On ne présente plus Fire Emblem : Awakening, le jeu qui a sauvé la licence et introduit tout un tas de nouveaux joueurs à FE. Tout le monde connaît déjà cette histoire, donc je ne vais pas vous faire l’affront de la raconter, et de même, toutes les critiques que je vais faire ont déjà été sorties maintes et maintes fois, donc je ne vais rien dire de nouveau. Cela dit, c’est toujours intéressant de réfléchir un peu à pourquoi ce jeu a autant attiré les foules, et à pourquoi les fans élitistes prétendent volontiers qu’il a ruiné la série.
De mon côté, j’ai plutôt tendance à me placer du côté de ces élitistes, mais je ne suis pas un vieux con contrairement à eux, donc je ne dirais jamais qu’Awakening a détruit la série car c’est tout simplement faux. Là où je suis d’accord par contre, c’est qu’Awakening (ou FE13) est l’un des pires jeux de la série. Et je ne dis pas ça parce que j’étais déjà un vétéran à l’époque et que j’ai été déçu ou quoi que ce soit dans le genre ; j’étais très jeune quand ce jeu est sorti, donc beaucoup moins regardant sur la qualité, et il s’agit même de l’un de mes premiers FE. Logiquement je devrais cocher toutes les cases pour être nostalgique et placer FE13 sur un piédestal comme beaucoup le font, sauf que non, bizarrement. C’est même le contraire, plus j’y joue et moins je l’apprécie. Je crois que j’en viendrais même à le placer en dessous de FE7 si j’étais objectif, c’est dire.
Si le jeu a marché, c’est qu’IS s’en est donné les moyens. Les grands moyens je dirais même. Ils ont bien profité de la puissance de la 3DS et ont sans doute aussi décidé de faire des efforts pour créer un jeu attrayant après les opus DS qui étaient incroyablement austères. Le résultat se voit dès la cinématique d’intro, très réussie, et se constate durant toute la suite du jeu. Les cinématiques en mettent plein la vue (elles sont concentrées sur le début du jeu par contre, à croire qu’il y avait moins de budget pour la suite) et les cartes sont modélisées en 3D tandis que les sprites des unités sont en 2D, pour un rendu du plus bel effet. La transition entre la carte et les combats est ultra fluide, et les animations de combats sont très dynamiques. Aujourd’hui on est habitué donc on n’y pense même plus, mais avoir des combats en 3D comme dans Radiant Dawn tout en ayant le confort d’une console portable, c’était quelque chose. On peut toutefois dire que les animations sont un peu rigides et manquent un poil de panache, mais ça va.
Ce qu’on remarque également pendant les animations de combat, c’est l’utilisation de musiques dynamiques, ce qui rend la transition encore plus efficace. En parlant des musiques, l’OST d’Awakening est très reconnue, et à juste titre, puisqu’elle est vraiment bonne. Cela dit, je n’irais pas non plus dire qu’il s’agit de l’une des meilleures bandes-son de la série, mais elle n’en est pas loin. (Mastermind est cependant le meilleur thème de boss de la série).
Pour rester sur le son, il y a maintenant une ébauche de doublage pendant les dialogues : c’est-à-dire que certaines phrases sont doublées dans de rares cas, mais on a droit la plupart du temps à de simples interjections pour ponctuer les dialogues. Ça peut prêter à sourire, mais je n’ai jamais trouvé ça dérangeant. Il y a aussi du doublage pendant les combats, et notamment pour les coups critiques, ce qui est certainement l’une des meilleures nouveautés apportées par ce jeu.
Le plus grand éloge que je puisse faire à Awakening est sur sa prise en main irréprochable. On atteint le pinacle du confort de jeu avec cet opus. Si je me plaignais de la lisibilité sur les jeux DS, FE13 a complétement réglé ce problème grâce à une caméra de base beaucoup moins zoomée, et surtout la possibilité de zoomer ou dézoomer manuellement. Les animations de combat peuvent être accélérées et misent en pause (pratique pour écouter les musiques) et la caméra durant ces dernières peut même être modifiée, ce qui est parfaitement inutile, mais tout de même marrant. Cerise sur le gâteau : les temps de chargement sont quasiment inexistants. Ce n’est certainement pas une nouveauté, puisque les FE n’ont jamais vraiment eu de temps de chargement avant, mais ça participe indéniablement au confort de jeu, et on s’en rend d’autant plus compte que les deux derniers opus sur Switch ont des temps de chargement à rallonge. Bref, l’ergonomie d’Awakening (et des autres jeux 3DS) est la meilleure de la série. Ça se joue comme dans du beurre.
Le jeu va sur ses treize ans, et il n’a pas pris une ride. C’est sûrement l’un des seuls pour lesquels on peut dire ça dans cette série.
Ayant conscience qu’il s’agissait potentiellement du dernier FE, la stratégie chez IS a été de jouer un peu sur la fibre nostalgique et de réintroduire toutes sortes d’éléments tirés des épisodes précédents. L’histoire prend donc place à Archanea, plusieurs siècles après les jeux de Marth, et on va même à Valentia pour affronter le descendant d’Alm et Celica.
L’un des personnages principaux est un avatar tacticien, comme Mark de FE7, et est personnalisable comme Kris de FE12.
La carte du monde à la Sacred Stones fait son retour, avec des magasins et des ennemis qui apparaissent dessus.
On a des promotions branchées comme dans Sacred Stones, ainsi qu’un système de reclassement retravaillé par rapport aux jeux DS, qui se lie aux techniques, qui font leur grand retour.
Enfin, et peut-être le plus étonnant, la mécanique de mariage et de descendance est reprise de FE4.
Maintenant que tout ça est dit, je vais dès à présent démonter tous les éléments que j’ai cité, car aucun n’est très réussi.
L’histoire pour commencer : c’est bien sympa de revenir en territoire connu, mais c’est un peu dommage que ça ne dépasse pas les clins d’œil et références. Archanea à l’époque de Marth avait 9 pays différents, et on avait l’occasion de se rendre dans chacun. Là il y a Ylisse, Plegia et Regna Ferox, c’est tout. En fait, ça n’a pas vraiment d’intérêt de nous faire revenir à Archanea, et on n’a pas vraiment l’impression de jouer à une vraie suite des jeux de Marth. Même Tiki a une présence minimale alors qu’elle aurait pu être beaucoup plus importante. D’ailleurs, c’est un détail, mais il est où Xane ? Gotoh est sûrement mort depuis le temps, mais lui, qu’est-ce qu’il fout ?
Tout ça c’est évidemment du pinaillage, car si le scénario d’Awakening n’est pas terrible, ce n’est pas à cause de ça. Le problème vient avant tout de l’intrigue qui part dans tous les sens et de l’écriture lacunaire. Le début de l’histoire, c’est-à-dire l’arc Plegia, est indéniablement la partie la plus maîtrisée. Les personnages présentés sont sympas, on a un peu de mystère, une montée en tension jusqu’au climax des chapitres 9 et 10 ; sans être parfait, c’est efficace et agréable à suivre. Mais après le chapitre 11, la qualité chute drastiquement : on a d’abord une ellipse de deux ans durant laquelle rien ne semble s’être passé, puis on enchaîne avec l’arc Valm, qui réussit l’exploit de paraître rushé tout en prenant quand même beaucoup trop de place dans le jeu (chapitre 12 à 20 tout de même, et on a l’impression que presque rien ne se passe, c’est assez fou). Les fans qualifient souvent l’arc Valm de filler, et je suis d’accord, son intérêt est vraiment très relatif. L’arc Grima conclut le jeu, et ce dernier est expéditif et peu intéressant. Globalement, le fait de diviser l’intrigue en trois grands arcs narratifs fait que le tout manque un peu de consistance. L’arc Plegia fonctionne assez bien car c’est un peu une version abrégée d’une intrigue classique de FE, et l’arc Grima est très typique des fins de jeu à la FE où on affronte les serviteurs du dieu maudit et toutes ces conneries, mais l’arc Valm sort de nulle part et ne mène à rien.
Pour ce qui est de l’écriture et de la narration, si le premier arc est le meilleur, il n’en reste pas moins que c’est assez pauvre là-dessus. FE1 était bien plus ambitieux dans son worldbuilding, avec des nations aux objectifs divers et des personnages moralement gris. Awakening est extrêmement manichéen en comparaison avec son ancêtre : il y a Ylisse les gentils, Plegia les méchants et Regna Ferox les alliés costauds. C’est tout, et les tentatives de complexifier un peu les choses se font rares (on a l’exemple du père de Chrom, qui était apparemment un conquérant, et le personnage de Mustafa), et ne sont parfois pas très convaincantes. Notamment, les seuls personnages originaires de Plegia que l’on peut recruter sont Tharja et Henry, qui sont d’énormes tarés obsédés par la mort qui nous rejoignent sur un coup de tête. Difficile de réhabiliter Plegia avec ça.
Il y a beaucoup moins d’exposition à partir de Valm, et les personnages introduits sont franchement oubliables, ce qui fait qu’on se fait un peu entraîner par les événements sans jamais se sentir concerné, et ce jusqu’à la fin du jeu. Un autre point en défaveur d’Awakening est son grand manque de scène de dialogue entre les antagonistes, ce qui fait qu’ils ne sont que très peu développés et intéressants, et avoir des antagonistes médiocres fait beaucoup de mal à une histoire. Gangrel a le mérite d’être particulièrement détestable, mais tous les autres sont assez nazes et/ou n’ont pas le temps d’être bien introduit (Yen’Fay par exemple).
Puisque je suis sur les personnages, il est certainement temps de parler des enfants et de leur place dans le scénario. Le seul enfant qui apparaît dans l’histoire principale est Lucina ; les autres sont totalement optionnels et parfaitement ratables si on ne joue jamais certaines unités. Ils ne sont pas imposés, et c’est bien dommage, parce qu’ils semblent complètement hors de propos, même quand on les recrute. Est-ce qu’il n’aurait pas été intéressant de partir dans une quête pour récupérer les enfants à la place de l’arc Valm ? Lucina n’a jamais l’air de vouloir les retrouver alors que ce sont ses compagnons, c’est débile. Il y avait clairement mieux à faire avec les enfants d’un point de vue scénaristique, d’autant que l’un des propos du jeu est de se créer un meilleur futur, tout ça tout ça. C’est bien, mais ils sont où ces enfants pour sauver le monde ? En faire de vrais personnages qui interviennent dans le scénario aurait été bien mieux.
Pour finir, ça ne fait pas directement parti du scénario, mais j’aimerais parler de la caserne. On peut visiter la caserne entre les chapitres, ce qui permet de voir des événements aléatoires qui confèrent des bonus ou des objets. Je vois ça comme une énorme occasion manquée : imaginez un peu si on avait eu des conversations de base à la Tellius. Cela aurait permis d’approfondir un peu le lore, le worldbuilding, certains personnages… ça n’aurait pas fait de mal. Ne serait-ce que pour la cohérence d’ailleurs : par exemple quand Virion devient soudainement important au début de l’arc Valm avec une révélation qui sort de nulle part, et Chrom qui lui sort : « pas besoin de te présenter, tout le monde te connaît », alors qu’en vérité Virion n’a jamais interagit avec personne d’autre que Sully dans le scénario. C’est qui ce mec, et pourquoi il est dans l’équipe ?! Une conversation dans la caserne entre Chrom et lui aurait au moins pu créer une connexion entre les deux personnages.
Bon, et comment parler de tout l’aspect narratif sans mentionner l’avatar ? Je ne dirais pas grand-chose là-dessus, car Daraen est sûrement celui qui est le mieux intégré à ce jour, et il a le mérite de ne pas être le seul personnage principal. Le vrai problème, c’est qu’IS a visiblement attribué une grande partie du succès d’Awakening à cet avatar, et c’est ce qui fait que chaque protagoniste depuis lors en a été un (sauf dans Echoes évidemment). Je pense qu’on sera tous d’accord pour dire que cela fait plus de mal que de bien et qu’un vrai personnage sera toujours meilleur qu’un self-insert bidon que tout le monde vénère et qui ne sert qu’à plaire aux pucelards qui veulent marier leur waifu. Parce que oui, à quoi ça sert d’avoir un avatar s’il a des dialogues et une personnalité préétablie et qu’on ne peut de fait pas se projeter à sa place ? IS ne sait pas faire d’avatar (Byleth est l’exception puisqu’il est semblable à ce qu’on peut trouver dans Persona, mais un vrai personnage avec un nom fixe et des dialogues tout en nous laissant le choix entre certaines options aurait quand même été mieux) et leur seul intérêt est de pouvoir marier n’importe qui, ce dont on pourrait parfaitement se passer.
Je vais maintenant (et enfin) commencer à parler un peu du gameplay. L’une des premières choses que l’on remarque est la réintroduction de la carte du monde, qui fonctionne peu ou prou de la même manière que dans FE8. Elle permet de se rendre dans des magasins, et des marchandes apparaissent parfois aléatoirement pour vendre des objets spéciaux souvent bien fumés. On a aussi évidemment la possibilité de grinder via l’apparition d’ennemis qui apparaissent sur la carte. Mais là où Awakening fait moins bien que Sacred Stones, c’est qu’il n’inclut pas de contenus supplémentaires spécialement pour le grind, comme la Tour de Valni (je pense qu’on ne devrait pas pouvoir grinder en premier lieu, mais quitte à rendre l’option disponible, autant le faire bien) ; il y a bien un DLC pour l’expérience, mais c’est vraiment bâtard de faire payer pour ça. Aussi, contrairement à FE8, les ennemis sur la carte ne disparaissent pas quand on engage le combat avec eux et qu’on quitte aussitôt. Cela signifie que la seule façon de les faire disparaître sans les affronter est soit de continuer à jouer, soit d’attendre plusieurs heures IRL qu’ils disparaissent (j’imagine que modifier l’heure de sa console marche aussi, mais c’est casse-couilles dans tous les cas). Le problème, c’est que les ennemis apparaissent systématiquement sur les magasins et que vous ne pouvez pas y accéder quand ils sont là, donc vous êtes bien niqués si vous voulez acheter un objet vendu par un seul marchand comme le bâton de secours ou le tome de nosferatu. C’est vraiment chiant et mal pensé.
Pour ce qui est du pur gameplay tactique, la mécanique principal d’Awakening est le duo, qui est une sorte de sauvetage inversé. Une unité va donc s’associer à une autre pour la soutenir, ce qui se traduit par un boost de stats et une chance d’intervenir dans les combats en attaquant ou en bloquant un coup ennemi. Le souci de cette mécanique, c’est qu’elle est particulièrement déséquilibrée. Les gains de stats sont énormes, et le fait que les attaques et la défense de l’unité de soutien soient une affaire de pourcentage peut totalement retourner l’issue d’un combat, ce qui peut les rendre hasardeux. Concrètement, il n’y a presque pas de désavantage à mettre ses unités en duo, et la mécanique permet surtout de rendre les bonnes unités encore meilleures et de rouler sur le jeu. La façon la plus optimale de jouer à Awakening est donc de sélectionner trois ou quatre couples d’unités, de les faire snowball et d’ensuite les regarder pulvériser le reste du jeu grâce au pouvoir de l’amour et des grosses stats.
On ajoute à ça l’avatar, qui possède la technique « Harmonie », qui lui fait gagner 50% d’expérience en plus lorsqu’il est en duo. Ça ne paraît pas grand-chose, mais ça change tout en vérité. C’est certainement la goutte d’eau qui rend l’avatar d’Awakening complètement cassé et en fait l’unité la plus débilement puissante de l’histoire de Fire Emblem. Que vous le vouliez ou non, Daraen finira par snowball et passer bien au-dessus de la courbe de difficulté. A partir de là, vous pourrez cesser d’utiliser qui que ce soit d’autre et finir le jeu sans problème avec DaraenXChrom. A vrai dire, elle est là la façon la plus optimale de jouer à FE13 : la stratégie du juggernaut avec l’avatar et Chrom en soutien, et le pire c’est que c’est incroyablement facile à faire, puisque ça arrive naturellement en jouant ! Même pas besoin d’un build particulier ou quoi que ce soit, vous avez juste à jouer normalement, et l’avatar deviendra très vite assez fort pour solo le reste du jeu. On pourrait me rétorquer : « oui mais Seth dans Sacred Stones blah blah blah », ce à quoi je répondrais : vous avez déjà essayer de solo FE8 avec Seth ? Moi oui, et même si c’est faisable très facilement, ce n’est certainement pas la façon la plus simple de jouer au jeu (passé un certain point en tout cas), alors que c’est le cas pour Awakening. Même Dark Deity, que j’avais justement comparé à FE13, est bien moins pire là-dessus puisqu’il faut un build spécifique pour solo le jeu. Awakening, c’est la mort cérébrale au sens littérale : pas besoin de réfléchir. Vous vous jetez au milieu des ennemis, vous passez le tour et vous avez gagné. Brillant.
Mais où se situe le problème ? parce que oui, ce n’est pas normal d’être en mesure de complètement casser un jeu aussi facilement. Est-ce que le jeu est trop facile ? Eh bien en fait oui et non. Awakening est particulièrement réputé pour sa difficulté très mal foutue ; en Difficile, le jeu est très simple et vous n’aurez aucun mal à le finir. En Expert, c’est bien plus compliqué, surtout pendant les premiers chapitres, mais ça ne change rien. Quelle que soit la difficulté, vous finirez toujours par avoir un avatar pété qui roule sur le jeu, ça arrivera juste plus ou moins tard. Je précise que je ne vais pas parler du mode Expert + parce que je n’en vois même pas l’intérêt tant il est débile.
Ce qui est curieux, c’est que les ennemis sont vraiment très forts, surtout en fin de jeu, et ce même en Difficile. Si c’était un Fire Emblem normal, il serait certainement très dur, mais c’est Awakening, donc il est facile. En Expert, les chapitres de début de jeu sont cependant assez intéressants. Ils sont durs, mais jamais injustes (sauf le chapitre 2, celui-ci peut aller se faire foutre) et requiert d’utiliser toutes les unités à notre disposition. C’est un bon défi, et c’est gratifiant. Le mode Expert jusqu’au chapitre 10 environ est sans doute le pic du jeu en termes de gameplay.
Que ce soit en Difficile ou en Expert, on constate un pic de difficulté assez conséquent à partir du chapitre 12, ce qui nous encourage d’autant plus à donner de l’expérience a une poignée d’unités seulement. Ce pic de difficulté, je le trouve vraiment abusé, parce qu’il ruine tout le peu de fun que je peux avoir avec Awakening. C’est systématiquement vers le chapitre 12 que je me rends compte de la différence de force entre mon avatar et mes autres unités, et c’est systématiquement à ce moment-là que je commence à ne déployer que lui. Pourtant, je vous jure que j’essaie de jouer plusieurs unités différentes à chacune de mes parties, vraiment. Mais je finis presque toujours en solo run avec Daraen, parce que c’est juste plus simple comme ça. Si le jeu était juste facile comme peut l’être un Sacred Stones ou un PoR en Difficile, il serait sensiblement plus amusant, mais là il est théoriquement difficile tout en étant paradoxalement très simple, parce qu’il est fondamentalement cassé.
Il faut aussi que je parle du map design, parce qu’il fait également parti du problème. Ah, le map design d’Awakening ! Il est connu, et pas pour les bonnes raisons. Le début du jeu… n’est pas si mal en réalité. Le prologue est sympa, ainsi que le chapitre 4. Le chapitre 6 en Expert est certainement mon préféré : chapitre de défense déguisé qui nécessite tout de même d’être actif ; il faut diviser ses unités en plusieurs groupes, aider Marth, recruter Gaius et ouvrir le coffre etc. Ce n’est pas exceptionnel, attention, mais c’est digne d’un bon FE.
Malheureusement, contrairement à la difficulté, le map design fait très rapidement une chute libre en qualité (je dirais que ça commence à partir du chapitre 11), et ça devient vraiment naze. C’est simple : pensez Gaiden. Ça fait peur hein ? Passé le début du jeu, tout ce à quoi on aura droit sera des cartes plus ou moins vides avec des milliards d’ennemis qui nous foncent dessus, comme dans les pires chapitres de FE7, et rien d’autres à faire que de les affronter. Allez, je suis mauvaise langue, il y parfois des coffres à ouvrir, mais je ne m’en donne jamais la peine vu que mon avatar n’a pas Crochetage. Dommage. Le pire chapitre du jeu est possiblement le 19 ou le 23 ; ces deux-là sont l’exemple typique du map design d’Awakening : grands espaces vides et douze milliards d’ennemis qui t’attaquent. C’est vraiment insultant de proposer de telles cartes au joueur.
Le souci, c’est qu’avec des cartes aussi simplistes et bourrées d’ennemis, il n’y a même plus de notion de positionnement et on se retrouve juste à devoir tanker les vagues d’ennemis qui nous arrivent dans la tronche avec nos meilleures unités. C’est en grande partie pour ça que l’avatar se démarque vraiment des autres à ce moment-là. Avec un map design pareil, on oublie toute notion de tactique et on se déplace juste d’un point A à un point B en tuant tout sur son passage. En Difficile, pas besoin de build particulier pour tanker les ennemis. En expert, on peut tanker avec Solaire ou simplement en sorcier avec Nosferatu ; encore une fois, c’est légèrement plus complexe en Expert mais la finalité reste la même.
Le dernier élément qui casse le jeu est son système de reclassement. Il nécessite un objet, donc il est un peu plus contraignant que dans les jeux DS, mais il est aussi bien plus abusé. Deux raisons à ça : les techniques et la réinitialisation des niveaux.
Dans Awakening, les techniques sont uniquement associées aux classes et s’obtiennent à certains niveaux. Le reclassement offre donc la possibilité d’acquérir les techniques des autres classes accessibles aux unités. Certaines d’entre elles sont VRAIMENT très fortes, toutes celles de la classe de base de l’avatar déjà, et puis galeforce.
La deuxième raison, c’est que le reclassement réinitialise le niveau de l’unité. Ça signifie qu’on peut faire des boucles de reclassement et prendre des niveaux à l’infini ; dans un jeu où on peut grinder, c’est presqu’une invitation à le casser encore plus. Ça profite surtout à l’avatar et ses enfants, qui ont accès à toutes les classes du jeu (comme s’il n’était déjà pas assez privilégié) et peuvent accumuler toutes les meilleures techniques pour devenir des machines de guerre.
Après, aussi abusable que soit le système de reclassement, il est aussi très excessif. Un simple sorcier avec Nosferatu peut finir le jeu, ou n’importe quelle unité avec Solaire (jamais essayé, mais apparemment ça marche) ; même pas besoin de récupérer les meilleures techniques pour rouler sur le jeu.
Le résumé de tout ça, c’est que la grande facilité d’Awakening est multifactorielle, et le tout converge en un point : le jeu nous encourage à n’utiliser qu’une seule unité, et plus particulièrement l’avatar (même si d’autres peuvent aussi solo le jeu), via le système de duo complètement abusé, via les ennemis qui deviennent vite plus forts que vos unités si vous divisez trop l’expérience, via le map design pauvre qui nous pousse à juggernaut, via les embuscades qui vont tuer toutes vos unités fragiles sans prévenir et via le fait que l’avatar ait accès à toutes les classes et gagne plus d’expérience que tout le monde. Tout ça, c’est la recette miracle pour un jeu qui ne tient pas debout.
Et pour finir, abordons un peu le mariage. Narrativement, la mécanique sert donc à mettre deux unités en couple, et donc à créer une relation amoureuse entre les deux, ce qui, en tant que tel, est très bien. La comparaison avec FE4, cependant, fait très mal. Parce que dans Genealogy of the Holy War, nos options de mariage sont limitées : on ne peut créer que 7 couples, et le jeu nous oriente naturellement pour créer certains d’entre eux, qui ont notamment des conversations uniques durant certains chapitres, ce qui rend le tout plus organique. Dans FE13, on peut faire à peu près les couples que l’on veut, et cumulé avec le ton très léger des soutiens (repris directement de FE12) et les personnages dont la personnalité repose essentiellement sur un gimmick plus ou moins débile… eh bien ça fait que les relations font incroyablement forcées et artificielles. FE4 nous fait vivre des histoires d’amour mille fois plus touchantes alors qu’il n’a même pas de conversations de soutien (mais je ne sais pas trop si c’est plus révélateur du fait que FE4 est génial ou que FE13 est raté). Awakening ne fait rien des mariages alors qu’il avait le champ libre pour créer quelque chose de cool, surtout en partant du fait que les enfants qu’on récupère viennent d’un futur dévasté… je sais pas, c’est quand même assez tragique mais tout le monde a l’air de s’en foutre dans l’histoire, à part Lucina qui ne parle que de ça.
Mécaniquement, c’est pas bien fou non plus. En termes de gameplay, la seule fonction du mariage est de créer des enfants qui, selon ce que disent certains, viennent remplacer leurs parents puisqu’ils ont de meilleures stats et ont accès aux techniques récupérées par leurs parents. Cette idée de succession est intéressante, même si c’est déjà ce que faisait FE4 (et il allait au bout des choses lui au moins) mais dans les faits, ça ne fonctionne pas du tout comme ça. Les enfants arrivent tard, à bas niveau, ne sont pas forcément meilleurs que leurs parents et sont de toute façon overkill dans un jeu où on n’a besoin que de l’avatar. Le mariage et les enfants d’Awakening sont un énorme potentiel gâché, et c’est bien dommage qu’une grande partie des joueurs ne connaissent cette mécanique que via ce jeu et Fates.
En parlant des joueurs justement, il y a une certaine portion de nouveaux joueurs qui ont découvert la série avec FE13 et qui ont particulièrement accroché à cet aspect dating-sim, sans doute en grande partie grâce au fait que l’avatar puisse marier n’importe qui (pas pour rien qu’on parle de « waifu emblem »). En soi, chacun trouve midi à sa porte, mais ça devient plus problématique quand la mécanique donne une image erronée de la licence et que ces joueurs se mettent à attendre du mariage et des enfants dans tous les jeux alors que la série n’a jamais été connue pour ça. Certains ont été déçu d’Echoes justement parce qu’il n’y avait pas d’avatar et de romance, c’est dire.
Ça va peut-être paraître étonnant après avoir écrit 25 paragraphes pour le démonter, mais j’aime assez bien Awakening en vérité. C’est un jeu sur lequel j’ai passé beaucoup trop de temps quand j’étais plus jeune, pas parce que j’étais passionné par le scénario ou parce que j’appréciais les personnages, mais juste parce que je trouvais amusant de le casser en deux avec l’avatar. C’est certainement le jeu sur lequel j’ai le plus de parties en tout, et des centaines d’heures à essayer de nouvelles classes et de nouveaux builds sur l’avatar (alors que sa classe de base suffit largement en Difficile, mais bon). Eh oui, ça a son charme et ça peut être fun, mais ça manque aussi grandement d’intérêt et aujourd’hui ça ne m’amuse plus du tout. Un jeu peut être cassable (beaucoup le sont, et même la plupart des FE) mais ça ne devrait en aucun cas être la manière normale et naturelle d’y jouer.
FE13 en lui-même ne vaut pas grand-chose ; il ne tient pas debout et a une profondeur tactique quasi-inexistante (Il y a bien des trucs cools à faire avec le bâton de Secours qui est disponible à volonté, mais c’est surtout utile pour les LTCs et puis c’est tout quoi). Pour moi, son intérêt aujourd’hui repose essentiellement dans son héritage. Un héritage qui n’est pas que positif, puisque la romance et les enfants sont repris presque tel quel dans Fates et que les avatars sont toujours là. Mais Awakening, c’est aussi l’opus qui a établi la norme pour les jeux suivants en termes d’esthétique, de prise en main et de confort de jeu. C’est aussi celui qui a marché pour que Fates puisse courir, et rien que pour ça, je lui suis redevable.