Fez, en voilà un jeu qui aura déchaîné les passions. Tant hypé sur la scène indé avant et lors de sa sortie que détesté par les joueurs qui ont du affronter une masse de bugs lors de leurs débuts sur le jeu, puis mis sur un piédestal par une frange de joueurs, et jeté aux égouts par une autre n'y ayant jamais touché mais ayant été révolté par l'attitude de son créateur, Phil Fish. À ce titre, je m'attendais d'ailleurs à plus de massacre dans la partie critique de SC, j'ai donc en un sens été agréablement surpris. Toujours est-il que j'aime bien les bons jeux indés, et que Fez m'avait hypé à sa sortie. Mais exclusivité 360 oblige, il m'a fallu attendre la sortie PC. Et le hype étant alors un peu retombé, je ne m'y suis attelé que fin 2014, alors que Fish s'est officiellement retiré de l'industrie depuis plus d'un an maintenant, que toutes les histoires autour de Fez se sont atténuées et que le jeu fait désormais plus partie du passé que du présent.
J'ai quand même lancé Fez avec de grosses attentes et, au vu de la note, difficile de le cacher : celles-ci ont plutôt été comblées. Bien sûr, Fez ne révolutionne pas plus le jeu vidéo que Limbo ou votre arrière-grand-oncle, mais tous ceux qui se jettent sur un jeu indé hypé en pensant y découvrir qui a dépucellé Sasha Grey ou un quelconque autre secret de l'univers commencent à m'ennuyer poliment. Je vais donc plutôt me concentrer sur ce qui fait que Fez est une expérience unique.
Le premier point que j'ai envie d'aborder, c'est l'univers du jeu : extrêmement variés, les décors sont régulièrement magnifiques. Rarement je n'ai vu un jeu en pixel art aussi beau : certains paysages dégagent une atmosphère fantastique, et le cycle jour/nuit permet de varier les ambiances, apportant encore un cachet supplémentaire. Fez m'a charmé, et c'est en très grande partie due à cette DA, presque exceptionnelle. L'ambiance sonore n'est pas en reste non plus et complète très bien la partie graphique. Disasterpeace s'inspire d'ailleurs beaucoup du travail qui avait été fait sur Ōkami. Alors bon forcément, si vous me mettez une superbe DA pixel art couplée à une ambiance sonore rappelant parfois un des meilleurs jeux de tous les temps, faut pas s'étonner que je succombe. Et je ne me sens pas spécialement hype de succomber pour le coup.
Mais le point qui rend Fez réellement unique, c'est son couple gameplay / level design. C'est bien simple, il s'agit peut-être du level design le plus complexe auquel j'ai jamais joué, et clairement un des meilleurs. Chaque tableau se déroule sur quatre plans, chaque plan se combinant avec les autres. Et il faudra les combiner pour progresser. Alors oui, c'est un peu déroutant au début, mais on finit par s'y faire, et on se surprend petit à petit à switcher très rapidement de dimension. Finalement, on commence à raisonner différemment, à raisonner en dimension cube et, si les énigmes ne sont globalement pas très difficiles, j'ai toujours eu un immense plaisir à progresser.
En vérité, je n'ose imaginer à quel point il faut être fou pour arriver à sortir un tel concept. Le penser, ça va. En faire un prototype, c'est chaud mais ça va encore, avec de la volonté ça se fait. Mais livrer un jeu entier ainsi ? Chaque partie du monde ayant ses énigmes particulières, avec ses éléments particuliers en plus des ambiances changeantes ? Des tonnes de secrets cachés partout ? C'est de la pure folie. Peut-être faut-il être programmeur ou game designer pour s'en rendre compte, je ne sais pas, mais personnellement après avoir fait Fez je ne verrai plus Phil Fish pareil. Certes, le mec a l'air d'avoir quelques soucis psychologiques (apparemment il serait suivi depuis son craquage médiatique...), et le ridicule avec lequel il s'est mis à insulter la planète entière me fait toujours rire. Mais en fait, je me rends compte que le mec a juste pété un câble. Designer ce jeu lui a rongé le cerveau, et se faire assaillir par la communauté Internet (qu'on sait tous calme, pertinente et bien éduquée) pour quelques bugs, après s'être grillé le cerveau au Bec Bunsen pendant des années sur Fez... Je comprends mieux le burnout (Gamekult avait d'ailleurs fait un bon article sur le sujet à l'époque).
Alors certes, sortir un jeu buggué n'est en soi pas excusable, mais si tous ces fans de PiewDiePie savaient à quel point il est impossible de débuguer un jeu comme ça tout seul, et à quel point il est extrêmement difficile de le débuguer tout court, ils y auraient peut-être réfléchi à deux fois. De ce côté là non plus, l'ignorance n'excuse pas tout. Et puis j'ai personnellement joué sans avoir un seul bug, donc c'est que le suivi derrière a été particulièrement bon en sus. Pour résumer, je n'ai pas fondamentalement changé d'avis sur Phil Fish, qui souffre à mon avis de sérieux soucis psychologiques, mais je n'en suis pas moins admiratif du travail accompli. J'ai eu le jeu dans un Humble Bundle et, à l'époque, me croyant certainement intelligent, je n'avais pas donné un rond pour Fez. Et maintenant, je me sens bien con.
Pour moi Fez ne démérite donc en rien le hype dont il a été finalement la victime à sa sortie. Il s'agit bien d'un des meilleurs jeux indés qu'on peut trouver sur le marché, sorti peu avant la saturation de ce-dernier par une tonne de jeux plus ou moins bons. Joli, intelligent et souvent jouissif, le jeu de Polytron est un mets de choix. Et puis l'idée générale du jeu, sans être folle, est quand même rudement chouette. Alors je fais désormais partie de ceux qui espère voir Fez II un jour. Et non, je me sens toujours pas hipster. Mince alors.