Voilà voilà quoi…
Quatre ans…
Quatre longues années et j’ai toujours pas craqué…
…Je tiens.
Ah ça ! C’est pas toujours facile, je le reconnais.
Des fois je me surprends à me rappeler que j’ai laissé un bâtiment en plan et que – bon – c’est toujours un peu triste de laisser une œuvre inachevée…
D’autres fois je me dis que je n’ai toujours pas pris la peine de me constituer un vrai village digne de ce nom, avec des habitants libérés de leur servitude zombiesque.
Et puis, à d’autres moments, je repense à ma conception de certains lieux et je me dis qu’ils auraient gagné à être agencés autrement.
Dans des instants comme ceux-là je me dis que ça ne m’engage à rien de relancer ma partie ; de « juste » finir ce que j’ai en tête et rien de plus…
Mais heureusement je sais toujours me reprendre avant de sombrer à nouveau.
Alors c’est sûr, ces soirs là je transpire beaucoup et je me balance d’avant en arrière tout en me frottant l’intérieur du bras, mais je tiens bon…
Oui je tiens…
Ah si on m’avait seulement prévenu en 2011…
Quand cette merde est sortie sur le marché dans un premier temps je ne me suis pas méfié.
Je trouvais que ça avait une sale gueule avec ces graphismes cubiques, pixellisés et chamarrés.
Ça ressemblait juste à simple jeu de Légo. Un banal bac à sables.
« Truc de gamins » j’me disais.
Et puis un soir Youtube m’a fait une suggestion.
« D&Cube » que ça s’appelait.
Je ne sais même pas pourquoi j’ai cliqué dessus. Mais j’l’ai fait.
Et là voilà que deux gusses étaient en train de jouer à ce « Minecraft ». Y’en avait un qu’avait un nom de boisson sucrée et l’autre celui d’un Beatle enrhumé. Et le concept de l’émission consistait à expliquer comment gérer la décoration d’intérieur dans le jeu.
J’ai trouvé ça d’un con et d’un futile ! Je ne comprenais définitivement pas l’intérêt…
…Surtout que, perso, moi j’aurais clairement pas décoré de la même manière.
Leur intérieur il avait besoin de plus de lumière, c’était évident. Et puis franchement – puisqu’on pouvait visiblement construire la maison comme on la voulait – un peu plus de surface au sol ça n’aurait pas fait de mal. Et puis pourquoi un plan en « L » ? Ces gens ont-ils si peu d’imagination ? Si on peut faire ce qu’on veut moi je serais davantage parti d’une pièce de vie centrale autour de laquelle j’aurais org…
…Roh putain merde.
…En fait c’est comme ça que je me suis fait niquer.
J’ai commencé par enchainer les épisodes.
Puis je me suis enfilé les tutos de l’ami Fanta sur « Comment bien commencer à "Minecraft". »
Puis j’ai regardé les constructions collectives orchestrées par l’ami Bob et sa clique.
Et là « Minecraft » se révélait enfin petit à petit pour ce qu’il était vraiment.
Non pas un bac à sable. Mais un bac de coke.
Pure.
C’est fou comment regarder un mec jouer à ce jeu te donne envie de lui piquer la seringue pour te l’enfiler à ton tour dans le bras.
Pourtant ça a l’air tellement tout con vu comme ça.
C’est juste l’histoire d’un gars qui s’efforce de survivre.
Et pour survivre, il faut s’équiper.
Et sitôt on s’équipe que se pose la question de comment disposer les choses qu’on a et surtout où les disposer.
Il y a une fièvre créative qui te prend.
…Cette fièvre qui m’a pris sitôt j’ai passé le cap d’y jouer à mon tour.
Je m’en souviens encore. Ce jeu, je l’avais acheté en début de vacances de Noël.
Je l’ai lancé comme si ça allait être n’importe quel jeu en mode « allez, une petite heure et après on va faire un tour voir les copains… »
Seulement au bout d’une heure la situation était déjà critique.
Je venais de mourir à cause de l’explosion d’un creeper.
Parce que c’est vache ce jeu : sitôt le soleil se couche que toute une série de monstre apparaissent. Des araignées, des zombies, des creepers…
…Et les creepers c’est les pires. Ça t’explose à la gueule sitôt ils sont suffisamment proches de toi.
Du coup ça peut te poutrer ta maison, te laisser un cratère dans ton champ et puis surtout – comme ça te tue – ça laisse trainer le stuff que tu as accumulé sur place.
Quand tu respawnes– vu que tu n’as toujours pas créé de lit (lieu de respawn du jeu) eh bah tu réapparais toujours aléatoirement dans les environs de ta mort.
Jamais bien loin certes, mais toujours suffisamment loin pour que tu sois bien paumé.
Alors tu te dépêches pour reprendre tes marques ; pour retrouver ton stuff avant de mourir à nouveau et ainsi tout perdre.
Et moi j’avais pas envie de tout perdre !
J’avais cueilli quelques pommes pour gérer ma faim. J’avais même réussi à collecter un peu de charbon avec la pioche en bois que je m’étais fabriquée.
Rah et puis en plus ce salopard de creeper il avait fendu ma maison en deux.
…Enfin ma maison. Plutôt la cage de bois que je me suis faite à l’arrache sitôt j’ai vu la menace arriver.
…D’ailleurs il faut que je l’agrandisse ma maison.
Enfin faut pas que j’fasse trop le con non plus parce qu’il faudrait pas que je laisse ma maison ouverte pendant la nuit !
D’ailleurs c’est chiant ces nuits ! On peut rien faire !
Ah si, en fait je peux faire du minage pendant ce temps là … Je vais même creuser sous ma maison comme ça sera plus safe…
…Enfin, à condition que j’éclaire suffisamment.
D’ailleurs comment on fait les torches dans ce jeu ?
RaaaaaaAAAaah, trop de choses à faire !!!
J’pouvais clairement pas lâcher l’affaire au bout d’une heure tout en sachant que j’avais toutes ces tâches sur le feu !
…Si ?
Putain, dès la première heure j’étais déjà addict…
En fait j’crois qu’elle est là, la première raison de mon addiction.
Dans « Minecraft » rien ne se passe comme prévu.
T’es vulnérable tout le temps. T’as l’esprit tout le temps mobilisé.
Il te faut une maison. Une cloture. De la lumière. Il te faut aussi un champ pour sécuriser ta nourriture.
Mais le problème c’est que tout ça nécessite de la ressource.
Alors il faut miner pour piocher de la ressource.
Et miner aussi ça nécessite de la ressource.
Le jeu nous sollicite beaucoup.
Mais là où il est malin c’est qu’il le fait en nous laissant énormément de lattitude dans nos actions, nous invitant en permanence à faire preuve d’initiative.
Pour savoir comment crafter nos outils – à la base – il n’y avait pas de notice.
Il fallait tester des trucs par soi-même ou bien aller demander à la communauté.
…Et consulter la communauté c’était se rendre compte qu’on pouvait partir dans vingt milliards de directions.
D’un côté il y avait ceux qui avaient élaboré des pièges pour looter des items rares tandis que de l’autre certains avaient créé un portail interdimensionnel pour aller explorer un monde parallèle…
…Non mais la vache quoi.
Mais ce monde paraissait sans fin.
C’était un appel à l’aventure en permanence.
…Une deuxième source d’addiction.
Combien de fois je suis parti juste pour collecter du charbon ou du bois et puis – bim – à force de creuser je tombe sur une galerie immense.
Comment ne pas résister à la tentation de ne pas tout explorer ?
Alors c’est sûr : c’est dangereux. On prend des risques. Il faut éclairer. Combattre. Parfois construire des ponts et des rambardes…
Et puis soudain un étrange édifice. Une ressource rare.
On reprend des risques. On s’enfonce. On s’égare…
On perd rapidement le sens du temps.
J’ai joué toute la journée…
Putain j’avais honte.
Ce qui est piégeux avec cette saloperie c’est qu’elle nous fait très vite nous mentir à nous-même.
Quand je suis allé me pieuter ce soir-là je me souviens que je m’étais dit « bon là, c’est exceptionnel ce qui vient de se passer. C’est parce que je lançais la partie… Mais demain on se fixe des heures… Et c’est pas parce que j’ai cette fichue crevasse à explorer que je ne vais pas pour autant être capable de me fixer une discipline hein… »
Résultat : le lendemain j’ai à nouveau joué toute la journée.
Minable le mec. Totalement accro au truc.
C’était la première fois qu’un jeu me faisait ça.
J’ai jamais été dépendant avant ça…
Mais depuis « Minecraft » je suis contraint de compléter cette affirmation à présent.
…Depuis « Minecraft », je suis obligé de dire : j’ai jamais été dépendant, sauf une fois au chalet de Mojang.
En fait ce qui a été vache pour moi – au-delà de la sollitation permanente et de la soif d’exploration – c’est que ce jeu m’a pris pour une troisième et dernière raison.
La pire. La plus sournoise.
Et cette source d’addiction c’était celle du départ finalement – celle qui m’a fait regarder « D&Cube »…
Le vrai problème de ce jeu – au fond – c’est que c’est un putain d’appel à la créativité.
Il n’y a pas une tâche dans ce jeu où je ne me suis pas dit : « y’a moyen de faire mieux. »
Dans ce jeu, même le superflu devient nécessaire.
Est-ce que j’ai besoin de mettre des blocs de laine au milieu de cette pièce pour qu’ils fassent office de faux tapis ? …Bien sûr que non.
…N’empêche que ça ferait plus joli.
Est-ce que j’ai besoin de faire une fausse table au milieu de la pièce afin que ça donne l’illusion d’être une vraie pièce de vie ? …Bien évidemment que non.
…N’empêche que ça ne me prendrait que dix minutes.
Est-ce que c’est franchement important de se poser la question de l’orientation du lit alors que ce n’est qu’un point de respawn ? …Carrément que non !
…Mais bon, ce serait pas la classe d’installer un lit en face d’une grande baie vitrée d’où on voit le soleil se lever ???
En fait elle était là ma came. Depuis le début.
Mon addiction.
Ma putain de spirale.
Dans cette saloperie de créativité.
Je me souviens qu’une fois j’en ai parlé à un pote.
Il m’a téléphoné parce qu’il pensait que j’étais mort.
(En même temps quatre jours sans nouvelle, je comprends qu’il se soit inquiété.)
…Et je me souviens que lorsque je lui avoué en tremblant que j’étais tombé dans le « Minecraft » et que j’arrivais pas à m’en défaire, il n’avait pas compris.
« Ah bon ? …Marrant. Moi j’y ai joué quelques heures et sitôt j’avais ma baraque, mon champ et ma cloture, je ne voyais plus l’intérêt de continuer. »
Quel putain de chanceux ce mec !
Voilà un homme simple qui se contentait de peu.
Ces gens-là savaient être heureux. Ils n’étaient pas vulnérables comme moi, épris de folie des grandeurs.
En même temps il faut me comprendre !
J’avais bâti ma maison sur une petite butte près d’un marais.
Ma maison était petite d’extérieur parce que dans les faits j’avais tout construit en sous-terrain…
…Mais bon, à force d’agrandir mon sous-sol j’avais fini par remarquer qu’en érigeant des murs entre ma colline et celles voisines, puis en recouvrant l’espace qui les séparaient, je pouvais me circonscrire un espace immense totalement sécurisé.
Alors du coup comment je pouvais résister ?
Hein ? Comment ?!
(Putain d’addiction…)
Alors je l’ai bâti mon foutu espace privatif !
Ça a été plus long et plus ardu que prévu mais j’y suis parvenu !
Il y a bien eu des travaux de remblais à faire ; de l’équilibrisme dangeureux auquel se risquer pour étendre ce maudit toit-terrasse ; et puis il y a surtout fallu mener quelques combats en raison d’une mauvaise gestion de mon éclairage (…dont une bataille mémorable qui m’a pris presque une heure, juste pour reprendre le contrôle de mon entrepôt à coffres.)
…Mais je l’ai fait !
Je l’ai eu mon putain d’espace privatif !
J’y ai construit une piscine ! Une salle-à-manger ! Une salle de jeu ! Un cinéma !
Il y avait des baies vitrées partout ! Ça pétait la classe !
Et une fois fini l'espace privatif que j’ai construit une tour de guet. Un jardin. Une verrière…
Tout ça nécessitant de la ressource il me fallait sans cesse aller de plus en plus loin pour chercher les ressources nécessaires.
(Des forêts et des plages entières ont disparu suite à mon passage. L’air de rien ce jeu te fait prendre conscience ce qu’a longtemps été l’état d’esprit américain à base de « orf, bah si y’a plus c’est pas grave, j’vais plus loin y’en a encore plein… »)
Je me suis donc mis à tracer des lignes de chemin de fer pour mes wagonnets.
Mais pour pouvoir les empreinter de jour comme de nuit sans craindre les creepers, mes lignes étaient aériennes et éclairées.
(Ça m’a demandé du temps mais – putain – qu’est-ce que ça pétait la classe !)
Je me suis mis à construire une gare à la jonction de mes lignes, avec des stations intermédiaires et d’autres résidences à chaque terminus.
Puis j’ai appris qu’on pouvait dans ce jeu libérer des zombies et en faire des habitants, alors je me suis mis à construire une ville en prévision ! (spoiler, je n’ai jamais libéré un seul zombie.)
Des maisons ! Des immeubles ! Des hôtels ! Des jardins ! Des parcs !
Et puis soudain j’ai pris conscience que j’avais un sacré espace privatif par rapport aux futurs autres habitants. Du coup j’ai décidé de déménager et de transformer mon ancienne maison en lieu public !
Cinémas et piscines ouvertes ! Salle de jeux diverses !
Il fallait tout réaménager ! Yes !
A chaque fois le plaisir était le même.
Penser le lieu. Penser l’espace…
De temps en temps, au milieu de ces belles parties, j’entendais un drôle de bruit.
C’était mon ventre qui grondait.
Alors très rapidement j’enfilais des godasses et je partais acheter du carburant pour enveloppe charnelle histoire de pouvoir continuer à jouer.
Et c’était lors de ces brèves sorties que je me rendais compte de ce que « Minecraft » était en train de changer en moi.
Sitôt j’étais dans la rue et que je regardais autour de moi que des réflexions étranges me venaient…
« Mais dis donc… Si ça ne tenait qu’à moi je planterais bien des arbres ici et là… Et puis cet immeuble dégueulasse qui jure avec le reste je le ferais bien sauter… Et cet axe là, je le paverais bien pour que ça fasse un peu plus classe… »
J’ai mis un certain temps à décrocher…
L’arrivée des fêtes de fin d’année m’a sûrement sauvé d’une sale affaire pour le coup.
J’ai vu des gens… Je me suis rappelé qu’il existait dans le monde des formes courbes…
Ça m’a fait du bien…
Après ça mes sessions furent plus raisonnables (quoi que régulières).
Mais pendant un certain moment, ça restait évident que si je n’avais rien à faire un soir et que je voyais personne, j’allais forcément me faire une petite (ou grande) session pour agrandir ma ville fictive…
Ah ça ! Je m’en suis écouté du Radio Usul, du RadioNavo ou des conférences d’Etienne Klein pendant que je récoltais du sable, que j’édifiais un aqueduc ou que je creusais une marina !
L’émission écoutée n’était qu’un prétexte. Une excuse !
Mais le pire – et j’ai presque honte de le dire – c’est que ce fut de très bons moments et que j’en garde de très bons souvenirs…
Ça s’est fait progressivement mais j’ai fini par décrocher, étape par étape, tout doucement…
Amis. Engagements associatifs. Vie amoureuse… Autant de choses face auxquelles « Minecraft » était de trop.
J’ai décroché plusieurs fois, pendant de très longues périodes, avant de reprendre quelques semaines puis redécrocher à nouveau.
A chaque fois c’était le même plaisir coupable.
A chaque fois c’était la même satisfaction.
Aujourd’hui j’ai totalement décroché… Je pense définitivement.
Et comme je le disais plus haut, des fois ça m’arrive d’y repenser.
…Et je souris.
Ça me fait vraiment chier de le reconnaitre mais j’ai vraiment adoré jouer à « Minecraft ».
Ça me fait chier parce que ce plaisir, ça a été du plaisir d’autiste.
Et même si le jeu vidéo en solo, le cinéma, la littérature ou bien même le sport individuel, ça reste toujours aussi des plaisirs d’autiste il n’empêche que dans le cas de « Minecraft » j’y ai clairement passé trop – vraiment beaucoup trop – de temps.
D’un côté ça me faisait du bien. Une partie de « Minecraft » c’était vraiment un moment de détente, de créativité et même de culture puisque j’écoutais toujours un truc en fond.
D’un autre côté, difficile d’ignorer que tout le temps que j’ai mis dans « Minecraft » je l’ai mis dans de la créativité stérile.
Si « Minecraft » avait consommé beaucoup moins de mon temps, je pense que je me serais satisfait de l’œil nouveau qu’il m’a permis de forger sur l’espace, l’aménagement de l’espace, voire même – et c’est tout le paradoxe – l’aménagement du temps.
Mais malgré ça je ne peux ignorer que « Minecraft » a bien été ce vampire chronophage qui, à un moment donné, a pris trop de place dans mon quotidien.
Ce serait d’ailleurs l’une de ses deux principales faiblesses, l’autre étant – et c’est presque lié – son absence de finalité.
Je pense même d’ailleurs qu’il est là le point qui m’empêche de considérer « Minecraft » comme l’un des meilleurs titres auquel j’ai joué.
« Minecraft » n’a pas suffisamment de finalité.
Alors d’accord le jeu a fini par en avoir une – de finalité – mais celle-ci a été rajoutée après coup, de manière trop superficielle sur le jeu pour vraiment l’impacter.
Il aurait été si bon qu’au lieu d’avoir un monde procédural infini on nous ait offert un monde procédural limité dans lequel une intrigue se serait déroulée…
…Et attention : quand je parle d’intrigue j’entends bien une intrigue à la « Minecraft ». Un truc fragmenté que tu déduis à force de collecter des trucs et d’échanger avec la communauté.
Avec ça, non seulement l’investissement aurait été plus fort mais surtout il aurait trouvé un fin.
Dès lors chaque joueur aurait eu le choix, une fois arrivé à cette fin : est-ce qu’il refait une partie ou bien est-ce qu’il fait le deuil ?
…Un beau deuil.
…Sur une belle fin.
Parce que là, l’air de rien, en l’état, le seul moyen de se séparer de « Minecraft » c’est forcément sur une mauvaise note.
On se détache parce qu’à un moment donné on se dit : « Minecraft » c’est « trop ».
Trop long. Trop grand. Trop chronophage. Trop ouvert.
C’est d’ailleurs en gardant cette idée là en tête que je parviens désormais à tenir face à lui.
Au lieu de me mentir en me disant « allez, c’est juste pour un petit coup », je préfère me dire « OK, si j’y retourne ça me conduit où ? »
Et la réponse est alors toujours la même : nulle part.
Dans un épisode sorti en 2016, l’émission « Bits » louait « Minecraft » pour cette capacité qu’il a eu de nous reconnecter à un besoin culturel fondamental et noble : celui d’appréhender et modeler notre environnement.
Pour ma part – sans être en désaccord avec cette idée-là – je ne peux m’empêcher de me dire que le succès de « Minecraft » doit être aussi la preuve d’un manque.
C’est aussi parce que nos espaces de vie sont de plus en plus normatifs et qu’on n’y crééplus rien qu’on finit par se réfugier dans ce monde de création virtuelle.
Dit autrement, si « Minecraft » est aussi cool, c’est aussi parce que notre espace de vie est hostile à l’expression créatrice.
C’est tout le problème d’une came de toute façon : si on ne se sent pas noble à la consommer c’est justement parce qu’on sait que cette came révèle un problème dont elle n’est qu’un paliatif.
Malgré tout, quand bien même « Minecraft » est-il en partie ce paliatif badant qu’il n’en reste pas moins en parallèle une œuvre qui n’est effectivement pas sans noblesse.
Parce que l’air de rien ce jeu a ouvert une porte au sein du champ vidéoludique ; une porte que chacun a franchi pour ses raisons, et dont chacun a su retirer ce qu’il a voulu.
Moi j’y ai retiré une sacrée expérience et un sacré plaisir.
Et franchement il n’y a pas beaucoup de jeu qui peuvent se vanter d’être parvenus à faire ça…
…Parce que l’air de rien, combien y’a-t-il de drogues dont on se souvient avec plaisir et nostalgie ?
Moi perso rien ne me vient…
…sauf un truc, une fois au chalet de Mojang.