Il se sent plus tisser

Quand ce Spider-Man fut annoncé en exclu PS4, il y a quelques années, ça ne m'a pas fait grand-chose. J'avais tout juste obtenu mon PC de guerre, prêt à faire tourner Binding of Isaac en full 4K, donc que me chaut. Mais j'entendais ici et là des louanges sur le jeu : enfin un Spider-Man dynamique, beau, fluide et surtout fait par les créateurs de Ratchet & Clank, qui en plus reprend la formule Arkham en l'améliorant ! Ce dernier point fit mouche. Les Arkham font partie de mes jeux préférés, avec leurs combats jouissifs, leurs phases d'infiltrations réussies et une adaptation impeccable du héros de base.

Alors quand Sony, réalisant le paquet de thunes laissés sur la table en ne sortant pas ses jeux sur PC, décida de le faire, je me jeta sur ce Spider-Man au moment-même où celui-ci fut disponible (en payant quand même plein pot pour un jeu vieux de quelques années, mais passons).

Le jeu est beau, ça oui. Surtout que l'on a ici une version Remastered, avec l'inclusion du Ray-Tracing. Si je n'ai pas joué longtemps avec (je préfère avoir 144 FPS qu'un jeu magnifique), il faut dire que ça envoie. New York est impeccable, grandiose, et les effets de lumière en mettent plein la vue. Spider-Man est parfaitement modélisé, à l'image des comics, et l'on dispose d'une multitude de costumes à débloquer pour l'habiller (dont ceux des films de Raimi et de Webb). Autant vous dire que pour le fan de Spider-Man que je suis, le seul héros Marvel qui trouve encore grâce à mes yeux (je suis passé depuis longtemps chez l'écurie DC, surdose de films Marvel oblige), j'étais en liesse.

La prise en main, surtout au niveau du balancement, est incroyable : c'est fluide, dynamique, plaisant. On saute d'immeubles en immeubles, courant sur une façade d'un, s'accrochant à une balustrade d'un autre, se propulsant à travers un château d'eau, à une vitesse folle. Une expérience grisante pour les fans de l'Araignée. La musique, portée par John Peasono, le compositeur derrière la très solide bande-son de la série Dardevil, est agréable et épique, bien que parfois un peu trop ressemblante à celle des films Marvel.

On incarne un Peter Parker (putain, sans blague), âgé de 23 ans, assistant de recherche du Docteur Otto Octavius. Le jeu commence sur les chapeaux de roues : Spider-Man vient aider à enfin faire tomber le KingPin (le Caïd, et je sais que c'est un détail mineur et sûrement personnel, mais je commence en avoir ras-le-bol et dommage de ne pas conserver les noms déjà traduits de certains personnages. Ça fait toujours bizarre d'entendre le KingPin au lieu du Caïd) au sein même de la tour Fisk. Mais dans la chute et l'arrestation de ce dernier va engendrer une lutte des pouvoirs, avec des personnages comme, entre autres, Osborn, Vulture (Vautour), Electro, Scorpion, Rhino... Des personnages iconiques de la série, incroyablement bien adaptés à l'écran. On croisera également d'autres personnages du comics, comme Miles Morales, Mary Jane, Black Cat (la Chatte-Noire), TaskMaster au cours de nos pérégrinations annexes dans la ville.

L'histoire se suit, intéressante mais jamais réellement prenante. J'ai trouvé le scénario très linéaire, pas folichon et j'ai pas réussi à m'accrocher aux personnages. Ni à Parker qui se débat entre sa vie perso et secrète (un classique des comics), ni aux déboires de certains personnages de l'histoire (Miles, Mary Jane, Octavius...). Vraiment dommage. Quant au doublage VF, il fait le taff, sans être exceptionnel. Et bien que j'apprécie Donald Reignoux, je ne suis pas un fan absolu de son doublage de Peter. On a le droit aussi à des interventions styles podcast de J. Jonah Jameson lorsqu'on se balade dans New York. Bien qu'il reste fidèle à son détracteur de l'Araignée, j'ai trouvé ça dommage qu'Insomniac en fasse un Alex Jones complotiste (comme les films Marvel en fait) et médiocre : même si je comprends la critique, je trouve qu'on s'éloigne trop du journaliste haineux de Spider-Man, mais intègre et intelligent.

Là où j'ai été le plus déçu cependant, c'est au niveau du gameplay. On m'avait vendu le jeu, que ce soit au niveau des journalistes ou retours joueurs, comme un Arkham, mais à la sauce Spider-Man (comprenez le ton plus léger). Et autant sur les déplacements à la toile, c'est fantastique, autant sur les combats et l'infiltration, c'est super faible. Les combats se ressemblent sans jamais briller : certes, Spidey est plus agile que Batman, mais qu'est-ce-que ça manque de punch bon sang. Les gadgets sont multiples et intéressants (bombe de toiles, mini-drones...) mais bien moins facile à utiliser que ceux de Batman, surtout en plein combat. Dans Batman, R1+l'un des 4 boutons d'action de la manette activait un gadget. Dans Spider-Man, il faut maintenir R1, puis sélectionner manuellement l'un des gadgets, brisant la dynamique des combats par un menu contextuel. Aucun moyen (ou alors je n'ai pas trouvé) de switcher rapidement d'un gadget à l'autre : il faut toujours passer par cette saloperie de menu contextuel. On se résulte la plupart du temps à utiliser le lance-toile, le gadget par défaut, qui fait largement l'affaire. Quel dommage !

Et autant les combats, bien que moins intéressant que ceux d'Arkham, restent plaisants, autant les phases d'infiltration sont réellement médiocres. Spider-Man est agile, et pourtant ça reste très classique comme actions possibles. On peut attraper des gars qui passent sous nous pour les ficeler, les assommer par derrière, leur coller un gadget de toile qui les projettent et ficelent contre un mur... et c'est tout ? Batman, bien que sans pouvoirs, pouvait se glisser dans des conduites au sol et dans les murs pour facilement se déplacer et assommer les gardes. Pourquoi ne pas l'avoir fait ici, surtout avec un personnage aussi agile comme Spider-Man ? Dans Arkham, on peut glisser des pièges à droite et à gauche, désactiver les armes à distance, faire des doubles éliminations... Beaucoup plus de possibilités donc, ce qui rend l'expérience dans Spider-Man assez amère, quand on voit le potentiel du jeu.

Ajoutez également des phases inutiles d'infiltration avec Mary Jane ou Miles Morales. Rien à garder, inintéressantes, qui brisent le rythme du jeu. On aurait pu faire mieux et plus agréable avec des cinématiques.

Puis on ouvre la carte. Aïe, la carte est jonchée d'icônes, tel un jeu Ubisoft. Je diagnostique mon patient avec une ObjetsDeMerdeARamassite aiguë. Et que je te mets des sacs à dos à ramasser, et que je te mets des pigeons à attraper, et que je te rajoute des immeubles à photographier. Tiens, et voilà des planques à nettoyer par paquets de dix, et des crimes à empêcher par quartier (5 crimes par faction x 5 factions x 9 quartiers = environ 200 crimes, ça monte vite). Ca sonne remplissage et ennuyeux : ça le devient très vite. Ajoutez à ça des missions secondaires très inégales, et vous obtenez un à-côté supplémentaire assez insipide.

Spider-Man est en réalité une expérience AAA vraiment classique, mais somme toute agréable. Si vous êtes fan du Tisseur, alors vous apprécierez la liberté et la façon dont se meut l'Araignée dans la ville et de ses retournées acrobatiques en plein combat. Même si l'histoire reste simpliste, elle se suit sans trop de problèmes, et respecte très honorablement son matériel de base, que ce soit au niveau des caractères des personnages que dans leur design. On se désolera juste du potentiel gâché au niveau des phases d'infiltration et du remplissage inutile de la carte.
Reste que la suite et son méchant sont teasé à la fin du jeu. Et vu ce que ça va être, ça ne peut être que du bon, améliorant, je l'espère, les points faibles du présent opus.