Indiana Jones est un jeu intéressant à parcourir en cela qu'il explicite un certain rapport de tractation que tout joueur, qui s'engage dans une expérience vidéoludique, doit faire.
Peut-être qu'un level design excellent l'emportera mais qu'à côté il ne parviendra pas à accepter une défaillance d'écriture ou de direction artistique trop prononcée. Peut-être aimerait-il arriver à ce combat final contre le mal absolu qui concentre tous les travers humains du monde dans son JRPG préféré mais qu'il ne sera pas prêt à se taper les 80h de grind en ATB au milieu. Peut-être rêve-t-il d'un monde où le meilleur système de contre du versus fighting 3D n'est pas parasité par un jeu dont l'attrait marketing principal est la physique utilisée pour faire bouger les gros seins de ses beach volleyeuses à poil. Accepter un produit aussi complexe qu'un jeu dans un art aussi collectif, c'est un marchandage, un marchandage qui peut ou non tourner à notre avantage. Il se trouve qu'Indiana Jones, avec tous ses défauts, et quelque part POUR ses défauts, m'a eu.
Avant la sortie du jeu, une certaine communication autour du titre – qui devait notamment s'expliquer sur ce choix de vue subjective qui a en heurté certains après Uncharted et Tomb Raider – nous vendait l'idée que l'on aura affaire avec cet Indy à un immersive sim. Si ce n'est évidemment pas le cas, force est de reconnaître que la dilution de ce type de game design dans un produit plus mainstream parvient à créer avec le jeu un lien empathique absolument exceptionnel pour qui aime l'aventurier au fédora (et je l'adore), qui a le talent de savoir renvoyer dans les cordes les défauts que l'on aimerait pointer au jeu.
L'IA est nulle ? Ouais, mais c'est Indiana Jones. Il passe son temps à assommer des nazis et des fascistes complètement cons, et c'est super. D'ailleurs, le système de boxe du jeu correspond parfaitement au personnage qui se prend des gnons dans la face et qui doit en rendre, on n'est pas chez Bruce Lee.
Les gunfights sont rarissimes et imprécis ? Qui a envie de voir Indy se faire en solo au BAR ou au Sterling cinquante ennemis en vagues ?
Le fantastique est à la fois tardif et débridé dans l'intrigue ? Je crois même pas avoir besoin de justifier ici, je me contenterais de dire que l'arche perdue, le fantôme, le pont invisible, les extraterrestres, le voyage dans le temps sont tous des éléments de dernier actes dans les films.
L'adversaire est cliché ? Merde, Voss aurait été un des meilleurs opposants de la trilo' et cette histoire aurait largement pu en faire partie.
Le jeu est lourd et chaque petite action a son animation explicite ? On contrôle Indy, un type athlétique et téméraire mais assez goofy à ses heures, à qui il arrive constamment de se vautrer et de se rattraper au dernier moment.
Usw usw.
On peut ergoter longtemps sur x ou y élément du jeu, dans tous les sens. Le produit aurait pu se noyer en étant une immonde merde action / infiltration avec des camps ubisoftienne. Le produit aurait pu être un sous-TR qui est déjà un sous-Uncharted merdeux. Le produit aurait pu capitaliser comme un gros feignant sur des modèles de design que l'on a déjà parcourus dans tous les sens en pleurant nos larmes de sang de pigeon d'une sale industrie.
Au lieu de ça, on est dans les yeux du personnage et on traverse le monde comme quand on était gamin et qu'on s'imaginait avec un chapeau en carton et un bout de ficelle retourner d'improbables temples anciens avec des fosses mortelles et des boules qui roulent. Pour ça, merci les gars.
Après environ 25 ans de gaming, je commence à être très salement blasé. Pour les vingt-six heures trente que le jeu m'aura maintenu dans l'illusion d'être Harrison Ford à travers des destinations qui me fascinent, je ne peux qu'applaudir et remercier. Je suis ému, et ça c'est agréable.