L'agent 47, le chauve le plus connu du monde vidéo-ludique revient après plus de 6 ans d'absence. Etant un grand fan de la saga, j'attendais impatiemment la sortie sur Steam à 1 heure du mat' en mode nuit blanche. On sent qu'avec cet épisode, IO Interactive a décidé d'innover le gameplay de la série. La tentative est louable, mais j'avoue que je ne suis pas vraiment conquis.
Commençons par les bonnes choses : la réalisation est vraiment réussie, le moteur graphique est puissant et on a droit à de beaux panoramas et des personnages ultra détaillés avec des textures très fines. L'ambiance est délicieuse, la direction artistique très bonne, et ce filtre "instagram" un peu déroutant au début fonctionne finalement assez bien. La gestion de foule est surprenante. Les animations sont réussies, 47 s'est enfin sorti le balai qui se trimbalait depuis plus de 10 ans dans son derrière.
Le jeu est riche en challenges, le système de scoring encourage le joueur à rester discret et les points accumulés permettent d'améliorer nos capacités physiques (santé, discrétion, précision du tir...). On peut ensuite comparer notre score avec celui de nos amis ou du monde entier. Enfin une bonne manière de récompenser la discrétion, ce dont IO a toujours eu un peu du mal à faire auparavant (le comble étant Hitman : Contracts qui récompensait la discrétion... par des armes bourrines ! Dans le genre idée qui se contredisait...)
Toutefois, il est tout à fait possible de finir le jeu façon Terminator, la partie shoot étant bien foutue aussi. Ce n'est pas vraiment récompensé, mais le jeu laisse le choix et respecte la promesse sur l'approche différente possible dans un même niveau.
Le scénario et la mise en scène sont beaucoup plus travaillés qu'auparavant (car faut avouer que les cinématiques dans les Hitman ont toujours été un peu cheap). Après la mort de Diana, 47 trahit l'agence et il va maintenant agir pour son propre compte, ce qui donne une autre orientation à la série qui apporte un peu de fraîcheur (mais j'y reviendrai plus tard).
Mais voilà, le gros soucis c'est qu'Absolution est pour moi un bon jeu d'infiltration, mais un mauvais Hitman.
Les niveaux sont souvent étriqués au possible, on parcourt des très petites zones connectées par des couloirs serrés, on termine une zone et on passe à une autre sans avoir la possibilité de revenir en arrière. Résultat, on perd totalement l'aspect "bac à sable" qui faisait le charme des anciens Hitman. On ne se balade plus vraiment dans le décor pour essayer de trouver toutes les astuces afin d'éliminer sa cible de manière la plus astucieuse et/ou la plus sadique possible. Il existe certes quelques niveaux plus ouverts, mais ça ne représente pas la majorité.
Le gameplay est certes plus fluide en général mais il y a pas mal d'idées bancales qui sabotent le tout. Celui de Blood Money était instinctif et pratique, là tout est un peu laborieux. A commencer par le système de cover, pratique en soi mais ultra frustrant quand 47 tourne tout seul un angle et s'expose devant un ennemi comme un idiot. Les combats au corps à corps ont été remplacés par des séquences de QTE sans intérêt. La touche "assommer" est la même que celle pour attaquer, du coup ce n'est pas rare que 47 donne une grosse droite à un ennemi alors qu'on voulait l'étrangler discrètement juste parce qu'on n'était pas pile derrière. Et encore, même si on est derrière, parfois 47 étrangle la cible, ou lui donne des coups quand même, ou le tue avec l'arme à la main... Je n'ai rien compris, encore un système qui était simple et logique dans les anciens jeux qui devient un truc foireux.
L'IA a été repensée et se révèle plus intelligente que dans le passé, mais cela cause également de nouveaux soucis. Il suffisait avant de trouver le bon déguisement (un garde de sécurité par exemple) et on pouvait se balader tranquillement dans le niveau en mode cheat code invisible. C'est maintenant terminé, IO a repensé le système de déguisement. Dorénavant, un déguisement ne peut tromper que les gens différents de vous : se déguiser en policier trompe les civils mais les autres policiers seront très rapidement méfiants de vous vu qu'ils ne vous connaissent pas.
C'est en soi une très bonne chose. Le problème, c'est que les ennemis sont beaucoup trop paranos pour le coup. Même 2 ennemis en pleine discussion deviennent méfiants en vous voyant de dos, dans le noir, à 20 mètres d'eux et même si vous portez un masque ! Et se cacher dans la foule ne sert quasiment à rien malheureusement.
Pas mal de jeux d'infiltration récents comme Deus Ex : Human Revolution ou Dishonored souffrent d'une IA trop conne et à moitié aveugle. Là pour le coup, Hitman c'est totalement l'inverse, au point de devenir abusé. Le plaisir d'un Hitman était justement de se fondre parmi les ennemis en devenant l'un d'eux, là on est obligé de jouer en fantôme comme dans un Splinter Cell.
47 a quitté l'agence. Si cette décision permettait des tournures scénaristiques plus intéressantes, on se demande si ce n'était pas surtout un prétexte pour supprimer plein de bonnes idées des 4 premiers épisodes : plus de mini-maps, plus de briefing au début de la partie avec préparation des armes, plus de malette, plus de petits gadgets utiles (mini-bombes collantes, seringue tranquillisante...)
De la même manière, la vue FPS a disparu (moi je m'en foutais mais beaucoup se plaignent de sa disparition), on ne peut même plus fermer les portes (alors qu'on peut les ouvrir, va savoir la logique), la taille des armes ne comptent plus (on peut ranger un fusil à pompe et une hache dans sa poche) et les sauvegardes manuelles ont été remplacée par un système de checkpoint assez relou dans ce genre de jeu. A cause de l'IA imprévisible et d'autres soucis frustrants de gameplay, on passe souvent notre temps à tout recommencer. Tous les scripts évènementiels sont remis à 0 en rechargeant un checkpoint, du coup si on foire quelque chose, on doit se retaper tous les déplacements, discussions etc... des ennemis.
On se demande pourquoi autant de régressions comparé à Blood Money ? Ça leur coûtait quoi à IO de garder ces éléments de gameplay importants ?
La disparition de la map a été compensée par un nouveau système d'instinct qui permet à 47 d'avoir une vision spéciale qui met en surbrillance les ennemis, leurs parcours, les éléments dans le décor avec lesquels on peut interagir etc... L'idée est encore une fois bonne, mais bancale. L'instinct sert également à se cacher lorsqu'un ennemi se méfie de nous (comme si pour baisser la tête, 47 avait besoin de dépenser tout son énergie...). Le problème c'est qu'avec cette nouvelle IA parano, on est constamment en train de vider notre instinct pour se cacher. En plus, la barre ne remonte qu'en éliminant discrètement les ennemis, du coup on se sent forcé d'éliminer des gardes alors que le but d'un Hitman est justement de ne tuer personne à part la cible principale. Il aurait fallu simplement mettre une touche pour "cacher son visage" sans utiliser d'énergie, ça aurait été largement plus pratique et logique.
Pour ceux qui veulent de la difficulté, il est tout à fait possible de désactiver l'instinct dans les options ou en choisissant un niveau de difficulté élevé. Mais vous êtes prévenu : on sent que le jeu a été prévu pour jouer avec, du coup c'est plus comme jouer avec un handicap plutôt que jouer sans un bonus.
J'ai fait à peu près le tour sur le gameplay, donc je peux revenir sur le scénario : le fait que 47 quitte l'agence était un point de départ osé. Mais au final, on se retrouve avec une histoire complètement inintéressante qui tourne autour d'un enlèvement d'une fille dont on en a rien à foutre. Le tout arrive trop rapidement, on ne s'attache pas aux personnages qui sont particulièrement vides et peu charismatiques. On a essayé de faire du Tarantino dans les dialogues sans avoir le talent derrière, le jeu tourne rapidement dans une sorte de nanar série Z lourdingue avec des femmes tueuses en latex dans des combinaisons de nonnes ou une sorte de copie de Kill Bill. Le tout est mal amené : dans pas mal de missions, on ne sait même pas pourquoi on doit tuer la cible. 47 est d'ailleurs particulièrement nul dans cet épisode, à être capturé par des personnages tout nazes (un shérif beauf alcoolique pervers qui aime se faire fouetter) comme un débutant.
Bref, rendre Hitman plus cinématographique pourquoi pas mais si c'était pour perdre la liberté d'action au profit d'un scénario aussi anecdotique, j'aurais préféré enchaîner des contrats sans réel scénario comme dans les anciens épisodes.
Enfin, le légendaire Jesper Kyd a quitté la série et on a à la place droit à un compositeur qui ressemble à une version contrefaçon chinoise de Hans Zimmer. Faire des BLAAAAAAAAH à la Inception c'est bien mais ce n'est pas ce que j'attendais d'un Hitman.
Les dialogues sont nombreux, et souvent les ennemis passent leur temps à discuter. C'est cool, c'est souvent drôle (notamment le mec avec son prostate au début du jeu) mais du coup on se tape souvent un freeze pendant plusieurs minutes à devoir écouter un dialogue jusqu'au bout pour pouvoir bouger lorsqu'on est en infiltration, et quand on recommence 5 fois un checkpoint, c'est juste lourd...
Hitman : Absolution peut être joué comme un sympathique jeu d'infiltration avec une réalisation solide, ce qui est déjà une bonne chose à l'époque où les gros jeux bourrins no-skills pullulent sur le marché. Malheureusement, comparé à Blood Money, c'est une véritable régression en matière de game design. Avant, il s'agissait d'une simulation d'assissinat dans un grand niveau. Absolution ressemble davantage à un simple jeu d'infiltration dans des couloirs avec comme objectif de mission un assassinat, et mine de rien, ça fait toute la différence. Les ajouts sont pas toujours très convaincant, alors qu'une flopée d'éléments ont été supprimés. Un novice se fera sûrement plaisir, mais les fans risquent d'être surpris par cette nouvelle aventure de l'homme chauve tatoué, et pas toujours en bien.