Metal Gear Solid 2 : Sons of Liberty est un jeu capital, si ce n'est le plus important auquel j'ai pu jouer lors de ma vie de joueur. C'est celui-ci qui m'a fait réaliser avec une force dont j'aurais été incapable de deviner ce que le jeu vidéo peut produire sur le joueur... et de laisser en moi un vent d'optimisme sur ce que le jeu vidéo pourra réaliser à l'avenir.
Mise en abîme du joueur, son créateur Hideo Kojima, le manipule à loisir en jouant sur les codes de la première aventure (Metal Gear Solid 1), flouant la frontière entre réalité et virtuel (et ce, à plusieurs niveaux).
Aussi, et ce fut également une première pour moi, Hideo Kojima s'accapare une œuvre qui est sienne et sait retirer au joueur son contrôle comme le très symbolique Dog Tag que jette Raiden. Ne cherchant pas à répondre au diktat du fun, mot généralement confondu avec plaisir de jouer, Kojima aime au contraire s'amuser avec le joueur et ne pas lui donner tout tout de suite, ou lui retirer ce qu'il affectionne (qui a dit Solid Snake?). Néanmoins, en imposant sa vision au joueur, en lui rappelant qui est le créateur, on aurait pu penser à une œuvre lointaine, distante. C'est tout le contraire qui se produit. Jeu excessivement bavard, les dialogues ont le mérite de laisser passer en filigrane le discours du créateur, et de créer, à travers actions et feebacks une sorte de dialogue unique, comme une conversation chaleureuse et rassurante entre l'auteur et le joueur, une complicité. Jamais un univers technologique et militaire n'avait jamais été aussi accueillant, humain, sensible.
Enfin, n'oublions pas le final qui lui, ne fait pas que flouter réalité et virtualité comme nous l'avons déjà écrit, mais fait éclater le quatrième mur d'une façon merveilleuse et brillante, appelant non pas seulement aux qualités physique du joueur (soit appuyer au bon moment sur un bon bouton) mais à ses qualités mentales. Jamais un jeu n'était alors parvenu à happer le joueur et à le mettre, confortablement assis dans son canapé, dans une telle situation de danger et de paranoïa et avec, à le questionner a posteriori sur ce qu'il vient de vivre. La fin du jeu est une expérience presque détachée et hallucinée, comme si une fois parvenu à ce stade, le joueur se voyait autorisé à recevoir une démonstration implacable et magnifique du créateur manipulateur.
MGS2 : Sons of Liberty, c'est simple, c'est un choc personnel. S'il est vrai que ludiquement le jeu est un peu à la peine avec des phases ennuyeuses, j'aurais envie de dire qu'on s'en fout parce que l'intérêt est ailleurs et qu'il donne pas moins de frissons, d'ailleurs. Le seul vrai défaut, à mes yeux, est la dimension non universelle du jeu. Il faut en effet avoir de préférence joué au premier MGS (mais ceci n'est pas obligatoire) ainsi qu'avoir une bonne connaissance du jeu vidéo pour mesurer la prouesse. Ceci en fait un jeu, hélas excluant, qui ne parlera pas au profane, généralement rebuté de prime abord par l'habillage militaire et technologique du jeu, sans oublier sa toute grandiloquence hollywoodienne qui se bute à des tares (importantes) de réalisation (dues à la technique), défaut parfaitement gommé dans MGS3.