Sorti dans un relatif anonymat, Metaphor Refantazio, le nouveau titre de Atlus, est indéniablement l'un des grands jeux de cette année 2024.
Avec son titre qui résonnera peut être chez certains comme un pied de nez à l’insipide et aseptisé Final Fantasy 16, dernier né d'une saga moribonde, nous sommes face à une œuvre possédant de grandes qualités artistiques et narratives adossées à un système de jeu profond qui peaufine la recette élaborée par Atlus au fil du temps avec la série des Persona. Du très bon donc, même si ce Metaphor n'est pas exempt de tout reproches.
On ne va pas y aller par quatre chemin: Metafor Refantazio est artistiquement magnifique: Du design des personnages et des monstres aux environnements urbains en passant par les menus tout respire le talent, l'originalité et l'inspiration. Et que dire de l'OST de Shoji Meguro, l'une des plus marquante qu'il m'est été donné d'écouter ces dernières années, et qui participe à rendre ce titre unique. De nombreuses références à l'imagerie occidentale, de l’impressionnisme à la renaissance ou encore aux peintures de Jerôme Bosh pour le design cauchemardesque des créatures sont convoqués tout au long de l'aventure à mesure que Methaphor Refantazio nous dévoile son univers enchanteur. On regrettera cependant que le soin esthétique apporté au titre d'Atlus ne se retrouve pas dans les environnements extérieurs et les donjons, assez pauvre et très classique dans leur construction. On pourrait aussi signaler la technique relativement datée du titre, même si cela n'affecte pas l'expérience proposée d'un point de vue émotionnel ou ludique.
Le récit proposé par Methaphor Refantazio, sans trop divulgâcher, traite de thématiques profondes et matures, tel que le racisme, le cynisme de la religion instituée ou bien encore l'hybris du pouvoir et la manipulation des masses. L'ensemble est surplombé par un discours plus philosophique à travers une mise en abime de l'acte de création et une croyance forte dans les puissances de l’imaginaire comme moteur de l'histoire dans ses multiples dimensions: littéraire, mythique et historique. Le discours sur la tolérance et l'amitié pourra sembler un brin naïf, mais il est tout de même contrebalancé par une fin plus ambivalente que ce que les péripéties laissaient présager au départ. On pourra néanmoins reprocher à ce presque sans faute un problème de rythme dans la narration, qui dans son dernier tiers file à toute vitesse vers un dénouement un peu trop attendu et manquant de densité par rapport à la promesse du propos initial.
Ces choix narratifs et esthétiques peuvent ainsi se lire sous une double lecture: D'une part celle d'un discours politique engagé sur l'époque contemporaine à travers la critique d'un certain obscurantisme incarné par la xénophobie et la tentation autoritaire de nombreuses démocraties, mais aussi d'une certaine rationalité aveugle dans le progrès technologique. D'autre part une lecture artistique plus orientée sur l’industrie du jeux vidéo elle même, invitant cette dernière à retrouver sa capacité à raconter des histoires narrativement et émotionnellement complexes et créer des univers esthétiquement singuliers.
Une autre grande force de Methaphor Refantazio est bien, au delà de sa réussite artistique qui émerveille à chaque instant, son système de combat, d'une grande profondeur stratégique qui ravira tout les amateurs de JRPG. Ce système se base sur les apports de la série des Personna, en en reprenant les grands principes, voire en les améliorant sur certains aspects. Sans rentrer trop dans le détail et laisser la surprise à ceux qui voudrait plonger dans le titre d'Atlus, disons que le jeu est construit autours d'un système d'archétype disposant chacun de compétences uniques que l'on peut débloquer et associer à d'autres archétypes, donnant ainsi une grande permissivité dans la construction de ses personnages et une dimension très tactique aux affrontements. L'idée étant de trouver les meilleurs combinaisons possibles. A cela s'ajoute un système d'affinités élémentaires et de faiblesses ennemies à enclencher pour gagner des tours de jeu supplémentaires, rendant les affrontements très rythmés et cornéliens dans les choix qu'il faut faire pour prendre l'avantage. La seule limite que l'on pourrait trouver à ce système tient à mon avis sur le déblocage des archétypes finaux, sorte de "super archétypes" nécessitant d'avoir débloquer des archétypes spécifiques auparavant. Cela amène à rendre la progression plus linéaire et la construction archétypale plus dépendante de chaque archétype de base pour les personnages. Même s'il reste toujours possible de faire ce que l'on veut, on est fortement incité ici à choisir la voie tracée par le jeu. Reste que Le système de combat de Methaphor Refantazio est très riche et d'une difficulté redoutable si l'on ne prend pas la peine de le comprendre, proposant ainsi un vrai défi aux joueurs. La copie serait donc presque parfaite si encore une fois la conception des donjons ne posait pas problèmes. Ces derniers disposent en effet d'un level design en couloir beaucoup trop pauvre et dont la construction se répète à chaque lieux parcouru. On peut aussi regretter le manque de diversité des ennemis et le recyclage très limite des boss, qui aussi réussis soient-il, sont trop peu nombreux.
Le reste du système de jeu est lui aussi très abouti. Les personnages sont tous travaillés et attachants, possédant chacun une histoire qu'il s'agira d'approfondir via un système d'affinités relié de manière intelligente à la progression dans le jeu puisque chaque pallier d’affinités débloquées amènera de nouvelles possibilités tactiques. On ressent également une vrai sensation de voyage et de durée grâce à l'existence d'un calendrier et d'un temps limité pour effectuer les missions mais aussi par le système de déplacement par étape/feux de camps et l'impression de parcourir un monde dense et cohérent aux environnements variés. La seule limite à ce système étant le endgame qui ne m'a pas laissé assez de temps pour développer toutes les affinités et débloquer tout les archétypes. C'est dommage, car à aucun moment le joueur n'est sensé savoir qu'il dispose d'un nombre de jours limités à la fin du jeu, notamment pour farmer au besoin afin de développer ses personnages à l'envie. Ce choix de gamedesign frustrera à mon avis un certain nombre de joueurs, et encore plus ceux qui ne seront pas bien préparé à l’affrontement final, assez retors. Enfin signalons dans le même ordre d'idée un nombre de quêtes secondaires trop limitée de mon point de vue.
Pour conclure on peut dire que ce Metaphor Refantazio est une grande réussite tant artistique que vidéoludique. Nous avons là l'un des meilleurs jeux de cette année, et sans doute l'un des meilleurs JRPG de ces dernières années. Avec le recul on peut se dire qu'on est pas passé loin d'un très grand jeu, la faute à un manque d'aboutissement de certains aspects du titre, et notamment de son dernier tiers trop vite expédié. Malgré ces quelques points en clairs obscurs qui n'ont en rien entamé le plaisir de parcourir son univers, Atlus a réussi son pari entamé depuis les premiers Personna, celui de ré-enchanter un genre qui peinait à se renouveler, en nous offrant une nouvelle fois une proposition magnifique et exigeante au sommet de son art.