Petite prouesse technique, le dernier jeu d’Insomniac Games en met plein la rétine dès les premières secondes sans jamais faire tressauter le framerate de la PS4. Jouant à fond la carte du cool, les développeurs mettent directement le joueur dans la peau de l’homme araignée et le font sauter par la fenêtre pour aller voltiger dans les rues. Pas le temps d’enfiler des perles, il faut déjà se farcir un boss qui piétinerait bien les boules de Spider-Man à coups de talon. Alors on apprend vite fait bien fait les rudiments du combat et on lui broie les dents.
Autant dire qu’avec une mise en bouche pareille, le plaisir est forcément au rendez-vous. Les heures s’enchaînent, le joueur se plaît à défier les lois de la gravité, en se suspendant du haut d’un gratte-ciel et en se laissant tomber comme une fusée jusqu’à amorcer un changement de trajectoire aussi improbable que classieux pour finir par parcourir les rues en survolant taxis et passants new-yorkais. Il y a des choses à faire partout et de vils criminels à entoiler aux quatre coins de la ville.
Ce jeu offre des sensations grisantes et redéfinira pour l’avenir les possibles en matière de découverte d’open world.
Avec des doublages français étonnamment bons et une mise en place de l’intrigue intéressante, Spider-Man PS4 signe en réalité l’une des meilleures entrées en matière qui soit pour un jeu de ce genre.
Mais après une dizaine d’heures de jeu, le constat n’est plus aussi radieux. L’histoire ne s’envole pas ; à vrai dire, elle se contente au maximum de retarder l’échéance. Tous les moyens sont bons : quêtes inutiles, rendez-vous galant qui se termine mal, séquences d’infiltration franchement dispensables avec Mary Jane et, comme si ce n’était pas déjà suffisant, avec Miles, un apparent nobody qui va devenir important.
Lorsque le pot aux roses explose enfin en fin d’acte II, il ne reste déjà plus que quelques heures d’aventure et un long tunnel de boss à combattre. Spider-Man est de ces jeux qui préfèrent le déséquilibre et concentre en 4 heures presque tous les gros vilains qu’il voulait nous faire affronter. C’est d’autant plus frustrant qu’on s’est bien emmerdé durant les actes I et II, quand on y repense. Plutôt que d’expédier Electro, Scorpio et autres teubés au casse pipe pour une pauvre rencontre en acte III, on aurait préféré qu’ils nous soient lâchés en pâture dans les actes précédents, qu’on doive les traquer et qu’ils aient droit à de vrais combats. Parce que oui, tous les combats de boss sont rigoureusement identiques et donc forcément peu captivants : esquiver les assauts ennemis jusqu’à ce que le bouton triangle apparaisse permettant de bolosser le malheureux. Ça vire même au ridicule dans les dernières secondes du combat final où il faut répéter les mêmes esquives pour reporter les mêmes attaques quatre ou cinq fois de suite… C’est nul, il n’y a pas d’idée.
En réalité, c’est un problème plus global du jeu qui touche à son game design qui est d’une fadeur sans nom. Si Insomniac sait modéliser un univers, il ne sait assurément pas comment le remplir intelligemment.
Quand le joueur a bouté tous les criminels hors de chaque quartier, le jeu fait magiquement apparaître d’autres sortes de criminels : des démons d’abord, puis des hommes de Sable et des prisonniers. Pour chaque type de criminels, il faut interrompre 5 crimes en cours dans chaque quartier. De même, il faut attaquer leur camp s’il en existe un dans le quartier.
En parallèle, le jeu ajoute des sacs à dos, des photos de monuments à prendre, puis des pigeons à récupérer, des défis à relever…
Au-delà de la quantité délirante, c’est le procédé visant à remplir à nouveau et à plusieurs reprises un quartier que le joueur aura déjà passé au crible qui fait pester. A chaque fois que le joueur pense avoir fait le tour de l’open world, le jeu refait apparaître des activités partout. Si encore celles-ci étaient intéressantes, mais c’est loin d’être le cas pour toutes. Un camp de prisonnier, c’est la même chose qu’un repaire de Fisk ou un avant-poste de Sable. De même, un crime de démons s’appréhende à l’identique qu’un crime de malfrats.
Alors oui, le système de combat est sympa. Mais non, le joueur n’a pas envie d’enchaîner des bastons ad vitam aeternam si elles ne sont pas originales ou différentes.
Plus généralement, si le développeur n’a pas d’idées pour un jeu de trente heures, qu’il se contente d’un jeu de quinze heures, personne ne lui en voudra. C’est d’autant plus sérieux qu’à trop vouloir retarder les événements, à trop vouloir charger son jeu d’activités annexes et lénifiantes, plus rien n’a de cohérence ni d’importance.
Pour le joueur pressé, la fin d’aventure peut réellement s’avérer pénible, du même effet qu’une mauvaise blague qui ne veut pas s’arrêter. C’est regrettable quand tout avait si bien démarré. Insomniac Games a surtout démontré qu’ils ne savent pas imaginer. La suite, parce qu’il y en aura une, se fera sans moi.