Mafia III
5.5
Mafia III

Jeu de Hangar 13, 2K Czech et 2K Games (2016PC)

Après l’époque troublée de la Prohibition et la folie des années 50 au Nord-Est des USA, ce troisième opus de la saga Mafia change radicalement de ton en nous plaçant en pleine guerre du Vietnam, dans une ville inspirée de la Nouvelle-Orléans, où vont se mêler récit de vengeance, histoires personnelles et luttes pour les droits civiques des Afro-américains, à travers le personnage de Lincoln Clay. Le bonhomme a vu toute sa famille adoptive se faire trahir et tuer par le parrain local, Sal Marcano. Clay va alors entreprendre une véritable guerre pour démanteler l’empire du mafioso, homme après homme, quartier après quartier…


Ceux qui se souviennent de la saga Mafia se rappellent peut-être ses histoires prenantes et ses reconstitutions historiques, servies par des villes plus vraies que nature et des véhicules d’époque à la conduite réaliste. Mafia III n’échappe pas à la règle. L’ambiance années 60 avec ses clubs psychédéliques régale particulièrement grâce à une BO qui empile les classiques, d’Aretha Franklin à Bobby Fuller Four en passant par Clearance Water Revival. New-Bordeaux, inspirée de la Nouvelle-Orléans, avec son bayou, son quartier historique et son gombo, est également franchement réussie, et on se plait à arpenter ses avenues en Chevrolet Bel Air ou en Ford Gran Torino (bon, elles ont d’autres noms dans le jeu, mais on a bien affaire à des véhicules authentiques !). Seuls les graphismes viennent gâcher ce beau travail d’ensemble : même en haute qualité, ils ne sont pas à la hauteur, et j’ai même cru que ma carte graphique avait un problème tant ça ressemblait à un jeu PS3/Xbox 360… Vraiment dommage, car tout le reste est très travaillé, jusqu’aux collectibles, pour le coup vraiment intéressants et pas nombreux (comme dans les autres Mafia, on peut collecter et même lire des magazines d’époque, dont le fameux Playboy, ainsi que des pochettes d’albums).


L’histoire est l’autre point fort du jeu : narrée à partir d’un film documentaire fictif sur Lincoln Clay et sur l’entrevue de John Donovan (son ami et allié de la CIA) devant une commission sénatoriale, elle met en scène sa vendetta brutale et sans merci sur Sal Marcano. Les cinématiques sont bien foutues, dotées d’une esthétique très cinématographique, les dialogues font mouche, il y a de la profondeur et de l’émotion : bref, on est clairement dans la lignée des GTA ou des RDR, des jeux qui savent scénariser, pas des productions AAA aseptisées où même les héros ressemblent à des PNJ ternes et creux (n’est-ce pas Assassin’s Creed !)


On sent également toute l’influence des films de blaxploitation de série B des années 70. Lincolne se retrouvera souvent confronté à de bons gros tarés racistes du Sud des USA, façon Ku Klux Klan, sur fond de Black Power et d’émancipation des Noirs via leur combat pour les droits civiques. Malgré cela, on n’a pas un jeu en noir et blanc (c’est le cas de le dire) : dans tous les camps, il y a des salauds, et le joueur peut même amener Lincoln à en être un, un vrai, pire que tous les autres. Globalement, le jeu distille une vision plutôt mature des conflits humains, le père Ballard se posant en figure antithétique de Lincoln Clay et de sa lutte brutale pour la justice.


Autre aspect GTA : le monde ouvert, et c’est une rupture nette par rapport à ses prédecesseurs, qui étaient très dirigistes (aller d’un point A à un point B), d’où un côté très « couloirisé » qui nuisait énormément à la sensation de liberté. Mafia III veut vraiment que son joueur se sente libre et parte explorer la carte. Petit plus sympa : de nombreux intérieurs sont visitables, ce qui renforce l’immersion.


Mais les jeux Mafia, c’est aussi une jouabilité, et c’est là que ça pêche un peu. Pour détrôner le padrino en chef, il vous faudra bousiller les sources de revenus des responsables de racket, ce qui fera ensuite sortir les lieutenants ; lieutenants qui vous conduiront aux capos (ou « capi », pour respecter le pluriel italien) et enfin, à Marcano. Vous suivez ? Bon. Alors certes, les fusillades sont nerveuses, la moindre erreur se paie cash, et c’est parfois d’ailleurs frustrant de mourir à cause d’un obstacle qui vous a empêché de tuer le bon type au bon moment, ou d’un FDP qui a réussi à se glisser derrière votre dos… La difficulté est largement présente, même si elle dépend en grande partie du joueur et de ses choix ; le simple fait d’aborder une planque ennemie par une autre entrée peut grandement simplifier une mission. Un aspect un peu frustrant, mais qui au final, contraint à la rigueur et à la curiosité, pour justement trouver son style de jeu et la meilleure stratégie possible.

Le problème, c’est qu’on fait un peu tout le temps la même chose, dans Mafia III, dans chaque quartier : flinguer des gars, voler du pognon, interroger des balances, détruire deux trois trucs, flinguer des gars, redétruire, reflinguer, réinterroger… C’est vite lassant. Au bout d’un moment, on se dit qu’un peu de variété serait la bienvenue. La répétitivité est vraiment le gros point faible du titre, qui le fait paraître très long, et ce de manière parfaitement artificielle.


Pour vous aider, vous aurez trois alliés (dont Vito Scaletta, le héros de Mafia II en personne, s’il vous plaît !), qui vous proposeront leurs services et des d’améliorations (plus de santé, de nouvelles armes etc) en échange de missions que vous devrez faire pour eux. Vous pouvez leur attribuer des rackets et des quartiers. C’est un petit plus sympa (s’ils se sentent lésés (une mission se déclenchera où ils essaieront de vous trahir !) mais globalement, cet élément n’a que peu d’influence sur le gameplay, et aurait mérité d’être travaillé.


La conduite, quant à elle, est plutôt agréable (on peut choisir entre une conduite arcade et une conduite plus réaliste), même si les courses font partie des fausses bonnes idées des développeurs : en effet, vous allez conduire des grosses bagnoles américaines des années 60, pas des Lamborghini modernes… Donc en conduite réaliste, bonjour inerties de fou, manœuvrabilité approximative et accélérations laborieuses. C’est là qu’on se dit que le réalisme dans le JV a toujours ses limites…


Quel bilan tirer de ce Mafia III ? Eh ben, pour ma part, il est plutôt positif. Certes, c’est un jeu moche, souvent chiant tant il est redondant, bourré de petits défauts qui peuvent le rendre parfois irritant. Néanmoins, le reduire à ça serait mépriser le taf de fou abattu par Hangar 13 sur l’immersion, l’ambiance, le scnéario, la BO et toutes ces choses qui font qu’un jeu n’est pas un simple divertissement par manette interposée, mais une œuvre élaborée avec un morceau d’âme, qui peut parfois prétendre à ce mot grandiloquent, « l'art ». Clairement, la saga Mafia a encore du chemin à faire avant d'en arriver là, mais elle est en bonne voie : même si on sent partout l’influence du grand frère (spirituel) GTA dans cette aventure à New-Bordeaux, elle n’a désormais plus grand-chose à lui envier.


C4r4mel
6
Écrit par

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le 24 mai 2024

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