Autant en emporte le vent
Nul mot n'est plus en adéquation avec Gravity Rush que l'évident « Liberté ». Voler, plus haut, plus loin, plus longtemps peut-être, mais voler toujours. Quiconque s'aventure dans la quête de Kat ne peut en toute bonne foi qu'adorer le mécanisme de gameplay principal du jeu : l'inversion de gravité. L'héroïne file à travers bâtiments et véhicules, au-dessus, en-dessous ou dans les dédales des décors magnifiques qui lui servent de terrains de jeu, ceci avec une grâce et une aisance incomparables. Errer dans un monde de jeu n'a que trop rarement été aussi plaisant, et jamais aura-t-on ressenti pareille sensation d'ouverture.
Tout au long de la vingtaine de chapitres composant l'histoire onirique de la Gravitéenne, le joueur parcourra de nombreux lieux de découverte, plus ou moins tangibles et plus ou moins logiques. Ce sera l'occasion d'apprécier la magnifique direction artistique, steampunk nipponne, toujours juste et soignée. Ce sera aussi, souvent, l'instant fugace mais récurrent de majesté inspiré par une bande sonore somptueuse et diverse.
Après un démarrage difficile, les péripéties de Kat sont finalement captivantes, riches de leur étrangeté et de leur rythme atypique. Le temps dans le jeu est souvent suspendu aux lèvres qui soufflent le vent ; l'expérience est définitivement unique.
Malheureusement, Gravity Rush, tout fabuleux qu'il puisse être, fait défaut d'ambition à de trop nombreuses reprises. Si la structure de l'histoire est une franche réussite, celles des chapitres est nettement plus discutable. Par manque d'inspiration, de créativité ou selon des limites techniques qui m'échappent, les missions se résument trop souvent à une succession d'objectifs franchement simplets entrecoupés de phases narratives étonnamment limitées.
La narration elle-même, perdue dans ses trois propres schémas – cinématique, dialogue et bande dessinée dont la logique des enchaînements m'est totalement et désespérément étrangère -, est parfois beaucoup trop timide pour impliquer le joueur dans les évènements qui ponctuent l'aventure. Les personnages sont pour la plupart insipides, et l'écriture typée manganime est tristement pauvre et plate.
De façon plus anecdotique, les contrôles sont parfois approximatifs, certains mécanismes (tels que la glissade) sont purement superflus et quelques soucis techniques, bien que contournés de très belle manière, viennent entacher la réalisation dans l'ensemble remarquable du titre.
Gravity Rush n'est certainement pas un chef d'œuvre, toute absolue et définitive qu'une œuvre prétendant à un tel titre doive être. La faute incombe sans doute à une production déséquilibrée, en manque d'inspiration et de soin sur des éléments de conception résolument critiques.
Qu'importe. L'expérience, dans ses réussites et dans ses échecs, est sans aucun égal dans le spectre pourtant large de l'industrie ludique. Bien plus que le seul titre peu glorieux de meilleur jeu sur Vita, Gravity Rush conquiert le cœur et l'âme de celui qui s'y plonge : c'est un saut de l'ange avec des virages.