20.000 lieues sous l'Ether
Annoncé il y a quatre ans et tombé entre temps dans une presqu'indifférence un peu scandaleuse, Insanely Twisted Shadow Planet (ITSP) est enfin sorti la semaine dernière, à l'occasion du Summer of Arcade du Xbox Live Arcade. Intriguant et plutôt sexy avec ses monstres en silhouettes et son petit vaisseau mignon, le titre de Michel Gagné nous excitait un peu plus à chaque nouveau trailer. Et pendant que nous pensions qu'il s'agissait d'un shoot un peu arty hardcore difficile, il s'avérait que nous nous étions lourdement trompés. Ça n'empêche pas ITSP d'être un très bon titre, juste pas forcément celui que nous attendions.
PIXEL PUNK SHOOTER
Vous incarnerez bel et bien un petit vaisseau, devant rétablir l'ordre et la justice sur (et dans) une planète rongée par un mal tentaculaire et noir goudron. En termes de gameplay, cela se résume à arpenter des souterrains et aller botter le séant de cinq grands méchants boss tous plus vicelards les uns que les autres. Dans son maniement, le titre n'est pas sans rappeler l'excellent Pixel Junk Shooter (exclu PSN) qui lui aussi fait honneur au genre de niche qu'est le "shoot spéléologue".
Là où le jeu surprend, c'est par sa structure. Alors qu'on imaginait un titre proposant une progression "classique" à base de niveaux comme dans tout shoot bien sous tous rapports, on se retrouve en fait dans un mini Metroid. On se balade dans cinq mondes différents possédant tous une idée de gameplay particulière, souvent utilisée comme la pierre angulaire d'énigmes à résoudre. Car oui, avant d'être un shoot, Insanely Twisted Shadow Planet est un jeu d'exploration et de résolution d'énigmes. A chaque fois que vous récupérerez un nouveau pouvoir, vous pouvez être certain qu'il sera mis à contribution quelques minutes plus tard. Et bien que la seule véritable difficulté vienne des combats, il n'est pas exclu que vous ayez à vous creuser le ciboulot pour progresser et mine de rien, ça fait un bien fou.
Le titre possède aussi un mode multijoueur où vous devrez coopérer pour avancer dans un tunnel avec des monstres au cul. C'est franchement anecdotique et ça ne vaut pas vraiment le coup qu'on s'étende dessus outre mesure.
MICHEL #WINNING
Et si on arrêtait de se mentir ? Je vous parle du gameplay, vous faites semblant d'être intéressés (et c'est très gentil de votre part) mais ce dont vous voulez véritablement entendre parler, c'est l'aspect visuel, je le sais. Et vous auriez tort de le nier puisque c'est en effet sur ce point que ITSP tire son épingle du jeu. Grâce au talent fou et à l'univers fantastique de Michel Gagné, c'est un véritable microcosme du merveilleux qui s'anime devant nos yeux. Teintes monochromes, monstres tentaculaires, animations organiques, c'est un véritable déluge visuel qui s'abattra sur vous. Chacun des cinq mondes possèdent une teinte, une ambiance, un univers propre et on avancera parfois même par pure envie de savoir à quoi ressemblera la prochaine section du jeu. Faune et flore se confondent dans une harmonie parfois troublante, donnant l'impression qu'un écosystème crédible et vivant se déploie sous nos yeux.
Du coup, presque logique mais toutefois frustrant, le jeu ne possède presque pas de musiques, à peine une timide nappe d'ambiance de-ci de-là, le reste étant juste composé des bruitages. Même si cela renforce un peu la crédibilité de l'univers, l'ambiance globale en pâtit un peu. Pire encore, quelques chutes de framerate viennent parfois frapper l'animation des plus gros ennemis. S'il n'y a globalement rien de scandaleux d'un point de vue technique, il faut avouer que ces micro-ralentissements brisent parfois les velléités organiques de la direction artistique du jeu. Pas de quoi hurler au loup, le jeu reste d'une beauté incroyable et mettra un allègre coup de pied au cul de vos rétines.
ÉPHÉMÈRE-VEILLEUX
Et ces baisses de framerate ne sont pas les seules faiblesses du titre. Insanely Twisted Shadow Planet est terriblement court. Quatre heures seulement devraient suffire à le boucler pour apercevoir une fin absolument insipide. Un peu comme la fille super canon qu'on ramène de soirée et qui s'endort après les préliminaires. Mais vous savez ce qu'on dit, le voyage est plus important que la destination. Si je devais choisir un point de comparaison, ça serait Limbo. Vendu à la même période, au même prix (1200 Microsoft points) et affublé du même problème de durée de vie scandaleuse et de fin idiote. Et pourtant, le titre s'en est sorti avec les honneurs, remportant des récompenses un peu partout et quelques gros paquets de billets.
Et je n'ai aucune honte de dire que je me suis senti moins arnaqué avec Insanely Twisted Shadow Planet qu'avec Limbo. Plus généreux, moins prétentieux, il essaie de faire plaisir tout en s'amusant lui-même et on ne peut décemment pas le blâmer pour ça. De plus, il faut savoir que le jeu était sensé être plus long mais que pour des impératifs de calendrier (Summer of Arcade oblige), il a fallu faire quelques coupes dans le jeu, coupes que l'on retrouvera peut-être plus tard dans une suite ou en DLC.
Bref, s'il est un peu cher pour son contenu, le jeu de FuelCell Games est un fantastique trip "metroidien" dans un monde merveilleux que vous voulez absolument visiter. Vous passez votre temps à surveiller les baisses de prix de jeux, à vous dire "non je le prendrai en occase" ou à vous priver ? Offrez-vous le luxe de jouer à Insanely Twisted Shadow Planet, vous l'avez bien mérité.