Schizophrénique
FFXVI est un jeu schizophrénique capable de souffler le chaud comme le froid d'une heure à l'autre. Pour une fois, les bonnes comme les mauvaises critiques sont légitimes, et les exagérations...
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le 5 juil. 2023
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Cette critique est publiée avec un petit temps de décalage et correspond à la sortie PC du jeu. J'ai donc pu lire à l'époque de la sortie console quelques avis par ci par là sur ce nouveau FF16 à la sauce Naoki Yoshida, et constater à cette occasion, une fois n'est pas coutume, un décalage important entre la perception des testeurs dit "professionnels" et des joueurs.
Alors autant le dire d'emblée, ce Final fantasy 16 est effectivement très loin d'être "exceptionnel" ou "ouf", il est même plutôt médiocre de mon point de vue. Étant un grand admirateur de la série de Squaresoft depuis ma découverte de Final fantasy 7 il y a maintenant 27 ans (aie ça pique), mais aussi conscient du délitement progressif de la saga au fil des épisodes que je daterais à l'après FF10 (FF14 mis à part), je n'ai pas été très surpris, même si j'espérais au vu des trailers et de l'univers plus sombre proposé un voyage à minima dépaysant. Mais non, mon parcours à partir d'une vingtaine d'heures de jeu ne fut qu'un chemin de croix émaillé de pause plus ou moins longues pour atteindre laborieusement la fin du jeu et le NG+ que, évidemment, je n'ai pas fait, mon masochisme de joueur acharné et nostalgique ayant ses limites. Il faut bien reconnaître néanmoins que si j'ai quand même tenu jusqu'au crédits de fin, c'est donc que ce FF16 devait bien avoir quelques qualités parmi ses très nombreux défauts.
L'une d'entre elle tient tout d'abord à une direction artistique qui sans être originale est maitrisée. Les environnements de Valisthéa sont pour la plupart magnifiques, notamment les panoramas des villes où résident les cristaux mères. Le bestiaire du jeu est aussi une réussite malgré une tendance un peu trop prononcé au recyclage. On retrouve des créatures emblématiques de l'univers FF avec un design plus "mature", détaillé et complexe qui flatte la rétine. Les personnages quant à eux sont assez inégaux, notamment le personnage principal, Clive, que je trouve assez quelconque. Le problème vient plutôt du design "MMO" des PNJ qui est vraiment très pauvre et générique. Mais le réel point fort du jeu tient dans les émissaires et les différentes invocations. Ifrit, Phénix, Shiva, Bahamut, Odin, Garuda, Titan...On sent que le paquet a été mis sur ces créatures qui forment la trame narrative principale du jeu.
Car l'autre grande réussite du titre de Square tient essentiellement dans la mise en scène des combats de primordiaux. Cette dernière est immersive, spectaculaire et touche parfois au jouissif (ahhh le combat contre Bahamut). A ce moment le jeu en fait des tonnes dans l'excès d'effets, et ça marche plutôt bien, même si parfois c'est un peu "over the top". Ces combats d'engeances titanesques sont accompagnés par les musiques aux accents épiques de Masayoshi Soken qui sont efficaces sans être marquantes, exception faite du magnifique "Away" qui sort clairement du lot avec ces percussions, ces mélanges de chœurs martiaux et ces stridences de violons.
L'histoire quant à elle n'est pas déplaisante à suivre (certains personnages tel que Jill ou Cid sont attachants et disposent d'un très bon doublage en anglais) même si cette dernière manque au fond d'originalité sans les primordiaux et se laisse suivre comme un gros blockbuster hollywoodien (C'est gras, ça tâche sur le tricot mais ça passe). Le gros point négatif vient plutôt de la manière dont cette histoire est racontée dans le jeu. La narration est ici très fonctionnelle, paresseuse et stéréotypée, ce qui a eu tendance à me faire sortir de l'histoire et de ses enjeux à de nombreuses reprises. Pour le dire autrement on voit un peu trop les ficelles, les différentes quêtes sont amenées trop schématiquement et manquent vraiment de liant avec le reste de l'univers proposé. Sans compter que certaines sont peu intéressantes narrativement (je me suis retrouvé plusieurs fois à passer les dialogues par lassitude ce que je ne fais jamais d'habitude dans un jeu de ce type).
Pour conclure on pourrait dire que la direction artistique comme l'histoire empruntent plus ou moins finement à de nombreuses références de la fantasy occidentale (Game of throne, The Witchers) en s’éloignant de l'univers FF sans vraiment trouver une identité propre. En résulte un jeu artistiquement beau c'est indéniable mais dont se dégage une certaine fadeur. Il ne reste finalement de FF que quelques marqueurs pour contenter les fans sur la forme (les créatures, les invocations, les chocobos, les cristaux) mais dans le fond le jeu ne retombe jamais sur ses pieds en proposant un univers esthétiquement singulier et atypique (à la manière par exemple d'un Nier ou d'un Metaphor Refantazio pour citer un JRPG récent).
Venons en maintenant aux deux gros points noirs du jeu qui se sont évertués à tester ma patience le long des 50 (longues) heures qu'il m'aura fallu pour venir à bout de ce FF16.
L'exploration et le level design en premier lieu. Que l'univers de FF16 est vide et creux ! Le monde que l'on nous propose de parcourir est comme atrophié. On navigue de point d'intérêts en points d"intérêts sans aucune sensation d'exploration. Le jeu se divise en plusieurs zones qui se connectent progressivement entre elles mais il n'y a rien à y faire à par combattre les paquets de monstres placés ça et là sur une carte vide. Belle mais vide. Aucun objet important à découvrir pour récompenser la curiosité (le loot bon sang !), aucun passage secret, un level design d'une pauvreté affligeante fait d'une suite de murs invisibles, de couloirs, d'un compagnon loup qui te montre tout, de grosses flèches indicatrices pour certains passages et de zone semi ouvertes artificiellement connectées sans rien à y faire. Et bien sûr un saut qui ne sert à rien puisque l'on ne peut sauter nulle part. On s’ennuie profondément à parcourir ce monde ou ne se dégage aucune sensation d'immersion, aucune vie, aucune matérialité. Alors oui les paysages et les villes sont magnifiques mais on ne peut pas aller autre part que sur la voie linéaire tracée par le jeu. C'est frustrant au possible. Cette ville gigantesque que surplombe un cristal millénaire? Ces chutes majestueuses plongeant dans un ravin? Ce cratère sans fond? des cartes postales. De la poudre aux yeux rien de plus. On ne peut rentrer dans quasiment aucun bâtiment, il n'y aucune interaction avec les décors et seulement avec les PNJS qui donnent des quêtes secondaires indigestes et digne d'un MMO des années 2000. Et quant on peut aller quelques part (oh la belle tour de guet au loin) il n'y a rien si ce n'est un coffre avec une pauvre potion...De ce point de vue FF16 est l'antithèse du magnifique Dragons Dogma 2 sortie cette année mais aussi de n'importe quelle titre de Fromsoftware, ces jeux plaçant l'exploration et le sentiment de découverte au cœur de l'expérience du joueur.
Oui mais pourquoi comparer FF16 à ces jeux d'action aventure teintés de RPG? Les FF ce sont des RPG non ? Et bien non, c'est terminé, FF16 poursuit la mutation amorcée dans l'opus 15 pour devenir un pur jeu d'action ou les éléments de RPG sont inexistants. Est-ce un problème? Oui dans une certaine mesure, puisque l'identité de la série est complètement dissolue, mais cela aurait pu être acceptable si FF16 était un bon jeu d'action d'aventure, ce qui n'est clairement pas le cas.
Car outre la pauvreté de son level design FF16 souffre de gros problèmes dans son système de jeu mais aussi dans son gameplay.
Commençons par le système de jeu. On se demande encore l'intérêt de garder une montée en niveau puisqu'il n'y a aucun build basé sur les caractéristiques possibles. Les armes et armures ? Une grosse dizaine tout au plus qui sont mises à jour chez le marchand au fur et à mesure de la progression. Et ces dernières ont justes des caractéristiques (deux: la force et la magie) plus puissantes, rien de plus. On ne gère donc absolument rien, ce qui n'est pas très motivant et écorne grandement l'intérêt d'enchainer des combats soporifiques.
Alors oui le système de combat concocté par les développeurs de Devil May Cry est une réussite technique on ne peut pas dire le contraire. Pour résumer à chaque primordial abattu Clive récupère des compétences de primordiaux qu'il pourra utiliser en combat via 3 sets possibles de 3 compétences que l'on peut enchainer avec des cool down différents suivant la puissance de l'attaque.
Il en résulte que les combats sont nerveux, les compétences s'enchainant avec fluidité et c'est assez grisant. Du moins les premières heures avant que le bat blesse. Car ce système abouti sur le papier est entaché par des choix de développement qui le rende soporifique au possible. Parce que ce système est faussement profond et stratégique d'une part, qu'il ne permet que très peu de variété dans le choix des combinaisons d'autre part et que le tout est rendu beaucoup trop facile pour créer un réel enjeu.
De mémoire je crois que je ne suis mort que deux fois dans toute ma partie, et seulement par lassitude. Sans demander à FF de devenir Dark souls, il faut bien avouer que ce constat est problématique. Car un jeu trop facile c'est un jeu sans enjeu. Quand on ne risque rien et que l'on est par la force des choses invincible, les combats n'ont pour ainsi dire aucun intérêt, encore plus s'il n'y a aucune récompense intéressante à la clef et aucun build de personnage à faire. Les combats sont donc beaucoup trop simple du fait de plusieurs éléments: une parade complètement abusive qui permets de quasiment tout esquiver (après avoir fini le boss final du dlc d'Elden ring en crachant du sang ça fait bizarre !), des potions en surnombre partout et qui reviennent remplies si l'on meurt avec le boss qui revient à la moitié de sa vie. Si on rajoute le clébard qui soigne ça commence à faire beaucoup. D'autant plus que les seuls combats qui demandent plus de deux neurones sont les combats de boss (et encore), les trash mobs peuvent être occis sans problème en fumant une clope en même temps.
A ce très gros soucis de difficultés s'ajoute l'inexistence de réel stratégie dans les combats et l'absence de variété de ces derniers. Car les ennemis tout comme les armes n'ont pas de spécificités/ résistance élémentaire ou autres "subtilités" de ce genre. Du coup la manière d'aborder les combats est toujours la même. Alors oui on peut débloquer des compétences pour tenter des combinaisons mais...ces compétences ne se débloquent que très tardivement dans le jeu, et de toute façon l'on ne dispose pas d'assez de point pour les débloquer afin de les combiner. Pour ça il faut faire le NG+. Donc pour synthétiser le tout on se fait ch... 50 heures sur des combats répétitifs et sans intérêt en utilisant toujours les mêmes compétences pour que l'on nous propose à la fin des fins de refaire tout le jeu pour débloquer des combinaisons inaccessibles dans l'aventure de base ? Pareil pour la difficulté NG+ appelé "fantaisie finale" qui promet des ennemis plus coriaces. Vous n'auriez pas pu le proposer dès le début histoire qu'on s'amuse juste un peu ?
Ce système de jeu trop accessible et répétitif gâche le peu de contenu annexe du jeu. Si on a envie de zapper les combats, pourquoi irait on faire des quêtes insipides pendant 10 à 15 heures de plus pour des récompenses minables ? Chasser des monstres légendaires ? J'ai battu le plus fort d'entre eux du premier coup avec 10 niveaux de moins...Quel intérêt ? On joue à un jeu vidéo ou l'on regarde un film interactif passable ?
Cette dernière remarque emprunt de déception me donne l'occasion de développer ce qui fait pour moi le paradoxe du jeu et qui sans doute explique en partie que ce dernier est largement surcoté: FF16 reste un triple A qui dispose d'une mise en scène spectaculaire (voir grandiose à certains moments) et d'une direction artistique disons solide même si loin d'être exempts de tout reproche. C'est un jeu qui sur le papier semble tenter un certain nombre de choses, que ce soit dans son gameplay ou dans le déploiement de son univers et de ses enjeux qui dénotent avec ce qui a pu se faire par le passé dans les précédents opus. Et pourquoi pas si le pari avait été réussi mais ce n'est malheureusement pas le cas ici. Car si le jeu dispose de qualités artistiques indéniables même si discutables, ces dernières ne suffisent pas à pallier le manque cruel de profondeur de l'univers de FF16, que ce soit dans son level design et son exploration ou bien encore dans son système de jeu.
En résulte un étrange objet ou le banal voire le très mauvais côtoie le sublime (bien trop rarement). Mais à la fin c'est bien l'ennui et le déception qui gagne et un doute qui se fait certitude: la fantaisie a bel et bien disparue. Et c'est un peu triste.
Créée
le 5 oct. 2024
Modifiée
le 26 oct. 2024
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