« You journey not for yourself alone, but for everyone in your village. » SOL RACHT

Nintendo est connu pour sa loyauté envers ses partenaires, mais aussi pour sa rancune envers ceux qui changent d'allégeance, surtout après la trahison de Square Enix en 1996. À l'époque, Square avait choisi de lancer Final Fantasy VII sur la PlayStation de SONY, un concurrent direct de Nintendo, en raison des capacités supérieures du support CD pour accueillir les cinématiques et l'univers graphique du jeu, trop ambitieux pour le format cartouche de la Nintendo 64. Cette décision marqua une rupture majeure : Square, qui avait jusque-là été un collaborateur proche de Nintendo, devint un acteur clé pour le succès de SONY.

Lors de la sortie de la GameCube en 2001, Nintendo et Square Enix mirent fin à leur brouille en scellant un accord stratégique : en échange du droit de publier de nouveaux jeux sur consoles Nintendo, Square s’engagea à produire un Final Fantasy exclusif pour la GameCube, centré sur la connectivité avec la Game Boy Advance. Ce partenariat permit à Nintendo de promouvoir sa fonctionnalité de connectivité et à Square de réintégrer l’univers Nintendo, accédant ainsi à une base de joueurs fidèle et à la précieuse licence de développement sur consoles Nintendo, un privilège très convoité dans l'industrie.

La collaboration s'articula autour de la fondation d'un studio spécifique : The Game Designers Studio. Ce département, créé en 2002, bénéficia d'un financement partiel de Nintendo, marquant un soutien rare pour un développeur tiers, visant à garantir la réussite de ce projet exclusif. Square Enix établit le studio sous le nom de sa filiale, montrant la volonté des deux géants de collaborer à long terme pour dynamiser leurs offres respectives.

Final Fantasy Crystal Chronicles est sorti en Europe le 12 mars 2004 sur GameCube, marquant le grand retour de la célèbre série sur une console Nintendo après plusieurs années d'absence (si on ne compte pas l’opus sortie sur Game Boy Advance).

Une terre autrefois paisible où cohabitaient les Lilties, Yukes, Clavats et Selkies, est brusquement plongée dans le chaos après la chute d'un météore destructeur. Le grand cristal, jadis protecteur sacré, a volé en éclats, laissant un mal insidieux, le Miasme, se répandre comme une ombre mortelle, empoisonnant l'air et rongeant les âmes. Chaque village, chaque cité s'accroche à de faibles fragments du cristal, un fragile rempart contre le fléau. Cette quête de survie pousse les villages à envoyer des caravanes d’aventuriers chercher les précieuses gouttes de Myrrhe qui, seules, peuvent raviver temporairement le cristal.

La quête de la Myrrhe, source de purification pour le calice de cristal, devient rapidement un fardeau plutôt qu'une aventure. Chaque année, il faut se lancer à la recherche de trois arbres magiques, ce qui se résume à parcourir trois donjons identiques dans leur structure : on massacre des monstres, on défie un boss, on repart avec un peu de Myrrhe… Pour recommencer la même boucle encore et encore. La fin d'une année n'apporte aucun répit, juste la promesse de nouveaux donjons plus lointains et de traversées de frontières où le Miasme s’intensifie. Ici, il faut adapter le calice au type d’élément qui protège, une mécanique censée ajouter du défi mais qui se réduit à une tâche fastidieuse et sans âme. Au lieu d'un voyage héroïque où chaque nouvelle étape enflammerait l'imaginaire, ce rituel de l'année qui se répète plonge dans l'ennui : la répétition et la rigidité du système volent tout le souffle épique de l'aventure, écrasant l’envie de découvrir cet univers à peine ébauché.

La campagne en solo est un désert de solitude, un anti-épopée où l’aventurier se retrouve tristement réduit à errer seul dans des donjons prévus pour plusieurs. Sans coéquipiers pour l'accompagner, on se retrouve avec un unique personnage qui trimballe son calice de cristal comme un fardeau, sans la moindre dynamique de groupe ni la synergie propre aux équipes de héros. Là où un groupe apporterait une richesse stratégique, le mode solo se contente d'un gameplay plat et sans profondeur, enfermant le joueur dans une boucle de tâches mécaniques. Le jeu semble presque punir ceux qui s'aventurent seuls, comme si l’enthousiasme d’un héros solitaire n’avait aucune valeur dans cet univers. La promesse d'une quête de fantasy vibrante s'effondre alors, laissant l’impression que, sans alliés à ses côtés, il n’y a que vide et ennui au bout du chemin.

La transition vers un style hack'n'slash en temps réel est une déception. Après les combats stratégiques et intenses au tour par tour qui ont fait la renommée des opus PlayStation, ici, l’action directe et sans finesse fait pâle figure. Au lieu de l’anticipation et de la réflexion qui faisaient de chaque affrontement un moment palpitant, on se retrouve à marteler les boutons dans des combats simplistes et répétitifs, sans profondeur ni stratégie réelle (même si des combinaisons de sorts sont possibles). Ce gameplay, aux antipodes des affrontements marquants des autres Final Fantasy, transforme les combats en corvée, une mécanique sans saveur qui ne rend justice ni à la série ni à mes attentes.

Le plus gros problème réside dans ses exigences matérielles, une quête aussi complexe que celle des héros du jeu. Pour profiter pleinement de cette aventure, il ne suffit pas de trouver trois amis motivés, ce qui est déjà un défi en soi, mais aussi de réunir trois Game Boy Advance et autant de câbles de connexion pour chacun d’eux. Un seul câble est généreusement fourni avec le jeu, mais ça reste bien loin de suffire. On dirait que le jeu a été conçu pour des enfants qui, miraculeusement, auraient toujours une bande de copains avec Game Boy Advance à disposition. Pour les autres, l'accès au potentiel multi-joueur est quasi impossible, comme si l’on nous interdisait la porte du temple sacré faute d’amulettes rares en nombre. Et c’est bien dommage, car lorsque tout est en place, le jeu laisse entrevoir quelques éclats de son potentiel, une coopération qui pourrait enfin justifier l’aventure. Mais avec ces contraintes, le jeu reste, pour beaucoup, une aventure inaccessible, plus frustrante que fantastique.

Le système du calice de cristal, qu’on soit en solo ou en multi-joueur, est un véritable fléau qui entrave toute idée d’exploration et d’aventure. Le Miasme, en tant que pirouette scénaristique, se révèle être une contrainte déguisée, forçant tous les joueurs à rester dans une zone bien délimitée, comme s'ils étaient enchaînés par un sortilège. L'absence de séparation d'écran empêche toute forme d'autonomie, ce qui transforme l'expérience en une marche synchronisée et sans âme. Le calice, toujours placé au centre, devient un boulet, et les joueurs qui tentent de s'éloigner se retrouvent rapidement perdus, à chercher désespérément leur personnage dans ce fouillis visuel. Cette restriction fait que l’on ressent une sensation d’enfermement, comme si on était piégé dans une bulle de verre, et trimbaler ce calice devient rapidement une corvée lassante. 

En solo, la présence du Mog, qui se plaint sans cesse du poids du calice, ne fait qu'ajouter à cette lourdeur : non seulement il ralentit notre progression, mais il incarne aussi l’ennui et la frustration de voir un concept prometteur se transformer en une mécanique pénible. Au lieu de vivre une épopée exaltante, on se débat avec des contrôles lourds et une dynamique de jeu qui n'invite ni à l’exploration ni à l’aventure, renforçant l'idée que ce système aurait vraiment besoin d'une refonte totale.

Heureusement, le jeu compense ses lacunes par une direction artistique tout simplement magnifique. Les paysages enchanteurs, les graphismes colorés et les designs des personnages respirent la poésie et la magie, transportant le joueur dans un univers qui, visuellement, évoque les plus belles illustrations d'un conte fantastique. Chaque zone est méticuleusement conçue, avec des détails qui plongent le joueur dans une atmosphère immersive et envoûtante. De plus, la bande sonore est mélodique et envoûtante, accompagnant chaque étape de l'aventure avec des compositions qui renforcent l'émotion des moments vécus. Les thèmes musicaux sont à la fois nostalgiques et exaltants. Ainsi, même si le jeu souffre de nombreux défauts, sa beauté visuelle et sonore nous rappelle que, même dans les moments les plus sombres, il existe une lumière poétique et une mélodie enchanteresse qui valent le détour.

Final Fantasy Crystal Chronicles est un jeu qui, malgré ses belles promesses, peine à captiver pleinement le joueur. Entre un gameplay limité et des contraintes matérielles frustrantes, il laisse souvent un goût amer, surtout pour ceux qui s'attendaient à l'intensité et à la profondeur des opus précédents de la franchise. Bien que sa direction artistique soit éblouissante et sa bande sonore envoûtante, ces atouts ne suffisent pas à compenser les choix de gameplay qui entravent l'aventure. On ressent une profonde déception face à un titre qui aurait pu briller de mille feux, mais qui, au final, se contente de scintiller timidement au cœur d'une expérience trop souvent ennuyeuse. C'est un rappel poignant que même dans un monde fantastique, la magie ne suffit pas toujours à masquer les failles d'une quête mal conçue.

StevenBen
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le 25 oct. 2024

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Steven Benard

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