Difficile de parler de ce jeu objectivement. D'un point de vue personnel, lorsque ce titre est arrivé, je venais juste d'avoir mon XBox360 mais je jouais moins aux jeux vidéos. L'âge d'or des 16-bits n'était plus qu'un lointain souvenirs, et de (trop) nombreux joueurs semblaient considérer que l'histoire des jeux vidéos avait commencé avec la première PlayStation. La génération précédente était mourrante, et si beaucoup de jeux avaient été excellents, aucun ne m'avait suscité autant d'émotions que les grands RPG SuperNES tels que Chrono Trigger ou Final Fantasy VI. Il y avait bien eu quelques titres intéressants sur PSOne: Chrono Cross (suite, à mon avis maladroite de Chrono Trigger mais pas inintéressante pour autant), Xenogears, Final Fantasy VII et VIII, Suikoden 1 & 2, entre autres. Mais de là à me tenir accroché pendant des heures...
Puis arriva Mass Effect. C'était au Noël 2007. Profitant de quelques jours de vacances, j'avais pu tester le premier Assassin's Creed (plutôt décevant), Blue Dragon (triste erzatz des RPG japonais d'autrefois) et le dit Mass Effect. L'histoire était intéressante, les personnages attachants, l'univers extrêmement plaisant (d'autant plus que le travail de pré-production avait doté le jeu d'un fluff d'une grande richesse). Le gameplay, molasson et imprecis, était plus en retrait, singeant maladroitement les premiers "Third Person Shooter" de l'époque, dont le brillantissime Gears of War était le porte-étendard. N'eut été la partie "RPG" qui, avec son arbre de compétence plutôt bien garni et son inventaire pléthorique (voire trop, la démultiplication de dizaines de modules de munitions quasiment identiques n'apportant, au final, que peu d'intérêt ludique, convenons-en), rehaussait toutefois le niveau.
L'air de rien, une alchimie insidieuse se mettait en place. Partant réveillonner en famille, je dinais avec le miens en passant en revue des images, des conversations et des éléments de l'intrigue dans mon esprit, bien plus conquis que je m'en serais douté à l'époque. Le lendemain, revenant du déjeuner de Noël, je rebranchais ma console et me plongea dans le jeu. Des heures durant lesquelles l'univers et son intrigue s'emparèrent littéralement de moi. Je ne jouais pas à un jeu. Je vivais dans un autre univers. De la citadelle dans la nébuleuse du serpent jusqu'aux étendues glacée de Noveria, en passant par les plages exotiques de Virmire ou les ruines d'Illos, j'appartenais à ce monde, j'étais Shepard, ses compagnons étaient les miens, sa mission était ma quête. Et au terme de la plus grande session ludique de mon existence, seize heures de jeu inninterompu, sans pause, sans repas, une nuit blanche à la clé, je mettais un terme à la menace des moissonneurs, à presque six heures du matin, dans un état émotionnel que je n'avais plus connu depuis Chrono Trigger autrefois. Quelques heures de sommeil plus tard, je recommençais à zéro, un nouveau personnage, une nouvelle expérience. Finir Mass Effect à nouveau, se plonger et prolonger ma vie dans cet univers.
Mass Effect est un jeux vidéo comme il y en a peu. Son univers, porté à la fois par un background riche et travaillé et par une direction artistique talentueuse, est étourdissant de charisme. L'intrigue, bien que relativement faible face aux ténors littéraires du genre, est étonnamment brillante pour un jeux vidéo. Les personnages sont attachants, crédibles, avec une vraie personnalité et dotés d'une histoire personnelle fouillée que l'on prend plaisir à explorer en leur compagnie. Fort bavard, comme tous les titres de ce genre, le jeu comporte un très grand nombre de lignes de textes, et offre l'opportunité d'un vrai roleplay à travers un choix dans les réponses que l'on fait à ses interlocuteurs. Choix qui ne seront pas sans conséquences et pourront influer sur sa réputation et la vision que les autres intervenants pourront avoir de nous et de notre action. Ce système n'était certes pas nouveau pour les aficionados des studios Bioware, formés aux écoles KotOR et Baldur's Gate, mais Mass Effect n'en a pas trahi l'efficacité et a su l'utiliser à bon escient. Oui, Mass Effect est un vrai jeux de rôle. Pas tant du point de vue de la mécanique de jeu que du point de vue du roleplay: on peut y incarner un personnage, altérer sa personnalité, décider de ses actions, et réagir en fonction du caractère et de la morale que l'on souhaite attribuer au personnage que l'on construit.
La partie technique n'est pas en reste, la brillante direction artistique étant remarquablement rendu par l'Unreal Engine 3 malgré quelques problèmes mineurs (quelques retards d'affichage de textures, une poignée de glitchs, mais rien de méchant). Bien sûr, cela reste un jeu de début de vie de console, et peut sembler faire pâle figure face aux blockbusters plus récents (à commencer par ses propres suites). Mais incontestablement, le jeu su flatter quelques rétines en son temps. La bande son de Jack Wall et Sam Hullick parachève l'immersion en offrant des thèmes forts et mêmes quelques compositions assez mémorables dans un style "synthétique" fort éloigné du classique à la sauce "John Williams" auquel nous sommes habitué depuis Star Wars, mais loin d'être dénué de charisme.
En revanche, la partie purement "ludique" se trouve, elle, plus en retrait. Le système de combat, orienté action, s'avère assez mou, ersatz fadasse d'un vrai jeu de tir. L'adrénaline est aux abonnées absentes, et si on ne s'y ennui pas forcément, on ne vibre jamais, ou presque. L'arbre de compétence est bien plus généreux et offre pas mal de possibilités, même s'il aurait probablement gagné à être plus synthétique, ne serait-ce que pour en renforcer les enjeux (choisir entre trois ou quatre bonus de +0,1% dans des caractéristiques et/ou pouvoirs secondaires utilisés une poignée de fois par mission peut parfois sembler dérisoire). Il en va de même pour l'inventaire, rapidement plein (tout du moins avec les classes de personnages formés au piratage, capables de forcer n'importe quel verrou électronique) et dont l'apparente abondance cache en réalité un manque d'originalité assez criant malgré quelques options intéressantes.
En fait, Mass Effect dépouillé de son univers, de ses personnages et de son intrigue aurait été parfaitement oubliable. Un jeu loin d'être mauvais, mais plutôt moyen. Et pourtant, dotés de ces caractéristiques, la faiblesse de son gameplay s'efface complètement, et l'on devient prêt à tout oublier pour poursuivre sa quête. D'ailleurs, les auteurs ne s'y sont pas trompés en offrant à cette franchise, dés ses débuts, un merchandising digne de Star Wars, avec romans, comics et moults autres produits dérivés, dont certains (romans et comics justement), permettent de développer le fluff (avec plus ou moins de brio) et de prolonger l'expérience.
Au final, malgré ses incontestables défauts,la qualité très honnête de la réalisation allié à la richesse de son monde et au degré d'attachements à ses personnages font de Mass Effect une perle, un joyau, à qui on est près à tout pardonner pour quelques heures de plus... En fait, le 9/10 constitue la moyenne entre la note objective de 8/10, et la note du coeur, de 10/10.
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