La saga God of War n’était donc pas terminée. Bien que les développeurs avaient laissé une porte ouverte à une suite à la fin du troisième épisode, la boucle semblait bel et bien bouclée. Le studio Santa Monica s’était lancé dans le développement d’une nouvelle franchise et Kratos aurait donc dû pouvoir profiter d’une retraite bien méritée.


Mais un changement de plan bouleversa le programme ; le projet en question, dirigé par Stig Asmussen, fut annulé tardivement par Sony, entraînant une perte d’argent colossale et une fuite des talents. Le studio passa tout près de la fermeture et des directives du géant japonais poussèrent Santa Monica à envisager une suite à GoW. Stig Asmussen parti, Cory Barlog se retrouva en charge du projet.


C’est dans ce contexte que les développeurs prirent des décisions tranchées qui allaient bouleverser la saga et inévitablement chambouler les fans de la première heure.
Car si l’on peut reprocher leur frilosité aux acteurs majeurs de production de jeux vidéo qui capitalisent sur des licences bien établies et resservent des suites de suites toutes plus ressemblantes, il arrive que de petits miracles se produisent. Cet épisode n’a, en réalité, plus grand-chose à voir avec ses prédécesseurs.


Sans refaire un descriptif exhaustif des modifications, on notera le choix d’une caméra juste derrière Kratos, l’abandon de l’aventure en solitaire puisqu’il est désormais accompagné, l’intégration de mécaniques de RPG (expérience, niveaux, craft, quêtes principale et secondaires), l’intégration d’une zone centrale ouverte, la mise en avant d’un nouvel univers et enfin une structure narrative renforcée.


Le jeu impressionne dès les premières minutes. Le niveau de réalisation est bluffant (en dehors de l’eau assez moche) et les premiers combats finissent de convaincre que le replacement de la caméra était un bon choix. Difficile de faire plus impliquant pour le joueur qui se retrouve au coeur de la mêlée, ressentant toute la puissance de Kratos quand il court et frappe. Les conseils d’Atreus et les indicateurs visuels discrets mais bien visibles aident à anticiper et ne pas se laisser surprendre par des adversaires dans le dos. Les mises à mort font dans la brutalité mais évitent l’écueil du gore pour le gore. Quelques unes arrachent toutefois un petit rictus de dégoût et plaisir mêlés.
C’est donc tout bon pour les combats qui gagnent vraiment en technicité, malgré l’abandon du saut.


Des réserves doivent toutefois être émises, tout d’abord en ce qui concerne un bestiaire intéressant mais qui ne varie pas suffisamment, et ensuite s’agissant des combats de boss qui déçoivent. Si le combat contre l’étranger met une claque en fin de prologue, les suivants ne procurent aucun frisson et n’atteignent jamais le niveau épique des précédents opus. Les développeurs semblent vraiment avoir joué la carte de l’économie et c’est d’autant plus dommageable que pour beaucoup de joueurs, la sensation de ne jamais plus atteindre l’orgasme dudit combat contre l’étranger sera prégnante.


Question difficulté, le jeu ira decrescendo avec un prologue exigeant, puis une diminution progressive des galères, la faute ou grâce à une montée en puissance de Katros et surtout d’Atreus. Loin pour moi d’être un défaut, ce choix trouve son explication dans la volonté des développeurs d’illustrer l’amélioration des relations et de l’entente entre les deux protagonistes. Comme un symbole, le prologue constitue le moment où il faut apprendre à maîtriser Kratos et à faire intervenir Atreus au bon moment. Une fois les réflexes acquis, les deux larrons s’en donnent à coeur joie et les combats deviennent de plus en plus simples à gérer.


C’est d’ailleurs cette évolution de la relation entre Kratos et Atreus qui va pousser le joueur à continuer l’aventure. L’un, père bourru, protecteur mais énigmatique et silencieux, et l’autre, fils curieux mais désespéré d’avoir perdu sa mère et de devoir composer avec un père qu’il ne comprend pas et ne connaît pas. Le jeu distille ses révélations petit à petit, à des moments soigneusement choisis, jusque dans les dernières secondes. Sans qu’elle soit parfaite, voir un jeu avec une écriture aussi soignée fait vraiment plaisir, d’autant qu’on n’en attendait peut-être pas autant d’un GoW. Surtout, le jeu réussit à recoller intelligemment avec les épisodes précédents.
On pourra sans doute regretter une aventure un peu trop longue pour ce qu’elle avait à raconter, entraînant des baisses de rythme et passages à vide. Mais il faudrait être bien ingrat pour reprocher un excès de générosité.


Au final, cet épisode de GoW frustre autant qu’il stimule ; perdant en ampleur, il gagne en profondeur. Il est évident qu’il mécontentera une partie des joueurs, mais c’est ce qui fait le lot des œuvres qui résultent de choix tranchés.


J’y ai pour ma part trouvé mon compte. Il m’a manqué un ou deux combats véritablement épiques et qui coupent le souffle, mais l’aventure valait l’investissement. Je n’ai pas eu envie, par contre, de poursuivre une fois la quête principale terminée. Je précise d’ailleurs que quelques ennemis (valkyries) ont été implantés en end game pour les joueurs désireux de se frotter à des ennemis plus coriaces.


On ne saura jamais si Sony a eu tort ou raison de faire table rase du travail de Santa Monica pour que le studio s’attelle à un nouvel opus de GoW. Mais de la même manière que Kratos a joué un rôle déterminant pour guider et protéger son fils, ce choix coûteux et douloureux aura permis au studio d’accoucher d’une œuvre marquante.

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le 5 mai 2018

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