Si Yakuza était la saga de son héros phare Kiryu, Like a Dragon est celle d’Ichiban. Je pense que c’est la façon la plus simple d’expliquer succinctement aux nouveaux venus le pourquoi du comment de ce changement de nom. Mais au-delà du nom c’était un changement de système qui était survenu lors de la venue de Like a Dragon en 2020. Passant du beat them all au JRPG tour par tour, l’épisode rabattait les cartes de façon assez maligne en conservant l’humour loufoque si japonais de la série mère. Un humour qu’on retrouvait à l’origine surtout dans les sidequests puisque la trame principale a toujours été au contraire très premier degrés. Mieux, Ichiban qui avait la lourde tâche de succéder à Kiryu en tant que héros réussissait à convaincre et même à toucher par sa naïveté, comme s’il appliquait les codes du shonen (et de dragon quest) dans chaque aspect de sa vie.Je salue personnellement le fait d’avoir fait un héros diamétralement différent plutôt qu’un Kiryu Bis. Il y avait bien quelques approximations de gameplay et on pouvait sentir qu’il y avait encore de la marge de progression mais tout de même, changer de héros et de système n’était pas les moins audacieux des choix. Surtout que le scénario et la nouvelle galerie de personnage était au top niveau de la série. Changement de système donc mais pas forcément changement de formule dans le sens où on retrouvait cette générosité d’à côté qui faisait elle aussi partie de l’adn de la saga. Bref ça fonctionnait pas mal du tout et les risques ont payés puisque la popularité de la série a franchi définitivement un cap depuis.




Ce qui nous amène à cet Infinite Wealth qui doit venir confirmer tout ce que cette « nouvelle saga » avait instauré 4 ans plus tôt. Petite remise en contexte et spoiler du précédent à venir, d’ailleurs pour évacuer de suite la question : Non Infinite Wealth n’est pas recommandé si on n’a pas AU MOINS fait le précédent grand minimum. J’encouragerai même largement à faire Gaiden pour bien saisir la situation de Kiryu. Les épisodes 1 à 6 sont un vrai plus pour capter toute la teneur émotionnelle mais pas indispensables à la compréhension. Comme annoncé de longue date cet épisode se veut le trait d’union entre Kiryu et Ichiban en réunissant les deux héros au sein d’un même épisode.


On retrouve notre grand naïf d’Ichiban après « la grande dissolution », un événement qui a vu les deux grandes familles historiques de yakuzas disparaitre renvoyant ainsi des milliers de truands dans la vie civile. Désormais employé vacataire d’Hello Works, le France Travail japonais, Ichiban met du cœur dans son travail et se fait apprécier de ses collègues. Ses comparses de l’aventure précédente ont également repris une vie normale. La fine équipe continue de se voir pour boire des coups au Survive Bar comme autrefois et se donner les dernières nouvelles. L’occasion de constater les mésaventures amoureuses d’Ichiban décidemment bien maladroit. Rapidement, les événements s’emballeront aboutissant à un billet d’avion direction Hawaï.


HAWAII 5.0

Un nouveau terrain de jeu pour la série qui fait du bien visuellement après avoir arpenté le japon de Kamurocho à Yokohama et qui d’office donne un côté vacancier à cette aventure. Une destination de vacance certes mais qui va évidemment devenir le théâtre de luttes de pouvoirs diverses et variées justifiant ainsi de se faire agresser par tous les gangs du coin. L’occasion idéale de tâter le tour par tour et de constater que pas mal de petites choses ont été peaufinées. Le placement des personnages devient une composante essentielle puisque l’on peut désormais faire bouger nos personnages dans une aire restreinte avant de valider nos actions. Ainsi nous avons la possibilité d’orienter notre coup afin d’envoyer nos ennemis dans les éléments du décor ou encore vers un allié afin que celui-ci le réceptionne en ajoutant une attaque supplémentaire. Cela permet aussi plus de précision pour les attaques de zones ou en ligne droite afin de toucher une brochette d’ennemis. Finis de se faire intercepté par un ennemi qui se trouve dans la trajectoire de nos déplacements, les devs ont compris que cette mécanique était plus embêtante qu’intéressante. Attaque élémentaire, buff et debuff en tout genre, attaque en duo ou groupée… Le jeu offre toute une palette d’action dans la pure tradition du genre JRPG. On retrouve les acolytes, l’équivalent des invocations de Final Fantasy qui moyennant finance ajoute un 5éme membre à notre team durant le combat. Toujours aussi gadget mais toujours plus barrés les uns que les autres ! Auparavant nous passions par Hello Work pour changer de jobs, dans InfiniteWealth c’est l’agence touristique Alohappy Tour qui occupe ce rôle. En fonction des stats sociales d’Ichiban plusieurs activités touristiques deviennent disponibles. Moyennant finance notre troupe de héros peut alors participer à une activité qui va susciter une idée à l’un d’entre eux débloquant alors un job. Par exemple une bataille de pistolet à eau donnera l’idée du job pistolero. Les scènes sont une fois encore très drôles et c’est une chouette idée de mise en scène plutôt qu’un simple menu. D’ailleurs c’est un constat généralisé, chaque changement de quelque chose, chaque petite action, mini jeu a droit à sa petite scénette barrée qui contribue au grand guignolesque des à cotés. Une tendance que pas mal de vieux roublard de la saga déplorent en dénonçant un jeu « pour streamer » … Ce qui n’est pas mon cas.


Petit mot sur l’aspect technique jamais pris à défaut mais avec un moteur qui montre quelques signes de fatigues avec ses PNJ robotiques et rigides. Certaines animations n’ont pas été retouchées depuis les Kiwamis et ça commence à se voir…




ALOHAPPY

Ce qui est sûr c’est qu’Infinite Wealth est de loin le plus généreux des jeux de la licence. On en viendrait à se demander si l’infinie richesse du titre ne fait pas allusion au contenu gargantuesque offert aux joueurs sur un plateau. Au delà des 14 chapitres qui composent l’aventure principale c’est tout un tas d’activités qui vous ouvrent leurs bras. Comme le veut la tradition chaque épisode comporte un à coté majeur, une sorte de quête annexe au long cours avec mini jeux et mini scénario consistant généralement à affronter un groupe dans un domaine précis. On avait eu la gestion de bars à hôtesses, les magnats de l’immobilier, les tournois de combats ou encore la finance d’entreprise de l’épisode précédent. Et bien accrochez-vous car ici ce n’est pas un mais deux jeux à part entière dans lesquelles vous pourrez vous investir.

Tout d’abord la quête des Sujimon. Derrière ce nom étrange se cache en fait le bestiaire du jeu que vous pourrez collectionner comme des Pokémons. Mais ça ne s’arrête pas là puisque vous devrez également affronter d’autres « dresseurs » et même des maitres sujimons afin de monter dans la compétition. Parfois à la fin d’un combat au tour par tour vous aurez la possibilité de tenter de séduire un ennemi vaincu en lui offrant un cadeau et en martelant une touche de votre manette. Ce n’est pas la seule façon d’étoffer vos rangs puisque vous gagnerez également des tickets sujimon à utiliser dans un gachapon, une de ces machines à goodies populaire au japon afin d’en gagner un aléatoirement. Ils sont classés par rareté soit bronze, argent, or et platine. Vos créatures peuvent parfois évoluer en utilisant vos doublons. Il y a aussi des défis en tout genre au stade Sujimon avec récompense à la clef. Bref, les développeurs ne se sont pas contentés du minimum et ont poussés le truc à fond.


La seconde activité n’est autre que Dondoko Island, un animal-crossing-like largement teasé en amont par Sega. Ici aussi le « mini jeu » s’avère hyper copieux avec son petit pan d’histoire dédié. Il s’agira donc dans un premier temps de déblayer l’ile tombée en disgrâce et servant de dépotoir aux concurrents. Il vous faudra chopper des ressources à grand coup de bâte afin de construire vos premiers objets et embellir tout cet espace. Puis il faudra remplir des objectifs de fréquentation, de satisfaction et de déblaiement pour enfin récupérer vos étoiles jusqu’à devenir à terme le site 5 étoiles que vous étiez autrefois. Au fil de votre avancée vous pourrez faire venir des clients qui auront chacun leurs attentes qu’il faudra combler afin d’engranger toujours plus de dokodollars, la monnaie locale (convertible en vrai dollars pour vous faire un peu d’argent in game). On parle la encore d’une quête s’étalant sur 12-15 heures et pouvant être joué encore pour le plaisir après sa conclusion. Pour ma part à partir du moment où j’y ai eu accès, je n’ai repris le cours de l’aventure principale que quand j’ai l’ai eu fini, l’addiction était totale. Et je n’ai pas évoqué toutes les mécaniques comme l’upgrade des outils, les spots de pubs, la pêche, les souvenirs à créer, les assauts des concurrents ou la ferme dondoko qui met à profit vos sujimons!


Il y a aussi plusieurs donjons à explorer dans le jeu. Chaque étage comporte 5 personnes à sauver afin de grappiller un objet bonus. Le but premier étant d’arriver au bout de chaque étage en se débarrassant du mid-boss à mi parcours et du boss final. On est clairement sur du donjon généré de façon procédural et bien rébarbatif mais honnêtement ça ne prend pas beaucoup de temps à faire. En termes de structure on est exactement dans la même veine que les égouts du précédent épisode. Le truc c’est que si on cherche l’optimisation c’est probablement le meilleur spot pour aller à la pêche à l’Exp, l’argent et même les équipements. Donc c’est potentiellement à refaire plusieurs fois si vous êtes du genre à farmer… Peux mieux faire donc sur cet aspect.


Une des premières activités qui vous sera proposée sera la livraison de repas façon Uber Eat en vélo. Un mini jeu qui renvoie à une philosophie très Crazy Taxi dans l’âme venant faire un énième clin d’œil au patrimoine de Sega et achevant de confirmer le statut non officiel de la saga comme Musée Sega. Ah et il y aussi le « Pokemon Snap des pervers »…

Vous en voulez encore ? Comme à chaque épisode on a droit aux sempiternels billards, karaoké, batting center, majong, fléchettes, shogi, bornes de jeu rétro, UFO Catcher… J’en oublie surement mais c’est absolument absurde. Like a Dragon Infinite Wealth pourrait sans mal être un party game à sortir en soirée pour s’amuser entres amis.


METTRE LA DARONNE A L’ABRI

Cependant il y a un souci majeur dans cet épisode à mon sens. La narration peine à accrocher et donne la sensation de faire du surplace un long moment. Dès le début quelque part le ton est donné avec cette intro qui tire un poil en longueur avant de nous mettre véritablement dans le bain. J’apprécie assez que le temps soit pris pour raconter les choses mais ici il y a un truc un peu pataud, qui s’embourbe à trop vouloir en faire. Et une fois arrivé à Hawaï vous passerez au moins la moitié du jeu avec un même objectif mais qui sera sans cesse repoussé et tiré artificiellement en longueur. Ça m’a donné une impression de cache misère, comme si on masquait un scénario pauvre derrière des péripéties un peu gratuites. La fameuse confiture étalée sur une tartine trop grande. C’est un constat qui m’attriste d’autant plus pour deux raisons. La première c’est que généralement dans la série les scénarios savaient être prenant, avec leurs lots de deus ex machina complètement exagérés certes, mais les chapitres se bouclaient sur des moments assez forts et on avait souvent l’envie de voir la suite. Dans cet épisode j’étais galvanisé par tous ce que le jeu propose en termes d’activité mais la trame ne pas vraiment motivé outre mesure.

La seconde raison qui me désole c’est qu’à côté de ça les personnages sont superbement bien écrits (Sauf les antagonistes, Gaiden en proposait de meilleurs à mon sens par exemple). Pourtant Tomizawa pour ne citer que lui ne m’inspirait pas grand-chose à la base mais son évolution et son arc narratif ont fini de me convaincre. Pareil du côté de Chitose. Je regrette un peu qu’Ichiban soit un poil en retrait alors qu’il avait illuminé Like a Dragon par son arrivée. Il se trouve éclipsé par un Kiryu aux questionnements infiniment touchants quand on a vécu toutes ses aventures avec lui. Est-ce que la faiblesse du scénario (en terme d'enjeux) serait le signe de l’absence de Nagoshi le papa historique de la série (et qui écrivait les scénarios il me semble) ? Peut-être… Une écriture de personnages si juste au service d’une histoire mal rythmée et aux implications qui laissent de marbre, c’est vraiment dommage. Le premier Like a Dragon était bien mieux maitrisé dans sa trame principale.


QUAND LE TROP EST L'ENNEMI DU BIEN

“Il est aussi noble de tendre à l'équilibre qu'à la perfection ; car c'est une perfection que de garder l'équilibre.”

Au moment de rendre un verdict sur cette grande aventure que j’ai vécu je suis vraiment embêté. Parce que dans un sens j’ai pris un plaisir immense à plonger tête la première dans ce Hawaï et ses activités à foisons. J’ai passé des dizaines d’heures à arpenter tous ce que je pouvais, à jouer la complétion sans ennui, à collectionner les sujimons, à rendre dondoko charmante, à améliorer mes personnages et à rire de ces sous quêtes délicieusement absurdes aux sous texte souvent pertinent. Mais le truc c’est que moi si j’aime cette série c’est aussi pour ce qu’elle me raconte. Vous savez c’est un peu comme Metal Gear Solid, on est attaché à ses personnages et sa storyline débilos. Pourtant j’ai largement tendance à m’en foutre en règle générale, je l’ai dit et redit mais je ne m’y retrouve que rarement en termes d’écriture dans le jeu vidéo. Et voilà qu’une des rares exceptions me fait faux bond avec de superbes personnages évoluant dans une aventure n’étant pas du tout à leur mesure… Les personnages racontent beaucoup de choses mais leurs péripéties sont ronflantes. Assez mitigé également sur le fait qu’Ichiban en soit réduit à son rôle de bon gars qui s’attire plein d’amis par sa naïveté. Laissé un poil en retrait au profit du sempiternel Kiryu dont la storyline est elle, une pure réussite.




Infinite Wealth est toujours ce JRPG contemporain qui tord et décline les clichés de son genre en les transposant à notre époque. Il est plus que jamais ce fantastique bac à sable, ce parc d’attraction fun et vraiment drôle. Le prisme est toujours celui des laissés pour comptes, celui de la fameuse poussière cachée sous le tapis, des contradictions d’une société Japonaise (même si ces critiques se voient plus abordées dans le contenu secondaire que principal à mes yeux contrairement à son prédécesseur). C’est mécaniquement un affinement de tout ce qu’était Like a Dragon avec en plus une générosité de chaque instant. Une générosité qui, quand on en a la vision d’ensemble, le dessert un peu dans l’appréciation globale. Il fait tant et tant de choses qu’il créé des disparités qualitative dans ses propositions. De grands coups de coude permanents invitant à sortir des sentiers pour aller s’amuser quitte à encore plus étirer ce rythme déjà trop étalé. Encore une fois je suis embêté de devoir « sanctionner » tant de cadeaux faits aux joueurs en leur en donnant toujours plus. Mais j’aime sortir d’un jeu en me disant qu’un jour j’y retournerai plutôt qu’en étant éreinté. Mon grand père disait toujours qu’il fallait sortir de table en ayant encore un peu faim. Mais il y a peu de chance que je re-déguste un tel morceau (C’est d’autant plus petit bras de la part de SEGA de faire payer le NG+ d’un tel mastodonte).




Ne vous y trompez pas cependant c’est un grand jeu de 2024, un grand épisode de la saga et un jeu qui procure beaucoup plus de plaisir que de déconvenues.

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le 28 févr. 2024

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Joo-Hwan

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