C’est une histoire de champignons. Prenez ce terme dans tous les sens possible, ils prennent forme en jeu dans tous les cas. Un végétal, un hallucinogène, et quelque chose d’encore plus grand et destructeur. C’est aussi un parasite, ou un truc qui germe au fond de quelqu’un. Loin de moi de réduire le cas Hotline Miami à une classe verte. Mais il arrive qu’une chose néfaste prenne ses racines dans le cœur d’un homme et le pousse à devenir un Pardo, un Jacket, ou l’un de ses fans.
Le choc du premier Hotline Miami n’est plus là. Son gameplay au poil de cul, si précis qu’un coup de stick mal placé peut vous faire bouffer des balles de tous les calibres du monde. Il est encore là. Sa belle gueule californienne des années 80 n’a pas pris une ride. Le jeu est beau dans chacun de ses pixels. L’ambiance prend l’ascenseur de la hype pour atteindre un niveau encore plus grand. Le répertoire de cassettes qui forme la bande-son vaut deux fois celui du premier Hotline.
« Wrong Number » ? Un sous-titre à double tranchant. Cet épisode n’est pas seulement le deuxième. Il est aussi le troisième et n’importe quel « ième » restant. Parce qu’il conclut brillement le mindfuck qui plongea Miami dans une tempête de sang et de balles. Et il n’y aura pas de troisième chapitre pour notre belle poire, enfin, pas au moment où je poste ce truc. Mettant de côté la réponse claire de la part des dev, le titre nous le rappelle par deux fois. Par sa fin (un Marvel Cinematic Universe nous rappellera que tout vient à point à qui sait attendre la fin des crédits) et par son éditeur de niveau.
Le festival des éloges est fini, place aux critiques aussi acerbes que le level design de ce deuxième Hotline. Ah… les fenêtres. Même Carglass n’en voudrait pas. Les fenêtres putain ! Voilà pourquoi les héros de la série ont finis par sombrer. C’est vrai que l’homme a évolué au point d’avoir des yeux de rapace et peut tout, absolument tout voir dans un rayon d’un kilomètre à 360°. En vérité, Hotline Miami 2 est une œuvre de SF ! Ou un spin-off des X-Men des eighties. Il suffit de poser un pied sur un pixel de parquet qui s’ouvre vers une fenêtre pour recevoir une pluie de balles. Et le mode difficile ? Même pas mieux. L’intelligence artificielle des vilains a réellement pris quelque chose d’illégal ! Leur réaction est aussi bluffante que frustrante. Je ne compte plus les fois où j’ai joué à 100% de mes capacités d’infiltration quand soudain ! Respawn.
L’autre douille n’est pas loin de la première. Le level-design semble partisant du fameux « plus c’est gros mieux ça passe ». Oui d’accord mais non. Plus gros c’est aussi plus douloureux, pas vrai ? Alors, on se retrouve à vider des niveaux immenses, des hectares de bâtiments pleins de pions. Et bâtiments égal ? Fenêtres ! J’insiste sur le pluriel. Votre fenestrophobie s’accentuera vers la fin du jeu.
Maintenant ! Imaginez un stage avec un cocktail détonnant qui combine « grand nombre de fenêtres + immense terrain de jeu ». Je n’ai pas les mots. In game, même un bouddhiste perdrait patience. Bien sûr, on peut s’y faire. S’adapter à l’agressivité des ennemis et à l’injustice du level-design. J’ai terminé l’ensemble des chapitres au rang S, aussi bien en difficile. Résultat ? Ma manette repose en paix (2015-2019). J’ai déboîté le R1 de mon pad One à essayer d’atteindre aussi vite que possible mes cibles.
Suffit de faire un tour sur le workshop. C’est simple : plus tu mets de fenêtres, moins ton niveau récoltera d’étoiles. Bien fait pour leur gueule. Voilà, j’ai écrit deux paragraphes là-dessus et ça fait du bien. Mais merde quoi, j’avais l’impression de subir le complexe typiquement américain du « bigger is better ». Oui oui, je sais. Hotline Miami est suédois. Dans ce cas, j’aurais préféré ressentir la philosophie Ikea dans leurs stages : condensé, pratique et esthétique.
Un petit coup de gueule pas bien méchant. Ash et Alex, le duo frère au flingue et sœur à la tronçonneuse. Sur le papier, l’idée a de la gueule. Pendant que l’une creuse dans les boyaux d’un pauvre russe, l’autre se charge de descendre ceux qui s’approchent de trop. Manque de pot, même les Ice Climbers de Smash Bros. finissent bien plus maniables. L’art de la désynchronisation des petits esquimaux est le sel de leur gameplay. C’est un personnage quasi mystérieux quant à son potentiel de jeu, mais le fun est là. Ash et Alex ont oubliés les murs. Du coup, ils se retrouvent souvent séparés et avec du plomb dans la tête. C’est vraiment le seul et unique raté dans le domaine du gameplay dans la saga.
Un élément m’a frappé durant ma quête. Hotline Miami est aussi une image de l’apocalypse. Les années froides entre les Etats-Unis et l’URSS sont au cœur même de l’intrigue. Et l’effet papillon qu’a enclenché le conflit a lancé la folie de Jacket, anti-héros du premier Hotline. Les masques. Celui de Majora est aussi la chose qui causa la fin du monde dans le Zelda éponyme. A croire que tout notre Mal s’exprime qu’à travers un masque sur le visage. Un premier run du titre vous rendra perplexe. On nous met dans la peau de l’héritage de Jacket, désormais perçu comme un symbole patriotique américain ayant massacré cent terrains de foot de russes. John Wick n’est qu’un petit joueur aux côtés de Jacket.
Le mythe du monstre de Miami est enfin fini. Le premier jeu posait les pièces extérieures du puzzle. Le joueur pouvait plus ou moins suivre le récit. C’est en lançant la machine du deuxième Hotline Miami que l’on se rend compte à quel point le récit est réussi. Un véritable trip qui à la fois chie sur le patriotisme et l’embellit sous la rage des « justiciers » de Miami. Au premier coup d’œil, illogique. Un coup l’on vit les évènements en 1985 à Hawaii, terre de conflit entre les forces soviétiques et américaines. Là où tout a commencé. Tous les « pourquoi ? » sortis de notre bouche durant le premier épisode trouvent leurs réponses ici. Et un coup, on retourne en 1989, les temps où les actes de Jacket ont changés la vie des héros de ce second Hotline Miami. Ces voyages dans le temps, tout comme sur un fond de rewind/forward lors de la lecture d’une cassette VHS, rendent fou dans un premier temps.
Derrière les rideaux, Richard joue le maître de cérémonie. La tête de coq est la représentation même de Jacket dans l’inconscient collectif des héros. Parfois, il joue le rôle de la faucheuse. On se retrouvera à suivre les traces d’un écrivain pacifique, Evan, qui rêve de publier les faits qui gravitent autour de Jacket. Il n’aura pas à tuer. C’est là le gameplay le moins jouissif, le plus bloqué et anti-fun. Et paf ! Voilà le piège. C’est là que l’on se surprend à ressentir le manque d’une bonne dose d’adrénaline. On peut aussi activer son mode létal et buter la vermine. Pardo, le flic à deux faces, est un personnage avec moult détails à découvrir lors des passages entre les missions. Qui est-il réellement ? Son cas est particulier du fait qu’il est littéralement une reprise d’un véritable personnage ayant existé.
Les Fans, eux, ont hérités du gameplay aux masques de Jacket. Dévoués à suivre ses pas à nettoyer Miami de la souillure russe, ils laissent une réelle mer rouge derrière eux. Le Fils du parrain russe de la première partie de Hotline Miami reprend son trône. Sa soif de violence sans limites le pousse à trucider tout ce qui bouge sur ses territoires. Les colombiens, les petits trafiquants. Connaîtra-t-il le même sort que sa paternité ?
Et enfin, la clé de tout. Le début et la fin. Beard, personnage qui illustre la cover de cet épisode deux. Ce bon vieux barbu au poil roux qui accueillait Jacket après ses meurtres. Tous les chemins empruntés, les raisons de tuer, le patriotisme excessif, le sang miaméen versé. Tout converge vers son histoire. Et au bout du tunnel, 50 Blessings. L’organisation derrière les coups de téléphone, la Hotline de Miami. La « voix » dans la tête qui ordonne de tuer. Au sommet de la pyramide n’est que Richard le masque de Coq. Un trip sous acide je vous dis.
Ce fut mon cas. J’ai dû prendre des notes, fasciné que j’étais par cette histoire pleine de coïncidences. La conclusion est puissante et a balayé d’un coup toutes mes questions, littéralement. Je ne veux pas d’un troisième jeu. Les fans (et non les Fans) se chargent de combler les manques avec des niveaux bien ficelés. Des campagnes entières PLEINES DE FENÊTRES accordent au titre une durée de vie infinie. Et la replay-value est sans pareille.
Un 8/10. Wrong Number ? La vérité est que le dernier jeu de Dennaton mériterait plutôt un 7. Mais sa mythologie a marqué le monde du jeu vidéo, indé ou pas. Une renaissance de l’univers du Retro Wave qui a inspiré un grand nombre d’artistes. Un « petit » jeu qui met des baffes humiliantes aux AAA de l’industrie. L’aura de Hotline Miami continuera de perdurer pour longtemps. Sur ce, je pars écouter du bon Perturbator des familles.
https://youtu.be/aqRGb8JkO38?list=PLo4A4NOiv29cLyM0ghj4gq5bf7aQiQbR5&t=65