Chaque fois qu’il lui était arrivé quelque chose, il l’avait fait représenter sur lui, ses bras, son torse et son cou.
Je regardais Ronan et toutes l’histoire de sa vie inscrite à l’encre noire sur sa peau blême ; le jeune rebelle, puis le caïd, le franc-tireur, la tête brûlée, le gangster, le braqueur et finalement l’amoureux, le grand repenti, le mari, le flic aux méthodes douteuses, puis le veuf, le type qui n’avait plus rien à perdre, le trompe-la-mort et maintenant voici que la mort l’avait pris.
Il gisait pâle, ses yeux grands ouverts sur le sol humide d’une petite ruelle sombre et visiblement mal famée. Des éclats de vitre brillaient dans la nuit autour de lui et dans ses cheveux noirs.
Ronan, si on t’avait dit que tu mourrais défenestré, est-ce que tu l’aurais cru ?
Jeté comme un chien par une silhouette haute et noire, menaçante et muette. Non contente de la chute vertigineuse, elle était redescendue t’achever de sept balles dans le thorax- histoire d’être sûre- avant de disparaître.
La ville autour de moi était vide, sombre, sinistre, les réverbères se noyaient dans la brume. Bientôt les flics seraient là avec leurs bandeaux jaunes hideux et leurs gyrophares à la noix.
Enterrer quelqu’un n’est jamais une chose marrante, enterrer un collègue encore moins. Ils seraient sacrément en colère et feraient tout un cinéma de ta mort.
Ne me demandez pas comment je suis revenue aux côtés de Ronan O’Connor (ou plutôt de son spectre) dans cette ville au passé sombre de l’état du Massachusetts qu’est Salem.
J’ai découvert Murdered : Soul Suspect il y a plusieurs années, j’avais aimé l’atmosphère, la violence inutile et cruelle du Crieur des Morts et le pitch à la sauce Ghost Whisperer (mais sans Jennifer Love Hewitt) du passeur d’âmes. Le visage de Ronan, avec sa cigarette éternelle au coin des lèvres, son chapeau vissé sur le crâne, son holster d’épaule en cuir noir et ses sept petits trous de feu dans le côté droit m’étaient restés en tête : j’avais su en le rencontrant que j’écrirais un jour sur son univers : je ne savais juste pas à quel moment et avec quels mots.
C’est l’histoire d’un flic tourmenté (encore un), devenu spectre (toujours tourmenté) et de son enquête. C’est l’histoire d’un mort qui résout l’énigme de son propre assassinat, le tout en sauvant quelques innocents et en aidant d’autres âmes errantes à quitter définitivement le monde des vivants. Qui est ce Crieur des morts qui assassine les pauvres gens de Salem dont notre héros ?
Que veut-il et plus important encore, qui est-il ?
Ronan doit répondre à toutes ces questions s’il veut un jour pouvoir reposer aux côtés de son épouse Julia et trouver la sacro-sainte paix.
En attendant ce jour, il court de place en place, afin de reconstituer les différents morceaux qui composent le puzzle de son enquête.
Son chemin croisera celui d’Abigail, Joy, Cassandra, le fera traverser des murs, visiter une église, prendre le corps d’un chat, exécuter quelques terribles démons, et devenir le tuteur d’une ado rebelle en mal de stabilité.
Presque à la manière d’un vivant, Ronan doit demeurer en mouvement, quoi que sa vie soit désormais finie, coincé à l’orée d’une multitude de mondes.
Je vous passe la fin (réussie) qui a le mérite d’avoir été étudiée, pensée, travaillée et qui est honorable, intelligente, finalement digne du reste du jeu. J’ai vu trop de conclusions bâclées, des heures à faire avancer le personnage vers sa propre fin pour n’avoir qu’une poignée de secondes sans le moindre mot et une vague cinématique en guise de conclusion. Pour le coup, Ronan n’est pas abandonné par ses scénaristes et il s’adresse au joueur qui a cheminé avec lui dans les ruelles sinistres de la ville jusqu’à ce qu’une voix- féminine celle-ci, ne vienne doucement l’appeler pour l’emporter avec elle : une fin lumineuse, vous dis-je. ■