Schizophrénique
FFXVI est un jeu schizophrénique capable de souffler le chaud comme le froid d'une heure à l'autre. Pour une fois, les bonnes comme les mauvaises critiques sont légitimes, et les exagérations...
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le 5 juil. 2023
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Un retour dans le passé s’impose avec la sortie d’un certain Final Fantasy XV en 2016. Cet épisode ultra attendu sort dans un état en kit catastrophique qui lui vaudra la pire renommée de la série - une célébrité qu’il n’a pas volé et dont on parle encore aujourd’hui comme l’un des plus grands ratés de l’industrie. Seulement voilà, bien que la critique des joueurs n’a jamais été aussi mauvaise pour un épisode de la licence phare de Square Enix, les ventes ont été plus que satisfaisantes et on aura (hélas) droit à de multiples spin-offs autour de l’univers de Final Fantasy XV.
Revenons dorénavant en 2023. Square Enix sort le fameux Final Fantasy XVI. L’épisode qui doit raviver la flamme auprès des fans qui auraient quitté le navire avec FF15, mais aussi qui doit conquérir un nouveau public : plus large et moins niche. C’est Naoki Yoshida qui est appelé à la tâche. C’est à lui que l’on doit le MMORPG Final Fantasy XIV qui gît d’un succès formidable encore aujourd’hui. Le pari est lancé et FF16 voit le jour.
Cette nouvelle histoire conte la vie de Clive Rosefield ainsi que de son frère Joshua. Je tenterai de ne rien spoiler du tout vis-à-vis du scénario ni même en faire un synopsis. Afin de ne rien gâcher, je vais me contenter de dire que l’histoire tourne autour du thème de la revanche. Clive, notre jeune protagoniste, aura à affronter de lourdes pertes et se mettra à la recherche de vérité. Comme tout Final Fantasy, il y aura du drame, de l’amour, de la magie, bref absolument rien de nouveau. Les fans de JRPG seront rodés sur ce qui les attend. Le jeu se déroule dans une ère médiévale et si vous souhaitez en savoir plus sur le scénario, une démo gratuite est disponible sur le PlayStation Store.
Première chose frappante : la série passe à un niveau supérieur grâce à la puissance de la PlayStation 5. Bien que le jeu ne tienne pas tout le temps les 60 FPS, c’est une véritable beauté et vous serez émerveillé par les très nombreux effets visuels aussi bien en cinématiques qu’en combat. Pas de doute, il s’agit du plus beau Final Fantasy jamais sorti et les promesses des fondateurs mythiques de la série semblent avoir été dépassées. Cette licence a toujours atteint le nec-plus-ultra de la technologie et Final Fantasy XVI ne déroge pas à la règle.
Dans tout ce feu d’artifice visuel repose un scénario riche en rebondissements et dont on pourra soupçonner une certaine ressemblance avec Game of Thrones. Ce n’est pas nécessairement mauvais puisque le jeu est riche en moments d’anthologie et de combats défiant toutes les préconceptions que vous pouvez imaginer. Encore une fois, je ne rentrerai pas dans les détails pour ne rien gâcher mais les combats de boss vont vous rester en tête des jours durant. Le gameplay de FF16 n’est cependant pas parfait et se repose souvent sur ses lauriers. On oublie les mécaniques de JRPG habituelles, ici, on est plus sur du Devil May Cry. Il s’agit de mash les différentes combinaisons de boutons pour utiliser les compétences élémentaires de Clive. Les affrontements de boss bien que visuellement incroyables sont criants de facilité et ne sont finalement que des cutscenes déguisées et régulièrement ponctuées de QTE. Certains boss ont néanmoins des patterns funs et on prend un plaisir à vivre ces combats globalement très réussis malgré le manque de challenge indéniable.
Pour quelqu’un aimant les jeux d’action et les grands spectacles, FF16 saura vous apporter ce qu’il vous faut et bien plus. Pour les aficionados du genre, le repas servi est bien maigre et on sortira déçu de l’expérience proposée par son manque de complexité. Petite note à part pour l’OST du jeu. Les Final Fantasy ne déçoivent jamais de ce côté là et FF16 ne déroge pas à la règle, on est ici dans le haut du panier du genre. Cela dit, le jeu manque malgré tout de thèmes mémorables et en dehors du thème de Phénix « Away », les autres pistes sont un régal mais ne feront probablement pas parti des grands hits de la série. Une excellente OST, mais pas à la hauteur des mythes de cette saga.
Le tableau peint jusqu’à maintenant est somme toute très positif et l’histoire du jeu m’a vraiment pris aux tripes, tout comme son casting mature et varié. C’est le point qui m’effrayait le plus avant de me lancer dans l’aventure, n’étant pas fan de ce genre de setting médiéval, mais j’ai été très surpris. L’accent sur les personnages est plus prononcé que je ne le pensais, s’en résulte ici une histoire globale de qualité. Mais… il y a un « mais », et je pense qu’il est temps d’aborder les points qui fâchent.
FF16, c’est un jeu bipolaire qui bascule entre l’excellence et la médiocrité pendant 35h. L’excellence se trouve dans la nervosité et la mise en scène des combats de boss, les twists scénaristiques, les musiques sympas, le casting du jeu attachant, les environnements visités... La médiocrité, malheureusement, c’est presque tout le reste. Le jeu brille quand il se concentre sur l’intrigue principale mais retombe dans la médiocrité quand il essaye d’introduire des intrigues annexes. Vous passerez deux heures absolument grandioses, puis s’en suivront deux autres heures d’un ennui sans nom.
Je reviens rapidement sur l’implication de Yoshida dans le développement de ce FF16, car ce détail est majeur pour la suite de ce test. Je mentionnais que ramener ce producteur était un pari de Square Enix de refaire vivre la série principale des Final Fantasy sous un meilleur jour, comme l’a fait Yoshida avec le MMORPG Final Fantasy XIV dont il est le directeur et producteur. Le constat est simple : selon moi, c’est une erreur de casting et le résultat est mauvais. J’irai même jusqu’à dire que l’essence même de Final Fantasy XVI est bâclée par l’implication évidente de Yoshida. Ironique puisque cet homme est à l’origine de ce jeu. Je m’explique.
La moitié de ce que FF16 fait, il le fait en respirant du FF14. C’est simple, le jeu est divisé en deux parties qui alternent à tour de rôle pendant l’entièreté du jeu. Nous avons l’avancement de l’épopée (terme dans FF16 qui est directement pompé de FF14), qui elle se concentre principalement sur le scénario et la quête de Clive. Rien à dire sur cette partie de jeu, c’est pour moi là où se trouve l’excellence de FF16. La tension est toujours à son comble, les personnages interagissent de manière intelligente et les environnements sont pour la plupart magnifiques… malgré un grand manque de variété et une certaine répétition de lieux typés médiévaux sans grande inspiration.
Puis, il y a cette seconde partie de jeu que constituent les retours au Repaire de Cid. Toute cette partie est ni plus ni moins que FF14 2.0. Les quêtes sont d’un ridicule affligeant, et n’apportent rien au scénario pour les 80% d’entre elles. C’est à noter aussi qu’elles sont si rigides qu’on se croirait sur un jeu PS2. Le jeu force le joueur à faire des allers retours constamment pour parler à des personnages qui n’ont souvent rien à dire et qui dirigeront Clive de nouveau vers d’autres personnages, telle une boucle qui semble sans fin. Si tout cela n’était lié qu’aux quêtes annexes, j’imagine que j’aurais pu être moins difficile. Mais non seulement toutes les missions annexes sont affectées, mais surtout les quêtes du scénario principal également. On appréciera que la qualité de la narration de ces quêtes annexes soit rehaussée sur la petite dizaine de quêtes débloquées juste avant le boss final. Malheureusement, la mécanique restera la même et toujours aussi mauvaise - le jeu utilisant souvent l’éther pour justifier le “contenu optionnel”.
Ce Repaire de Cid qui fait office de hub central est une purge qui ralentit tout le rythme du jeu et qui prend un temps fou à compléter lors de chaque session. Pour une raison inconnue, il est également impossible de courir dans cet endroit (comme dans tous les villages du jeu) ce qui rend chaque déplacement fastidieux. Des points de téléportation rapide auraient été capitaux pour améliorer l’expérience. Les rares quêtes annexes intéressantes symbolisées par un symbole + sont très peu nombreuses et toutes les autres se résument à faire le livreur FedEx à travers Valisthéa, le monde de FF16. Ne vous attendez pas à ce que vos quêtes aient le moindre impact sur le scénario, il s’agit littéralement des mêmes quêtes que FF14, dont le petit jingle après les avoir acceptées nous rappelle que Yoshida est derrière tout ça. Il faut inspecter des objets via une commande séparée des dialogues, il faut parler à 7 personnages avant que la quête ne commence, il faut tuer des monstres random, ramener des ingrédients ou des matériaux pour des personnages qui se reposent constamment sur Clive. Si vous avez joué à FF14, c’est exactement la même chose, sur tous les points.
Pour synthétiser, le jeu se passe la moitié du temps dans le Repaire de Cid. La moitié du jeu est donc selon moi complètement ratée et c’est un constat terrible sachant que l’aventure principale qui fait progresser le scénario est une fière réussite. Il y a des tentatives d’ajouter du lore à FF16 via ces quêtes, mais ce qui fonctionne sur un MMORPG comme FF14 ne fonctionne pas dans un jeu solo comme FF16. Yoshida semble vouloir reproduire une expérience similaire à son jeu à succès sans remettre en question la validité de ces quêtes au sein d’une expérience solitaire. Ce même lore ne nous est pas donné subtilement, mais au contraire, il nous est balancé à la figure jusqu’à que cela devienne indigeste. Terrible désillusion.
Si cela n’était pas assez, on a hélas d’autres ratages qui cassent l’immersion du jeu. Tout d’abord, cette manie de vouloir rappeler que c’est un jeu adulte à tout prix. Le nombre de références à l’alcool, le sexe et le sang dans le jeu est rarement justifié et souvent sont là juste pour nous rappeler qu’on joue à un jeu 18+. Au final, le propos du jeu reste dans la veine des autres jeux de la série et pas plus choquant que d’autres RPG plus grands public.
Puis, (SPOILER potentiel), la disparition d’un certain personnage avant le deuxième time skip. Cela aurait pu être touchant si la clope au bec + le thème joyeux ne venait pas de ruiner tout le potentiel émotionnel de cette scène.
Un énième point qui m’a embêté, l’identité de l’émissaire du feu sous sa mystérieuse capuche. Cela passe crème dans un Kingdom Hearts car c’est un jeu goofy (sans mauvais jeu de mots) et cartoonesque qui ne se prend pas toujours au sérieux. Dans un FF16 qui se veut résolument adulte, c’est d’un ridicule sans nom et cela ne fonctionne pas.
FF16, c’est l’histoire d’un jeu vidéo qui a le cul entre deux chaises. Il ne veut pas assumer sa linéarité en ajoutant quelques zones ouvertes d’un vide similaire à l’insipide FF15, tout ça pour y ajouter des quêtes avec un intérêt proche du zéro. C’est aussi un problème d’identité. Le jeu a l’ADN d’un jeu japonais dans le corps d’un jeu occidental. C’est un grand shonen qui se veut être un (faux) seinen en suivant des codes occidentaux et en gardant les rouages qui ont fait marcher FF14. Le tout résulte en quelque chose d’incohérent et peu crédible. Un espèce de melting pot indigeste qui va dans tous les sens sans trouver de vraie direction claire.
Enfin, la qualité de la localisation française. Je jouais au jeu avec les textes français mais avec les voix anglaises. La traduction est à côté de la plaque entre ces deux langues. La localisation anglaise replaçait bien mieux le contexte et avait une petite subtilité dans les dialogues, notamment ceux avec Cid, l’un des personnages principaux, hilarant en anglais. Le contexte parfois subtil de la traduction anglaise se perd en français et cette version se veut parfois TROP précise pour en comprendre le sens, ou bien trop vague pour comprendre ce que le jeu voulait dire. Le jeu en français est trop calqué sur la version japonaise et les localisateurs n’ont pas réussi selon moi à recontextualiser les situations du jeu correctement. Il serait temps que Square puisse s’accorder sur une traduction occidentale unique car c’était déjà un vrai problème dans Final Fantasy VII Remake (bien moins marqué et choquant en revanche).
Après tout ça, ai-je aimé Final Fantasy XVI ? Et bien, contre toute attente, oui, je l’ai aimé. J’ai aimé ces passages incroyables que je m’empressais d’aller regarder de nouveau sur YouTube après les avoir vécus. Ces nombreux passages émouvants dans les moments forts du scénario. Les combats de boss que j’ai trouvé funs et réussis. Mais je ne vais pas cacher que la frustration était présente et désagréable. Quand je terminais un gros boss, j’anticipais déjà mon retour au Repaire pour plusieurs heures. Dans absolument chaque cas, sans exception, ce fut un ratage complet, et je posais le jeu pour reprendre la corvée du Repaire de Cid le lendemain.
Le potentiel était là, les ingrédients étaient presque réunis pour en faire un jeu d’exception. Malheureusement, FF14 aura eu un impact un peu trop conséquent sur le développement de ce Final Fantasy XVI, et Yoshida aura réussi d’une main de maître à saboter sa propre œuvre. Peut être que la prochaine sera la bonne, Square Enix.
Créée
le 23 août 2023
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