokinésie.

Level Design : ★★★☆☆
Décomposé en plusieurs open-worlds, dont un principal, le monde de The Witcher 3 reste très classique dans sa construction, car avant tout constitué d’immenses espaces naturels jalonnés de petites bourgades, mais aussi de cités plus importantes (Oxenfurt et Novigrad). L’archipel de Skellige apportera toutefois un peu de diversité au world design, puisqu’il sera demandé d’y naviguer afin de relier les différentes îles qui le composent.

PERSONNALITÉ
Direction artistique : ★★★★★
Une superbe direction artistique, tant au niveau de l’architecture médiévale de ses villes (les ruelles de Novigrad, les remparts d’Oxenfurt, le palais impérial de Wyzima…) que des innombrables créatures qui rôdent dans leurs parages. Quant aux décors naturels, ils sont tout aussi fastueux : les marécages putrides de Velen, les champs fleuris de Rédanie, les fjords de Skellige, le lac et les alpages entourant la forteresse de Kaer Morhen… Une diversité de paysages extraordinaires qu’il est toujours un plaisir de parcourir !

Ambiance : ★★★★★
Bercée par le souffle du vent dans la végétation, la beauté d’un coucher de soleil ou l’arrivée d’un orage, l’ambiance de Wild Hunt saura parfaitement nous immerger dans ses immensités sauvages et enchanteresses. Cela n’empêchera pas l’atmosphère d’être plus claustrophobique, voire fantasmagorique lorsqu’il s’agira de pourchasser quelques spectres ou autres malédictions : parmi celles-ci, on pourra compter sur la visite hantée de l’île de Fyke, le jardin maudit de Freya, l’exorcisme du Blême, ou encore le mystère entourant le fantôme du phare d’Eldberg…

Musiques : ★★★★★
Mais quelle bande originale ! En plus d’être magnifiques à écouter, les musiques de Marcin Przybylowicz incorporent divers instruments et chants d’Europe de l’Est qui s’intègrent parfaitement à la mythologie slave du jeu. La liste des morceaux à retenir est d’ailleurs loin d’être exhaustive : The Trail, Geralt of Rivia, Kaer Morhen, Whispers of Oxenfurt, Ladies of the Wood, Witch Hunters, The Song of the Sword-Dancer, The Hunt Is Coming, Priscilla’s Song… Et sans oublier la superbe The Fields of Ard Skellig, qui saura nous transporter comme jamais au milieu des bruyères et des landes désolées de la belle Skellige…

Marquant la conclusion de la saga du Sorceleur – débutée en 1986 dans les livres de Sapkowski – The Witcher 3 : Wild Hunt aura embarqué nombre de joueurs dans sa passionnante aventure, avec le succès fulgurant qu’on lui connaît aujourd’hui. Le jeu n’aura effectivement pas volé sa réputation, tant il constitue un aboutissement narratif, visuel et sonore : personnages inoubliables, univers foisonnant, quêtes annexes inégalées, direction artistique splendide, musiques grandioses… D’un point de vue ludique, ses mécaniques de jeu lui garantissent une progression très appréciable, tandis que ses combats resteront toujours plaisants à maîtriser, tant face aux monstres qu’aux ennemis humains, peut-être les plus monstrueux des deux d’ailleurs, au vu des problématiques abordées par la série… Finalement, nous voilà face à l’un des plus grands RPG de l’histoire, de ceux qui auront influencé une génération de game designers : « with Geralt of Rivia, along came this song […] : toss a coin to your witcher […] ».