En tant que critique suisse, j’ai l’impression qu’il est de mon devoir de mieux présenter ce jeu (j’avais initialement écrit une simple ligne).
Mundaun est un petit chef-d’œuvre, certes maladroit, mais fascinant, qui m’inspire profondément parce qu’il raconte une partie de mon héritage culturel et des histoires transmises dans ma famille. Des histoires que l’on se raconte, évoquant un temps lointain où des hommes vivaient isolés dans les Alpes et pactisaient parfois avec le diable.
La tradition paysanne alpine voulait que les hommes gardent les troupeaux dans les hauteurs pendant l’été. Généralement pour une période de deux à trois mois, ils vivaient alors dans un isolement total (et parfois alcoolisé), ce qui alimentait facilement un imaginaire fantastique.
Une légende similaire, bien connue en Suisse, est celle du Pont du Diable. Ce récit raconte l’histoire de deux vallées séparées par un torrent impétueux. Chaque tentative des habitants pour bâtir un pont se soldait par un échec : à chaque orage, le courant emportait leurs fragiles constructions. Un jour, sous les traits d’un vieil homme, le diable lui-même se manifesta et proposa de bâtir un pont de pierre capable de résister à toutes les intempéries. En échange, il réclamait une âme.
À la surprise générale, le pont fut construit en un temps record. Cependant, le maire du village, inquiet à l’idée d’honorer le pacte, demanda au diable comment il comptait récupérer son dû. Ce dernier répondit que la première âme qui traverserait le pont lui reviendrait. Pour éviter un sacrifice humain, le maire décida d’envoyer un chien en premier. Une fois l’animal sacrifié, le diable, dupé et enragé, tenta de détruire le pont, mais celui-ci était trop solide. Les villageois se rassemblèrent, et un prêtre bénit l’édifice. Aujourd’hui encore, ce pont existe, témoin de cette légende.
L’histoire de Mundaun est semblable, bien que différente. Michel Ziegler, son créateur, s’inspire des ressorts de ces contes folkloriques : le diable rôde toujours, ses propositions sont irrésistiblement séduisantes, et les choix des personnages sont lourds de conséquences. Bien que j’aie envie d’en dire plus, je préfère m’arrêter ici : mon objectif est d’inciter de nouveaux joueurs à découvrir ce jeu (et leur donner envie), plutôt que de parler à ceux déjà convaincus.
Pour conclure, je tiens à souligner ceci : Mundaun est un conte fantastique ancré dans un folklore bien réel. L’architecture des chalets, les véhicules agricoles, les bunkers creusés dans la montagne : tout cela existe ou a existé dans les montagnes suisses. Et que dire de la langue parlée, le rumantsch ? Cette langue, pratiquée par seulement 60 000 personnes, reste quasiment inconnue, même pour nous, Suisses. L’entendre dans le jeu a immédiatement piqué ma curiosité, car rares sont les œuvres de fiction qui exploitent cette langue en déclin, soutenue malgré tout par une forte volonté locale.
Il est évident que “l’école du gameplay” pourrait juger Mundaun un peu plat. Ce jeu s’apparente davantage à un projet artistique et patrimonial, réalisé grâce au moteur Unity. Il utilise le médium du jeu vidéo pour nous plonger dans une tradition magique et lointaine. Personnellement, je l’ai vécu avec une intensité particulière, car ce récit touche à mes racines. J’espère qu’il saura vous émouvoir à votre tour.
(source de la légende du pont du diable. français/allemand uniquement https://www.nb.admin.ch/snl/fr/home/publications-recherche/dossiers/gothard-gravure/pont-du-diable.html )