Kona
6.4
Kona

Jeu de Parabole et Ravenscourt (2017Xbox One)

Il semble que je me suis perdu dans les fonds des chiottes du Canada, j’ai pourtant tiré la chasse, et rien à faire, j’ai été transporté dans le tunnel à la suite de Livelock et Outlast.

Mais ne vous inquiétez pas, je ne vais pas chier sur ce jeu juste parce qu’il partage les mêmes financements que deux étrons déjà testés, non, bien sûr, je m’en vais me balader à travers ce blizzard blanc. Je suis détective privé au fait, je voyage dans les profondeurs de la campagne québécoise et on peut dire que je suis bien perdu. Je dois trouver le magasin général, et au détour d’un accident de la route, je trouve mon client, mort, et le criminel s’est enfui il y a peu. Un sombre mystère sur les mains en comptant aussi que certains indigènes finissent cryogénisés ces derniers temps !

Pas de soucis, j’écoute la ligne télégraphique du Canada et elle me transportera à bon port. L’écran de chargement se terminera, je vous le promets. On saura ce que l’image veut dire.


Première maison, je commence à fouiller les alentours, et on peut dire que j’ai bien du mal. L’interface est très difficilement activable, elle trotte devant mes yeux, me nargue littéralement, j’essaye de l’attraper, de changer de position, et c’est seulement après maints essais qu’elle finit dans ma main, et qu’en récompense, je n’ai le droit qu’à un stupide détail du narrateur.

Car oui, ce jeu détient un narrateur, il parle, blablate, balance des blagues et donc, en conséquence, dénature l’enquête. Je mène l’enquête à côté d’un cadavre, et mon personnage de s’exclamer en lettres d’or sur le mur « C’EST LE BORDEL ICI ! » Ok, merci bien. Si seulement ce n’était que des interventions passagères, mais il se permet bien d’avoir un mot sur tout, allant même jusqu’à critiquer toutes les victimes dès qu’il en a l’opportunité : C’est un complotiste, c’est un vieux fou, c’est un imbécile, c’est une catho fanatique. Il va falloir cadenasser ce narrateur plus qu’omniscient, car il écope aussi d’un compas en moralité plutôt sévère.


Mais c’est à cause de l’histoire aussi, coupable d’en faire des caisses avec un scénario plutôt vu et revu : un crime est commis, le meurtre du méchant propriétaire terrien, et autour de lui, vitrification dans la glace de quelques notables du village, j’ai vite fait les comptes et je m’apprête déjà à désigner le coupable de cette affaire, le mauvais goût ! Oui ! C’est lui qui est responsable de tous ces tracas ! Une histoire de vengeance d’une sombre légende amérindienne qui s’en prend aux responsables plus ou moins lointains ou proches, qui a mené à la mort non honorable d’une jeune fille. Eh oui, je n’ai même pas terminé le jeu, et je m’attends déjà à voir la malédiction du pharaon frigorifié.


Peut-être… Ou devrais-je dire… Sûrement, que le pot aux roses ait été vendu dès qu’on a commencé à me faire vadrouiller les lieux, dans l’ordre que je voulais. Alors, bien sûr, on doit suivre la progression des maisons, à la recherche d’un bon feu de camp, car le froid tue aussi bien que les loups dans ces terres hostiles. Donc, forcément, on se tape le magasin général, la maison des Lachance, et là, ça sent un peu les limbes… On est dirigé dans un flou… Où dois-je aller ensuite ? Eh ben, partout, tempête le narrateur, espèce de joueur débile. On se doit donc de rejoindre la maison du docteur, qui nous apprend la mort d’une victime avant le propriétaire terrien. Ensuite, c’est au tour du patriote, du vieux fou, de Lamothe, et de la caverne de glace où on trouve le patriote. Il y a une progression dans l’enquête, on soulève peu à peu des couches… Néanmoins, je regrette le côté dirigiste qu’on pouvait trouver dans Deadly Premonition, ou dans n’importe quel jeu d’enquête (et malheureusement, très flou dans Sinking City et un peu plus dans l’Appel de Cthulhu). Ici, on peut dire au revoir à toutes cinématiques, à tout sentiment qui pourrait nous donner l’illusion de suivre un film. Non, on trouve un cadavre, de quoi faire une boisson (Caribou) et de la donner au vieux, on récupère un manteau, on s’engouffre dans une grotte et hop, on trouve un autre cadavre gelé, magie, on trouve de la dynamite. C’est bon, on peut aller plus loin dans le jeu. N’empêche qu’il y a un projet secret, et une caverne sous la maison des Lachance, et pourtant, ça n’a pas l’air de faire partie de l’histoire principale, on l’oublie et on continue l’air de rien.


Tout cela pour laisser libre cours à la survie du jeu… Un gameplay des plus mordants… Comme le froid… Enfin, pourquoi essaye-t-on de faire survivre un homme qui ressemble de par son ombre à un Slenderman, ses longs bras ballants, détachés de son torse… Qui se balade un peu partout dans la forêt et jette des steaks au loup… M’est d’avis qu’il y a plus grand danger que le Wendigo sur ces terres. Mais bon, la survie est un peu défectueuse, elle repose sur des jauges de froid, de santé mentale (stress), et de santé physique. Le froid étant la plus sensible, je m’attendais à ce que les feux de camp soient rares, et que les maisons semblent si loin les unes des autres. Enfin, il suffit juste de suivre n’importe quelle piste laissée par un loup pour tomber nez-à-nez avec un feu de camp ! Super ! Et les éléments pour créer un feu sont constamment entreposés dans toutes maisons, on en récupère tellement, et le bois réapparaît parfois en boucle. Je peux même vous assurer que je fais le jeu sans voiture (pour un succès), et donc, sans la possibilité de se déplacer sans se frigorifier les doigts entre deux maisons.


Inutile de dire que le jeu aurait été plus appréciable sans une jauge de froid, si elle ne rend pas le jeu plus difficile, elle rend le jeu plus chiant. On supporte le délire de la survie plutôt qu’on vit un réel défi. C’est comme la connerie du Mode Endurance de Lara Croft, avec sa lanterne qu’on emmène partout car elle soigne de tous les froids, même des plus extrêmes. Oui, je sais, je pense toujours à ce DLC. C’est qu’il me tourmente encore aujourd’hui. Sibérie et Canada, même combat. Petite note à celui qui a lu cette critique et celle que j’ai faite sur le Mode endurance. Je vous salue.


Je trouve aussi débile l’idée que le polaroïd n’a pas des pellicules infinies, alors qu’on en a besoin pour suivre les traces de la bête à travers les photos. Mais qu’est-ce que je raconte ? J’ai appris après avoir épuisé mes photos sur du rien, que les photos sont importantes seulement pour les éléments liés à l’enquête (cadavres et tombes), et que les empreintes de chien sont là pour aiguiller la bonne direction sans qu’on ait besoin de sortir son appareil tout le temps. Et quand j’avais réellement besoin de prendre des photos, j’étais bien niqué, j’étais à sec.

Il y a quand même beaucoup de choses à collectionner dans ce jeu : des photos, des documents, des cartes de chasses au trésor, des talismans qui servent à rien, des feux de camp, des cabanes, des clés, des armes… Et si vous ratez des entrées de journal, préparez-vous à l’interface de mauvais goût qui vous présentent les documents, car certains d’entre eux doivent se lire sur toutes les pages. Eh oui, vous le ratez, et finissez par tourner la roulotte aux documents, à la recherche du maillon manquant, en vain ! A force d’en récupérer, ils deviennent de plus en plus petits, et aucun ne se démarque du reste. De toute façon, je trouve que l’esthétique de cette interface est à refaire. C’est moche. J’ai l’impression de jouer à un jeu Ubisoft !


Et à la mesure où l’atmosphère en pâtit un peu, j’aurai bien aimé une meilleure ambiance musicale. Du banjo, des zing, zing, zoing, zoing, j’en ai un peu ras la casquette. Où est passé le côté oppressant de la nature sauvage ? On est pas chez les ploucs, on est transportés dans un endroit où le mysticisme se lie à l’austérité d’un milieu froid. Je trouve qu’il manque de synthé, d’ambient, et peut-être un peu de musique glauque, ou même terrifiante.

Au final, j’ai davantage ressenti de la peur grâce à l’austérité du jeu (indé, quand tu me flippes), mais celle-ci retombe assez facilement à cause de tous les allers/retours que j’ai pu me taper entre chaque maison, à tel point que, comme je l’ai dit plus haut, on perd le côté enquête vers le milieu. Et cela devient juste un bête Walking simulator.


Quant à la fin, si on peut appeler ça une fin… Quand on me vend sur la carte, la maison des Hamilton, j’espère à un moment l’atteindre, et tomber de surprise en surprise, avec de nouveaux indices, m’obligeant à tout reconfigurer de moi-même ! C’est fou, il suffisait juste de terminer le jeu avec un stupide chemin qui mène au sanctuaire de la bête, un sanctuaire qu’on aurait pu trouver plus éloigné dans la nature sauvage. Mais voilà, le sanctuaire est déjà là, on tombe sur le wendigo, et révélations en révélations, on ne s’arrête plus, je découvre la vérité sur le corps de la jeune femme… C’était une pauvre dame abattue dans un accident de chasse, et les principaux chasseurs ont décidé de couvrir le crime. Ouais… C’est ça. Et le docteur devient le Wendigo. Ouais… C’est ça. Qu’on m’explique ce que fout une jeune fille dans la forêt par contre… La voir là, plutôt qu’ailleurs, dans une belle chaumière bien cossue, c’est à se dire si elle avait des tendances suicidaires !


Ne vous inquiétez pas, le boss de fin est très facile, on fuit les loups et le boss, et arrivé au bateau… Une dernière apparition du wendigo nous rappelle la dangerosité d’un tel animal, il vous coupe la tête d’un coup de griffes, et vous retourne l’estomac, mais dans cette version, on dirait qu’il aime juste vous regarder à travers un grillage, vous tendre la main, et rester là, car on ne l’a pas animé à tuer, à couper votre tête à coups de griffes, à vous retourner l’estomac, et j’en passe.


« On a trouvé un survivant ! »


Oui, vous avez trouvé Carl Faubert, un détective privé qui a suivi une enquête sans réfléchir, un personnage sans passé décortiqué, sans âme insufflé dans nos actions, il suit le chemin de randonnée à travers forêt comme un bête Carl Stucky, possédé par la Marche Nordique… Pour la peine, je regrette (un peu) Charles Reed de Sinking City.


Bon, je n’ose pas dire qu’il est mauvais, la plupart de mes arguments se repose sur de petits détails, et en vrai, j’ai passé un bon moment. C’est juste que quand on me donne de quoi rêver, j’espère qu’on dépasse mes attentes un peu cyniques… Un tout petit peu.

Malheureusement, l’écran de chargement continue à se jouer… Je n’ai pas terminé ce chapitre de ma vie. Je me suis perdu dans la forêt et seul un lampadaire semble donner un bon repère.


On va suivre la route. La ligne télégraphique. Et la musique.

Diegressif
5
Écrit par

Créée

le 12 janv. 2023

Critique lue 45 fois

Diegressif

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