« C’est vrai que c’est sympa. Oui mais… »

Oui, ce jeu a une aura. Un charme. C’est certain…
A l’époque de sa sortie en février 2017 cela faisait déjà un certain temps que j’avais remisé les jeux-vidéo au placard et pourtant – malgré cela – je dois bien avouer que les quelques séquences de gameplay que j’en avais vues, ainsi que les retours de quelques proches, avaient su me remettre la salive vidéoludique aux lèvres. Moi qui ne jouais plus et qui avais l’impression que le jeu-vidéo tournait un petit peu en rond, face à cet « Horizon Zero Dawn » j’avais le sentiment qu’il se passait quelque chose de… différent.


Deux ans plus tard et une PS4 achetée (et surtout un « Red Dead Redemption II » très vite abandonné), la tentation m’a vite repris. J’avais pourtant bien entendu tous les discours qui disaient « Bon "Horizon" c’est vrai que c’est sympa, oui mais… », il n’empêchait que l’attraction fonctionnait toujours.
Et franchement je dois bien reconnaître que dès la première approche, ce jeu a su me séduire très rapidement comme peu ont su le faire avant lui.


L’aura de ce jeu dépasse clairement la simple apparence ; le simple emballage. L’introduction à elle seule est un florilège de ce qu’offre le jeu et de ce qu’il promet. Une démonstration visuelle techniquement assez impressionnante. Un univers à l’atmosphère et à l’intrigue atypiques. Une direction artistique soignée. Et surtout un gameplay riche et dynamique… A ce moment-là de ma découverte, je me souviens que je fermais facilement les yeux sur tous les petits points qui déjà me posaient souci. Tout cela semblait si ambitieux que je ne voulais pas m’embêter avec les détails. Je voulais poncer ce jeu. Voir où sa belle audace allait me conduire. Bref, j’étais pleinement sous le charme.
Et pourtant…


« Bon "Horizon" c’est vrai que sympa, oui mais… »
Au fur et à mesure que je me suis mis à avancer dans ce jeu, ces remarques me revenaient régulièrement en tête. Et ce qui est triste, c’est qu’à bien faire le bilan, oui c’est vrai qu’il y a des dizaines de raisons qui me poussent à dire que « Horizon » est bien un jeu tout ce qu’il y a de plus sympa, mais à chaque fois il faut qu’il y ait un gros « mais »…
Sympas par exemple ces graphismes chatoyants et ces magnifiques effets de lumière. Mais dommage que, dès qu’on prenne une monture, les bugs d’affichage soient si fréquents. Entre les textures qui ne savent pas si elles doivent apparaitre ou disparaitre, les changements climatiques radicaux qui s’opèrent en claquant littéralement des doigts et ces quelques moments où la console est en PLS pour savoir quels effets de lumière elle se doit d’afficher, les occasions de sortir du trip sont quand même nombreux. J’ai cru comprendre que le problème se posait moins voire pas du tout sur une PS4 Pro. Tant mieux mais quand-même…
Sympas aussi cette grande carte et ces beaux décors à explorer. Mais dommage que ceux-ci soient si peu optimisés pour les déplacements à vue. Des paysages variés certes, mais peu de repères visuels marquants. Beaucoup d’endroits et de chemins qui se ressemblent. Et surtout trop de barrières partout, que ce soit des reliefs infranchissables ou des murs invisibles. Il faut sortir la carte tout le temps : mais quelle plaie !
Sympas également les déplacements dynamiques et l’idée qu’on puisse faire de l’escalade. Mais dommage encore qu’on ne puisse le faire qu’en des endroits extrêmement précis et balisés ; que l’escalade à la sauvage soit si aléatoire et surtout sanctionnée très régulièrement de reuploads violents dès qu’on s’éloigne trop de ce qui a été prévu.
Sympa enfin la manière dont ont été pensés la chasse et le système de combat. Franchement je les trouve vraiment souples, dynamiques et efficaces. C’est même ma meilleure expérience en termes de maniement d’arc… Mais (encore et toujours) dommage que – pour une raison mystérieuse – les concepteurs de ce jeu aient décidé de placer la touche de course sur le clic du bouton L3. Non seulement c’est totalement contre-intuitif, mais en plus ce n’est juste pas pratique dans les situations d’urgence, c’est-à-dire pratiquement tout le temps…


Mais bon, s’il y a bien un domaine dans lequel cette dualité a été des plus violentes pour moi, c’est bien dans celui de l’écriture. Ralalah ! Mais cette intrigue ! Elle avait tout pour être l’une des plus belles histoires de science-fiction post-apocalyptique qu’on m’ait racontée ! Moi qui suis un grand fan de « Thorgal » justement pour ce genre de mélanges entre d’un côté le primitif ancien et de l’autre le monde moderne déchu, là, avec cet « Horizon Zero Dawn » j’ai été servi. Et le pire c’est que le background est vraiment très fouillé et que les péripéties sont assez malignes. Seulement voilà, - encore une fois – qu’est-ce que c’est mal écrit ! Les situations caricaturales et manichéennes s’empilent les unes sur les autres avec parfois un tel niveau de jusqu’au-boutisme que moi ça m’a régulièrement sorti du jeu.


Entre Aloy qui est une gentille Mary Sue écolo et trop-pas-pour-la-guerre-dans-le-monde et Faro qui est tellement méchant qu’il ne manque jamais une occasion de détruire l’humanité même sans raison, moi j’ai vite eu envie de baffer tout le monde.


Surtout que les dialogues sont atrocement plats et longs, un peu à l’image du lore que les concepteurs ont déployé un peu partout dans le jeu. Et c’est d’autant plus rageant qu’on se rend compte que le problème ne vient clairement pas d’un manque d’investissement dans ce domaine. Au contraire ! Non, c’est juste que les gars et les nanas de Guerilla Games n’avaient juste pas le talent et la maturité nécessaires pour écrire quelque chose susceptible d’avoir de l’épaisseur…


Et au fond, voilà ce qui pourrait assez bien résumer le gros problème de cet « Horizon Zero Dawn ». Ce n’est pas l’envie qui manquait. Ni les moyens d’ailleurs. Non, ce qui manquait dans ce jeu c’est plutôt le talent, voire même tout simplement l’audace. Parce qu’à bien prendre du recul sur ce jeu, on se rend quand même compte que ce qui le caractérise le plus, c’est son absence totale de prise de risque. Au-delà de son univers attrayant, on n’a cherché à rien créer dans ce jeu. On s’est juste contenté de reprendre ce qui se faisait déjà ailleurs, de l’optimiser, mais à aucun moment de repenser les choses. Beaucoup d’éléments du jeu ne semblent être là que parce que cela faisait partie du cahier des charges des derniers grands blockbusters du genre : arbre à compétences, crafting, collecte de ressources… Autant d’actions qui, au fond, sont de véritables accessoires tant ils n’impactent que très superficiellement l’expérience de jeu. L’organisation même de ce titre autour d’un open-world ne semble au final dictée que par la mode du moment tant cet « Horizon » n’invente rien : saupoudrage de missions classiques et répétitives autour de « villages hub » tous identiques les uns par rapport aux autres, dilution du temps de jeu par des aller-retours incessants, comblement des vides par des objets à collecter totalement insignifiants… Et le pire, c'est que le seul moyen qu'ont trouvé ces gens de Guerilla Games pour essayer de dynamiser tout ça, ce fut d'imposer des scènes d'action régulières qui montent trop facilement dans la surenchère. En somme, ce jeu est vraiment du bon gros travail de faiseurs qui se contentent juste de recopier sans repenser ; d’élaborer sans créer ; de dupliquer sans imaginer…


Et tout ça va finalement me ramener au sempiternel même débat ; celui qui oppose les narratologies aux ludologues. Est-ce que l’univers et l’histoire sympas compensent-ils à eux deux toutes ces mécaniques de jeu qui, par leur manque flagrant de pertinence et d’intérêt, finissent vite par lasser et énerver ?


…Eh bah j’avoue que sur ce cas là je serais beaucoup plus partagé que d’habitude. Moi, généralement, je suis un indécrottable ludologue : aussi riche et intéressante pourra être une histoire, que ce soit par ses thématiques abordées ou bien que par ses personnages développés, celle-ci finira systématiquement par me gonfler si la mécanique de jeu ne suit pas derrière. C’est ce qui a fait par exemple que je n’ai même pas pu finir un jeu comme « The Last of Us ». D’un certain point de vue, « Horizon » rentre un peu dans cette veine là : c’est un titre qui avait une proposition à faire en termes d’histoire et d’univers mais qui n’avait rien à proposer en termes de jeu. Pire je trouve même que c’est un titre qui ne sait pas faire rentrer son jeu en adéquation avec son histoire. Chez moi, c’est quelque chose qui est d’habitude totalement rédhibitoire. Et pourtant, là, il y a quand-même quelque chose dans ce jeu qui fait que je ne peux pas le rejeter totalement, bien au contraire. Et même si, effectivement, tout l’intérêt se trouve dans l’histoire et l’univers, ça en fait malgré tout – d’une certaine manière – une proposition de jeu qui a le mérite d’exister…


Parce que oui, faire parcourir un univers qu’on a envie d’explorer sous toutes ses coutures, ça a une vraie dimension ludique. Or, sur ce domaine, « Horizon Zero Dawn » a vraiment su faire le boulot. Et même si la dilution de l’intrigue, l’omniprésence abusive des combats et une écriture globalement aux fraises sont autant d’ennemis pour le plaisir et l’immersion, ça reste néanmoins un régal que de parcourir cet endroit. Un détail visuel ici ou là, un projecteur, une relique du passé, sont autant d’éléments qu’on observe pour comprendre ce que ce monde a à nous dire du monde d’avant, de ce qu’il lui est arrivé, de pourquoi ça lui est arrivé, et surtout de ce qu’il est advenu après. Pour le coup – et sur ce point – il y a une vraie narration environnementale qui s’opère là. Et quand je disais en début de critique que ce jeu disposait d’une vraie aura, je pense sincèrement que cette aura, elle vient essentiellement de là. Elle vient de ce monde post-apocalyptique si suggestif, si riche de promesses en termes d’exploration… Un monde qui ne peut que fonctionner sur moi…


D’ailleurs, malgré ma pluie de reproches, au final je n’ai aucune difficulté à mettre une note plutôt convenable de 6/10, soit plus que la moyenne. Chez moi ça veut dire que le plaisir l’a emporté sur l’ennui ; que malgré les réserves je suis malgré tout allé jusqu’au bout ; qu’au final le ressenti est davantage positif que négatif. Parce que oui, maintenant que j’ai fini cet « Horizon » et que j’y pense, je ne peux m’empêcher de me dire que, malgré son manque d’audace, ce jeu a de fortes chances d’inspirer d’autres œuvres, de jeu-vidéo voire d’autres médias. Il a offert sur certains aspects une expérience qui avait sa singularité. Et – qui sait – peut-être même que cet « Horizon » va servir de point de départ à une suite qui saura corriger tous les défauts sus-cités, à tel point qu’elle en deviendrait peut-être plus tard un pivot de l’Histoire du média. Après tout l’excellent « Red Dead Redemption » n’était-il pas la suite retravaillée d’un plus que perfectible « Red Dead Revolver » ? Comme quoi, à bien y réfléchir, c’est déjà pas si mal d’être un jeu « sympa mais… »

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8

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