Vous n'êtes pas aveugles, Metal Gear Solid – Peace Walker est décoré d'un joli pictogramme « coup de cœur ». Après Super Mario Galaxy 2, voici le second jeu à porter fièrement les couleurs de notre amour. Mais si dans un premier temps j'ai douté de sa qualité, c'est que j'étais floué par son seul et unique défaut : la PSP. Un détail qui pourrait vous faire passer à côté de l'un des jeux de l'année. Mais MGS – Peace Walker c'est plus qu'un bon jeu, c'est une étape, une consécration, dans la vie d'un génie créatif.
En effet, comme je viens de le stipuler, le seul défaut de ce MGS est la machine qui l'héberge. D'abord, et dans une moindre mesure, au niveau de son aura. A chaque nouvel épisode de la saga du maître Kojima, la terre tremble des pas lourds des fans se dirigeant vers la Fnac à minuit pétante. Peace Walker a connu un lancement correct, mais son arrivée sur PSP n'a pas autant remué les foules qu'un développement PS3. Deuxièmement, et c'est beaucoup plus important, la machine en elle-même est un obstacle à l'appréciation du titre. Je veux bien croire que chez Kojima Production les cerveaux ont chauffé pour trouver une bonne façon d'utiliser l'ergonomie de la PSP, mais rien à faire : la maniabilité est poussive, la caméra foireuse et la précision des tirs est donc amoindrie. Trois configurations vous seront proposées, mais pendant les premières heures, vous subirez plus que vous ne contrôlerez votre avatar. Avec la pratique, des automatismes naîtront, mais il sera ardu d'omettre ceux acquis sur la Dual Shock. La PSP peut être un avantage pour ce qui est du Co-Ops, mais encore une fois, seul le jeu en local est disponible, pas de mode Ad-hoc. Vraiment dommage. Le parc installé de PSP est plus important que celui de PS3, l'investissement pour le développement d'un jeu n'est pas le même et la hype autour de la série Monster Hunter favorise aussi une sortie sur Playstation Portable (des missions Monster Hunter ont même été intégrées au jeu). Mais quel aurait été le bonheur de voir ce MGS sortir sur le PSN. Une vraie manette, avec deux sticks, et surtout un portail online mettant réellement en valeur le mode coopératif du jeu. Des rumeurs circulent sur un possible portage. Je vous demande donc de m'accompagner dans ma prière quotidienne pour que ce miracle survienne.
Pour son créateur, l'épisode Peace Walker est le vrai chapitre 5 de sa saga. Il fait suite scénaristiquement à MGS 3 – Snake Eater (et donc à MGS Portable Ops). Mais pour une fois, Hideo Kojima n'a pas réalisé une suite pour les seuls et uniques fans. C'est-à-dire un jeu complètement auto-référentiel et au scénario hermétique, compréhensible uniquement par les joueurs ayant terminé tous les épisodes. Évidemment, une pelletée de références sont distillées, mais le jeu peut totalement s'appréhender en novice de MGS. Dans ce même ordre d'idée, chacun peut façonner sa partie comme bon lui semble. Les cut-scenes interminables des anciens épisodes sont ici troquées contre des enregistrements audio consultables à l'envi avant chaque mission. Rien ne vous oblige à les entendre et la compréhension du scénario ne sera absolument pas entachée si vous décidez de les zapper. Avec Peace Walker, Kojima atteint un niveau de génie assez phénoménal. Faire d'un nouveau volet d'une saga d'intégriste un excellent titre pour tous. C'est déjà un exploit assez remarquable et une véritable antithèse de ce qu'était MGS 4. Une ambition bien différente est ici née, qu'on n'avait pas ressenti lors du développement du précédent titre du game designer. Mais avant de voir le « pourquoi », penchons sur le « comment » il a appliqué ce changement de direction.
La Mother Base est ce « comment ». Comme pour l'implication scénaristique, un joueur occasionnel pourra gérer, comme il l'entend, le soin qu'il apporte à ce pan du jeu. Mais la Mother Base c'est quoi ? Il s'agit du quartier général de l'armée de Big Boss : Les Militaires sans Frontières. Avant et après chaque mission, vous devrez gérer vos troupes : leur morale, leurs affectations et leur recrutement, mais aussi les fonds que vous voulez investir dans la recherche/développement des armes et des objets. Ainsi que bien d'autres surprises que je vous laisse découvrir par vous-même. Toute cette séquence de micro-gestion prend, au fur et à mesure du jeu, une place prépondérante. Elle s'étoffe en même temps que notre addiction augmente. Si vous jouez en solo (ce qui est mon cas), il va falloir passer du temps dans la Mother Base, chercher des astuces pour l'optimiser au maximum. On a pas mal entendu dire que le titre, et plus particulièrement les boss, étaient coriaces quand on jouait tout seul. Ce n'est pas faux, mais l'obstacle est tout à fait surmontable si l'on prend le temps d'étudier le terrain et l'ennemi. Il paraitra étrange à beaucoup de faire du level up, mais c'est la condition sine qua non pour vaincre sans compagnons.
Le jeu est plein de surprises et marque fortement son identité au sein de l'évolution de la saga. Hideo Kojima est moins dans l'expérimentation, il est aussi moins dans son rôle de réalisateur de cinéma. Comme une consécration dans son approche du jeu vidéo, il a décidé de passer à autre chose. Il regarde enfin vers l'avenir plutôt que dans le passé. Fini les jeux fermés, appréciable par son unique communauté. Peace Walker est un grand jeu pour tous. C'est aussi le franchissement d'une étape pour la saga. Comme son ainé Snake Eater, ce MGS se caractérise par sa maitrise. Hormis le scénario, on oublit que c'est Kojima qui est derrière les manettes. En effet, les grandes idées qui avaient fait la signature du game designer se font ici discrètes, plutôt que maladroites. Le créateur met son égo un peu en arrière plan pour laisser son talent s'épanouir. On retrouve ici un réalisateur presque libéré de son passé, oubliant les schémas appliqués systématiquement à chaque nouvel épisode en faveur d'un volet gorgé de nouveautés en tout genre. Comme un clin d'œil à ses origines ludiques, ce MGS revient à l'infiltration, la vraie, la rude, celle qui est complexe à appréhender, mais tellement gratifiante une fois maitrisée. Personnellement, je pense que Peace Walker a été une thérapie pour son auteur après le développement extrêmement complexe de MGS 4. Kojima implique le joueur, quel qu'il soit, l'invite à prendre les commandes et à suivre, s'il le souhaite, la mythologie de ses héros. En gros, tout ce que le quatrième épisode ne faisait pas. C'est un sentiment de sérénité qui se dégage de ce Metal Gear, une sensation communicative, qui cette fois, ne sera pas uniquement ressentie par les purs fans de la saga.
Comme pour son premier jeu sur MSX, il a fallu que la machine restreigne l'homme et son imagination débordante. On a l'impression que si Kojima possède un capital technologique sous le pied, il se fera dépasser par ses propres ambitions. Aurait-il besoin d'être canalisé ? Peut-être, car c'est dans l'adversité et dans l'obligation pour lui de dépasser des restrictions, qu'il nous livre ses productions les plus ingénieuses. Kojima, avec ce volet PSP, a ouvert son cœur en délivrant une œuvre lisible par le plus grand nombre. Peace Walker est magistral sur presque tous les points : son scénario, ses personnages, sa direction artistique, son ambiance, son ambition. Seul des soucis de maniabilité entachent d'un nuage sombre ce ciel radieux. Ce jeu représente une étape forte pour Kojima. Comme si le créateur prenait enfin le pas sur sa création, pour reprendre l'analogie développée dans le dossier de Shaman.