Metaphor: ReFantazio
7.7
Metaphor: ReFantazio

Jeu de Studio Zero et Atlus (2024PlayStation 5)

Metaphor ReFantazio.

Sous cet intitulé un peu abscons se cache le dernier J-RPG de chez Atlus, éditeur prodigue à qui l'on doit (entre autres) la sulfureuse saga des Shin Megami Tensei et son spin-off pour ados, les fameux PersonHURLEMENT DE L'AME. LA CRITIQUE GAGNE SIX ACTIONS.

Attaque de taille.

Attaque de mêlée.

Buff de puissance.

Attaque groupée.

Altération d'état.

Attaque magique de type Vent.

Your turn.

« Sous cet intitulé un peu abscons », disais-je, « se cache le dernier J-RPG de chez Atlus, éditeur prodigue à qui l'on do--HURLEMENT DE L'AME. LA CRITIQUE GAGNE SIX ACTIONS.

Buff de défense.

Tiger Uppercut

Power Wave

Big Bang Attack

Veau shoot

Merguez Party

Your turn

« Sous cet intitulé un peu abscons se ca--HURLEMENT DE L'AME. LA CRITIQUE GAGNE SIX ACTIONS.

HAAAAAAAAAAAAAAAAA !!!!!

Tu l'entends, ça, le jeu ? TU L'ENTENDS ? C'est un hurlement de moi-même, et ça veut dire que tu ne vas pas tarder à te retrouver dans un bac d'« occase » de chez Micromania !

Hurlement de l'âme (à ne pas confondre avec Hurlements de Lââm, qui équivaut à la sortie d'un nouvel album. Mais bon, je vous accorde que la vanne n'est plus trop d'actualité). Non mais sérieux. Qui a laissé le stagiaire bidouiller les réglages ?

Le monstre, son attaque, c'est de se rajouter gratuitement des attaques. Sans contrepartie.

La dernière fois que j'ai vu un truc pareil, c'était au Sénat.

Dans Bravely Default, encore, il y avait un cooldown derrière mais là non, c'est les soldes : pour un coup acheté, six coups offerts. Tu doses ton combat bon gré mal gré et tout à coup, comme ça, le monstre découvre qu'il peut envoyer les règles du combat les plus élémentaires se faire f*utre et passer en Super Saiyan.

Mais ouais mais allez mais vas-y, fais-toi plaisir, jeune scolopendre, marave-moi la face à coups de pinces, holala, pardon si j'essaie de jouer, hein, je pensais que j'avais acheté le JEU pour ça mais visiblement, j'avais tort, c'est pas l'Astrobot de pépé-mémé ici, on n'est pas là pour s'amuser ! Excuse-moi d'avoir mis sur pied une stratégie, hein, je pensais qu'on était dans un J-RPG sérieux, moi, pas dans un jeu sur smartphone blindé de RNG aux probas falsifiées. Oui, allez, c'est bien, vise mes faiblesses en plus, je te dirais rien, si ça te permet de grappiller quelques actions supplémentaires, tu aurais tort de te priver ! En plus j'avais que ça à faire, te regarder lancer des attaques quatorze fois d'affilée en priant le dieu du random. C'est fascinant, vraiment, toutes ces animations où je m'en prends plein la tronche pour pas un rond sans pouvoir les accélérer ni rien, ça a quelque chose d’hypnotique. De zen, même, d'une certaine manière. J'entends même les mantras.

Le truc est tellement pété qu'on se croirait dans Yu Gi Oh.

Mais si, vous savez : « I Summon Pot of Greed to draw three additional cards form my deck ! »

(laissez tomber, c'est du japonais, vous pouvez pas comprendre).

Ou quand quelqu'un au gouvernement vote sa propre augmentation de salaire.

Et alors la question à 100000 reeves : pourquoi on ne l'a pas, nous, cette compétence-là ?

C'est pas comme si on était, genre, je sais pas, moi, LES P*TAINS DE HEROS DE CETTE AVENTURE ?!

Le moindre truc vert un peu bodybuildé maîtrise la technique avant même le niveau 10, mais nous, avec cinq ou six fois plus de niveaux et des avatars cosmiques de l'espace avec jantes alliage et climatisation de série, rien ?

C'est blessant, Atlus. Très blessant. Spéciste, même, je dirais. C'est de la discrimination.

Ha non, pardon, c'est vrai : A LA FIN DU JEU, grâce à notre Archétype ULTIME, on débloque la compétence, sauf que nous on ne peut l'utiliser qu'UNE FOIS par combat et qu'elle nous coûte LA MOITIE de nos points de magie (ou pas loin).

Alors que le moindre petit gobelin de m*rde, là, avec son collier en os et son pagne de quatre jour, lui il enchaîne à volonté.

Et c'est là qu'on voit qu'ils sont pas futés, les monstres, parce qu'ils n'utilisent « Hurlement de l'âme » qu'une fois par tour, alors qu'ils n'auraient qu'à en pousser un nouveau à chaque fin de cycle pour se rajouter autant d'actions supplémentaires et nous punir jusqu'à la fin des temps. C'est Coubertin de leur part, c'est bien.

Mais oh, moi, j'aurais été le héros, j'aurais viré mes camarades manu militari, engagé une troupe de gobelins de base que j'aurais payé en lamelles de viandes séchées, je les aurais envoyé en première ligne et ce faisant, j'aurais inventé le mouvement perpétuel dans la catégorie coups de latte. 

OUI. OUI LOUIS J'AI QUARANTE DEUX COUPS CE TOUR-CI ! ET ALORS ? QU'EST-CE TU VAS FAIRE ?

Après, pour être tout à fait juste, il faut bien reconnaître que la plupart du temps, les ennemis sont des paillassons, alors il faut bien ça pour qu'ils nous rendent la politesse, si rageant que ce soit sur le moment.

Parce qu'avec un bon stun et l'exploitation des faiblesses de l'adversaire, on peut facilement lui prendre seize tours avant qu'il puisse, peut-être, commencer à envisager de contre-attaquer – s'il en reste quelque chose. Autant dire qu'on comprend qu'elle hurle, son âme, hein, j'en fais autant quand je joue à un From Software.

C'est le paradoxe de ce Metaphor, dont le système de jeu est particulièrement efficace, parce que particulièrement dynamique, mais déséquilibré de partout, ce que les programmeurs sont obligés de compenser par d'autres déséquilibres encore, comme s'ils jouaient à une version non-Euclidienne de Jenga avec Cthulhu. Ce qui, concrètement, fera que vos combats dureront soit sept secondes (le moine bouddhiste n'aura même pas le temps de commencer à rapper), soit deux heures (le moine bouddhiste aura le temps de sortir deux albums, de faire une tournée mondiale et de répondre devant la loi aux accusations de violences sexistes dont il fera l'objet).

Ne vous laissez pas induire en erreur par des petits détails anecdotiques comme les caractéristiques de vos personnages ou les points d'expérience à gagner : Metaphor ReFantazio n'est pas un J-RPG, c'est un simulateur de gestion des points de magie. Il est là, l'enjeu principal de votre partie : chaque incursion dans un donjon sera parsemée de combats à appréhender comme le décompte d'un timer implacable qui ne dit pas son nom. Car quand les PM tombent à zéro, c'est perdu : si vous n'avez pas réussi à vaincre le boss dans la limite impartie, vous gâchez une journée sur le calendrier, qui vous manquera nécessairement plus tard pour monter vos petits camarades (en tout bien tout honneur, sauf dans les doujins japonais) et augmenter vos compétences de souverain telles que la Sagesse, le Courage, la Tolérance, toutes ces vertus qui feront de vous un vrai dirigeant de science-fiction. Parce qu'autant dire que taper sur les monstres sans utiliser vos compétences magiques, c'est comme jouer au foot avec une brique : il n'y a que Mark Landers que c'est susceptible d'amuser. Mais les taper avec ? Ben ça implique que vous arriverez contre le boss à poil et que vous n'aurez plus que votre slip à lui jeter dessus (notez qu'en fonction de votre hygiène, ça peut finir en one shot, mais c'est un autre débat). Dès lors, votre partie se joue là. Allez-vous tout miser sur l'efficacité en abusant des attaques combinées, au risque de bouffer la grenouille (c'est une expression, laissez ce batracien tranquille). Ou vous battrez-vous à l'économie, au risque de finir sur une civière (ou en civet) à mi parcours ? Car bizarrement, dans cet univers où la magie est omniprésente, les potions de récupération de points de magie sont plus rares qu'un collector du jeu à moins de 200 balles, et se reposer aux points d'étape ne vous soignera ni le corps ni l'esprit, parce que c'est super compliqué de faire la sieste dans un donjon mal isolé avec tous ces monstres qui poussent des hurlements de l'âme dès qu'ils se cognent le petit orteil dans la commode.

Pour le reste, scénaristiquement, on est en terrain connu, c'est un biopic de Jean Luc Mélanchon, l'expert en politique l'aura tout de suite reconnu sur la jaquette : les cheveux bleus, les yeux vairons, le corps d'éphèbe, ça ne trompe pas, le jeu va raconter comment ce dernier aura créé la France Insoumise, pour contrecarrer les manigances carriéristes d'un jeune méchant charismatique qui veut devenir roi parce que... euuuhhh... c'est sooooon prooooojet ? Ha non mais vivement les mods, moi je dis. Le tout, dans un jeu tellement progressiste qu'absolument LA TOTALITE les races y est discriminée SAUF UNE. C'est impressionnant : à chaque fois qu'on pense être tombée sur la communauté la plus haïe de cet univers, on en découvre une autre qui ferait passer la précédente pour une bande de mâles blancs hétéro cis-genre les jambes écartées grands sur la banquette du RER pendant un congrès de femmes enceintes. C'est bien simple : dans l'univers de Metaphor, tout le monde se déteste, tout le monde se méprise, c'est comme un grand meeting du RN mais à l'échelle de tout un pays ("un peu comme la France, finalement" ronchonnera Jean-Gauchiste, au grand agacement de Jean-Droitard). Dans ces conditions, on comprend que le protagoniste veuille faire bouger les choses, un peu, et en même temps, il n'aura pas grand mérite : déjà, que les gens arrête de se saluer en se jetant des cailloux au visage, ce serait une avancée sociale phénoménale. Alors que les différentes communautés devraient se serrer les coudes face à l'adversité (c'est-à-dire les Paripus, parce que c'est des furries et qu'une créature avec des oreilles de chien ou de lapin ne mérite que la potence), non, c'est chacun pour soi et tout pour les Clemar. Faut vraiment en avoir envie pour régner sur ces branquignoles, pas étonnant que l'ancien monarque ait jeté l'éponge pour envoyer sa vieille tronche en orbite. Moi je dis, le plus simple, ce serait encore de distribuer des couteaux à tout le monde et de laisser la nature faire son office. L'aventure aurait été beaucoup plus courte et il y aurait eu davantage de mini-jeux.

C'est donc un scénario atypique que nous propose Metaphor ReFantazio, en cela que ses enjeux sont resserrés à hauteur d'hommes (ça change des crises cosmiques sur le destin de l'univers à base de voyages dans le temps sur trente générations pour retrouver les ombres de l'anti-espace symbolique, réincarnées en notes de musiques cachées dans un code informatique tatoué à l'envers de la rétine de l'héroïne) (ha mince, je viens de vous spoiler Kingdom Hearts IV, pardon) - un scénario qui souffre malheureusement des mêmes propensions au déséquilibre que le gameplay du jeu, avec une première partie linéaire et rafraîchissante, mais un peu longuette, suivi d'une deuxième partie frénétique enchaînant les twists en avance accélérée (au point d'en désamorcer certains avant même qu'ils n'aient le temps de nous monter au cerveau, pour ceux d'entre nous qui en ont encore. Genre : « alors en fait Bruce Willis il était mort tout le long SAUF QUE EEEET NON IL ETAIT BIEN VIVANT EN FAIT !!! ») (avec un twist majeur piqué à Ys IX, en passant. Mais bon, ils l'avaient piqué à Kingdom Hearts, on va dire que c'est le cercle de la vie, Simba), puis d'une troisième le c*l un peu entre deux trônes mais trop longue pour son propre bien (les mecs se sont endormis sur les touches CTRL+V) (même la fin, quoi ! Même la fin ne sait pas s'arrêter, elle est tellement longue qu'on peut sauvegarder pendant !), le tout entrecoupé d'autant d'intermèdes cliché qu'il vous sera possible d'en supporter. Il n'aura en effet échappé à personne que Metaphor n'est pas une nouvelle licence, non, non, non, je sais que c'est marqué dessus mais faut pas croire tout ce qu'on lit, hein, ça fait plus de quinze ans qu'EA vous vend le même Assassin's Creed en rajoutant juste un chiffre à côté du titre, ça aurait dû vous mettre la puce à l'oreille. Non, Metaphor, c'est Persona 6, cosplayé en Final Fantasy pour ne pas qu'on le reconnaisse parce qu'il est timide (mais si, Final Fantasy, vous savez, cette célèbre franchise de J-RPG en 9 épisodes...). Il y a des signes qui ne trompent pas. Le fait que les persos la ramènent tout le temps alors qu'ils n'ont un truc intéressant à dire qu'un jour sur deux, par exemple. On a tous vécu ça : on rentre de notre boulot de bonhomme ; là, on a coupé du bois toute la journée, ou bien on a enchaîné les combats clandestins dans le parking souterrain du Super U, on veut se poser cinq minutes et là, bam, Madame nous alpague et entreprend de nous raconter sa journée minute par minute parce que Mathilde de la compta a essayé de lui voler son pot à crayons. Nous, bon, on n'est pas des monstres, on écoute les trois premières minutes pour se donner bonne conscience, puis on passe les deux heures suivantes à branler du chef (ce n'est pas sale) en pensant à Clara Morgane (...ou peut-être que si, finalement ?!). Metaphor, c'est pareil. C'est comme être en couple après vingt ans de vie commune (sauf qu'il ne fait pas la vaisselle) (haaaaa, que les années 80 me manquent ! Que le second degré aussi !). Autant le récit principal peut être passionnant quand il s'y met, autant ses a-côtés sont écrits comme des épisodes filler de Naruto, c'est à dire un gros cran au-dessus des quêtes annexes de Final Fantasy XVI mais ça ne veut pas dire grand chose non plus, hein, la série d'animation avec les hamsters en forme de voitures est un gros cran au-dessus que les quêtes annexes de Final Fantasy XVI en termes de lore, donc bon. Y'en a une, elle veut chanter, l'autre il fait peur aux enfants et la troisième elle a perdu son chien. Un tic commun à la plupart des JRPG modernes, qui pensent qu'on en a quelque chose à cirer de ce que mangent nos personnages et avec quel accompagnement. Non. Non, on s'en fout. On s'en fout de leurs états d'âmes de littérature Young Adult, on s'en fout de la pointure de leurs godasses, on s'en fout de savoir à quel âge ils ont fait leur première poussée de cornes ou d'ailes sur le côté. Vas-y, file moi mon bonus et on n'en parle plus. C'est du remplissage, ça dilue, ça casse le rythme, ça affadit les personnages, ça use la patience, ça n'apporte rien. Junah, je te jure, approche-toi encore une fois de ce placard à victuailles et je te débarque avec tes affaires au milieu du désert. Résultat des courses ? Metaphor y perd beaucoup de ce qui fait sa PERSONAlité (vous l'avez ? Vous l'avez ? Wink, wink. Je suis un génie, je sais) et donne souvent l'impression qu'on a relancé Tales of Arise en version tour par tour (enfin... seize tours par seize tours. Parce que "hurlement de l'âme") - et alors entendons-nous bien, Tales of Arise était très bien écrit aussi, hein, les deux sont à peu près au même niveau, dans l'ensemble, mais enfin, UNE FOIS, les discussions au coin du feu, ça passait (d'autant que pour le coup, Tales of Arise savait jouer efficacement la carte de l'humour tout public de temps en temps), mais deux ? Paradoxalement, ça fait deux de trop. En plus, on ne peut même pas pécho, rendez-vous compte, les weebos sont en PLS, leurs dakimakura vont rester dans l'armoire : vous ne bisouillerez personne. Ni celle avec les oreilles en guidon de Harley, ni celle avec le troisième œil, ni celle qui fait semblant d'être un canon, ni même la chauve-souris qui ressemble à une version badass de Minus et Cortex. On fait de la politique, nous. On n'est pas là pour baguenauder. Ça, ce sera pour la version Royal, qu'on vous re-vendra au prix fort avec un collector que vous précommanderez à la Fnac dans les cinq minutes et que celle-ci décommandera le jour de sa sortie trois mois plus tard parce qu'elle se sera rendu compte entre temps qu'en fait elle préférait vendre des mixers Moulinex. Air connu.

Pour ce qui est de la métaphore, à l'instar des Persona, ReFantazio est un jeu à la fois profond et candide, au sens Voltairien du terme (ça ne veut rien dire, je sais, mais je vise un poste chez les Inrocks ou Technikart alors j'ai décidé de tout donner) mais sans l'ironie salutaire. Un J-RPG didactique en forme de roman d'apprentissage qui ne dit pas son nom, et qui entend paver à son public adulescent la voie Royale d'un avenir plus radieux, pour lui comme pour la société à laquelle il appartient intrinsèquement et dont il n'est pas dissociable (ces jeux le lui martèlent jusque dans la liste des succès à débloquer). Autant dire qu'en 2024, il narre à contre-courant. Loin des œuvres au cynisme Leaderprice qui ont pignon sur rue dans le monde du divertissement, une fois de plus, Atlus joue la carte de l'angélisme et de la sincérité, quitte à limer les angles saillants de ses problématiques pour aller au plus simple et au plus vertueux. On ne saurait l'en blâmer car si la morale est simpliste, elle n'en est pas moins avisée. Metaphor est un jeu progressiste pour de vrai, un des (trop) rares, il se garde de la tentation commune aux « wokes » et à leurs frères jumeaux les « fafs » : trouver une catégorie sociale qui fera office de bouc émissaire et lui coller tous les maux du monde sur le dos. Paripus, Eldas, Clemar, Eugieff, Nida, qu'importe, l'essentiel c'est que ça fédère comme une marque de publicité. Faut que ça claque, coco, fait que ça soit vendeur sur les réseaux. Procédé sophistique qui a fait ses preuves depuis l'Antiquité et dont on n'est toujours pas revenus, malgré nos grands discours moralisateurs et nos postures de donneurs de leçons. Comme quoi plus les choses changent plus elles restent les mêmes, comme disait Snake Plissken. Metaphor ne mange pas de ce pain-là. A ces deux camps-miroir condamnés à se confronter sans fin, en cela qu'ils ne sont en somme que les faces d'une même pièce, tributaires de leur opposé dans la revendication identitaire dont ils font le centre de leurs préoccupations, plutôt que leur conséquence, Metaphor répond par le dépassement. Il fait table rase du passé, pose le présent à plat sans faire de concessions ni chercher des excuses, réunit tout le monde sur la place publique et lance : « bon, voilà où on en est, maintenant à partir de là comment on avance tous ensemble dans la même direction ?! ». ça peut paraître bébête comme ça mais c'est peu ou prou la seule forme de progressisme qui vaille, car la seule qui soit rationnelle et constructive. Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement, a-t-on coutume de dire. Et quand bien même le récit donne-t-il dans la candeur, il n'en reconnaît pas moins que même avec des héros blindés de super pouvoirs pyrotechniques, même avec de la magie, même avec le big boss vaincu à coups de rayons lasers, ce ne sera pas tâche aisée, parce que tout dépend de chacun, avec ses failles et ses contradictions, nos failles, nos contradictions, qu'elles soient individuelles ou collectives. Et ça c'est chouette, parce que c'est simple, mais que c'est vrai.


Ha mince, j'ai plombé l'ambiance, pardon.


Quelques lignes pour finir sur la direction artistique, qui ravira à coup sûr les amateurs de rave party tellement ça clignote de tous les côtés au niveau des textures, on dirait que les décors nous font des appels de phare, il y a plus de clignotants en dix minutes de Metaphor ReFantazio qu'en deux heures sur route départementale, c'est très perturbant. D'autant plus que les décors en question semblent pour la plupart sortir d'un jeu PS3, avec des textures dessinées sous Paint et des aplats de couleurs comme sur le visage de Roselyne Bachelot, ce qui ne doit quand même pas bouffer beaucoup de ressources non plus. Et en même temps, c'est raccord avec le tracé oldschool des donjons (on croirait jouer à un remaster de .hack//, mais ça a son charme...), tout en couloirs copiés-collés et en angles droits comme dans les dungeon crawlers (pas les nageurs, hein. Le genre vidéoludique) à la Etrian Odyssey, autre saga culte de l'éditeur.

Niveau designs par contre, sans surprise, c'est un sans faute. Le génie Soejima se surpasse comme moi quand j'étais au lycée, c'est-à-dire : en zyeutant opportunément sur les copies des premiers de la classe - Mamoru Nagano (the Five Star Stories) et Yoshitaka Amano (Candy Girls) en tête. Le résultat est parfait, comme toujours, jusque dans les menus.

Meguro livre une B.O. medieval-fantasy tantôt dans la retenue à la sophistication discrète, tantôt dans les grandes envolées lyriques iconoclastes avec des chœurs en roue libre qui semblent vivre leur propre vie indépendamment de toute convention sociale ou musicale.

Quant à Ikuto, il colle des machins partout sur ses bidules comme aux glorieux (?) temps des Rebuild d'Evangelion, offrant à nos héros les premières Golf GTI med fan tunées de l'histoire.

Trois visions artistiques qui se rejoignent avec un naturel dont les sœurs Kardashian ne sauraient pas rêver, et qui confère au titre une atmosphère à part, lumineuse, colorée, un peu art déco sur les bords. Au point qu'on en regretterait presque que le scénario soit si convenu, en comparaison, toutes proportions gardées. On aurait aimé plus de fièvre, plus d'audace, plus de folie pour emporter le morceau. Mais qu'à cela ne tienne ! Depuis le temps qu'on attendait un Persona affranchi du cadre scolaire, parce qu'on n'en pouvait plus des clubs de couture, des interros surprises et des vacances d'avril à la plage, nous voilà exaucés, même si le principe du calendrier en devient quelque peu superflu, comme quand j'étais au RSA (merci à tous).

Autant de raisons de ne pas bouder ce J-RPG d'exception, qui ose s'affranchir du diktat de l'hommage révérencieux (écueil dans lequel tombent tant de jeux actuels en pixel art ou 2D-3D) pour tracer sa propre voie, digne des grands RPG des années 80-90, tout en proposant une expérience de jeu tout confort dont les moindres éléments ont été pensé pour simplifier la vie du joueur et la lui rendre plus agréable (hurlements de l'âme exceptés). On reste dans le casu, dans le prêt-à-jouer, on n'est pas dans un RPG hardcore où il faut un quart d'heure et quinze potions de soin pour butter un castor, mais le système a ses finesses, ses codes, ses challenges à surmonter, de sorte qu'on ne se contente pas non plus de masher bêtement le bouton carré (suivez mon regard).


C'est donc avec une impatience unanime que nous attendrons d'ores et déjà les deux suites, lesquelles s'intituleront respectivement (selon le magazine Famitsu) Metaphor FwdSpirou et Metaphor CciChampignac.

Créée

le 25 déc. 2024

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Liehd

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