J'ai longtemps entendu comme discours dans ma jeunesse que le plus difficile à retranscrire à travers une œuvre d'art était la subtilité, la finesse, la délicatesse. Après avoir médité ce postulat, je ne le trouve pas si juste que ça, puisque tout est difficile lorsqu'on a réellement envie de le faire au mieux.
Hotline Miami est une de ces œuvres qui ne font pas dans la finesse, et pourtant qui réussissent l'exploit de prendre leur joueur aux trippes, tâche loin d'être nécessairement aisée.
Si au premier abord on peut oser penser que l'ambiance d'Hotline Miami est amusante, délirante ou décalée, on n'a qu'à moitié raison. La véritable efficacité de l'atmosphère est de camoufler derrière cette façade tout son caractère grotesque, glauque, brutal. On ne sait pas pourquoi on est amené à faire ces tueries, on le fait seulement pour le côté arcade, pour le gameplay ; mais le fait que la question soit posée suffit à instaurer une trame, un fil directeur. Oui, pourquoi tous ces massacres, après tout ?
"You like hurting other people, don't you?"
Plus la question de moralité est posée par les inconnus masqués qui hantent le héros, plus le jeu nous apparaît comme violent et cruel. Sa réalisation est sans faute là-dessus au niveau du gameplay : des musiques à s'en fracasser le crâne, avec des basses et des beats qui donnent des envies de meurtre... dans le meilleur sens possible du terme ; des niveaux qui obligent à vivre des morts surprises, à ressentir de la frustration, à faire monter la pression, puis à recommencer tandis que la tension monte ; et des contrôles simples, qui permettent d'appréhender chaque niveau à sa façon (ayant toutefois certaines limites), en choisissant son masque, ses armes, et ses stratégies de prédilection. Une fois les portes d'un chapitre passées, il n'y a plus de retour en arrière. On se crispe devant son écran, les battements de cœur s'accélèrent pour être le plus efficace possible, et les boucheries s'enchaînent, quand ce n'est pas pour repasser sur ses pas pour récupérer des secrets ou augmenter son score...
Jeu d'arcade qui s'assume, de par son esthétique retro (l'une des seules que je salue réellement depuis que la mode s'est instaurée !), Hotline Miami arrive à avaler son joueur dans son univers malsain et grotesque. Il n'est cela dit pas facile à apprécier par tous, à cause de son côté arcade (comme dit), exigeant (c'est un die'n'retry et c'est nerveux, même si ce n'est pas à considérer comme difficile pour autant), et il faut être sensible à l'esthétique et l'atmosphère.
En somme, un véritable bad trip de couleurs et sonorités agressantes, où on contrôle premièrement un héros tiraillé par les chimères qu'il incarne (ce n'est pas sans rappeler Fight Club, quelque part), et ensuite une brute prête à tout pour se sortir de son enfer.
Mais on peut courir encore longtemps pour trouver les réponses aux questions qu'on se posait : « ce n'est qu'un jeu, après tout »...